Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gance (Abel) (suite)

L’esprit d’Abel Gance ne pourrait mieux se définir que par deux textes qui le dépeignent avec force et justesse. L’un est un appel placardé à la porte du studio de Billancourt avant l’exécution de son Napoléon de 1926 : « À tous, collaborateurs de tous ordres, premiers rôles, seconds plans, opérateurs, peintres, électriciens, machinistes, à tous, surtout à vous humbles figurants qui allez avoir le lourd fardeau de retrouver l’esprit de vos aïeux et de donner par votre unité de cœur le redoutable visage de la France de 1792 à 1815, je demande, mieux j’exige, l’oubli total des mesquines considérations personnelles et un dévouement absolu. Ainsi seulement vous servirez pieusement la cause déjà illustre du plus bel art de l’avenir à travers la plus merveilleuse des leçons de l’histoire. » L’autre est une définition à la fois orgueilleuse et désabusée de ce que fut sa carrière : « J’ai été perpétuellement en équilibre instable sur les rails d’un petit train Decauville. À quoi bon une locomotive puissante si elle ne peut rouler vite sur des rails peu solides. Rongeant mon frein, j’ai dû laisser pendant des années ma locomotive au garage et il me faudrait des rails robustes pour y lancer la polyvision, cette locomotive surcompressée du cinéma futur. »

J.-L. P.

 Abel Gance, numéro spécial de l’Écran (1958). / S. Daria, Abel Gance hier et demain (La Palatine, Genève, 1959). / R. Jeanne et C. Ford, Abel Gance (Seghers, 1963).

Gand

En néerl. Gent, v. de Belgique, ch.-l. de la Flandre-Orientale ; 156 000 hab. (Gantois).


Le site

Avec 230 000 habitants, l’agglomération se classe au quatrième rang en Belgique ; la « région de Gand » (les arrondissements de Gand et d’Eeklo) regroupe 560 000 personnes. Un passé riche et un présent actif se mêlent de façon prenante. La ville de Jacob Van Artevelde, des Van Eyck et de Charles Quint possède, avec l’alignement de ses trois tours, — Saint-Nicolas, le beffroi et Saint-Bavon —, vu depuis le quai aux Herbes, une sorte de Champs-Élysées du Moyen Âge. Si la poussée textile du xixe s. a créé des structures moins élégantes, aujourd’hui l’industrie quitte la ville, se regroupant essentiellement au nord, tandis que Gand s’entoure ailleurs de belles banlieues résidentielles ou d’une banlieue de floriculture au nord-est.

Le site est celui de toutes les villes flamandes de Bruges à Louvain : au contact entre les collines, au sud, et la plaine de la « Vallée flamande », au nord. L’avantage de Gand est de se situer à la confluence de l’Escaut et de la Lys, au point où l’Escaut, avant son coude vers Anvers, est le plus proche de la mer (une mer qui s’est avancée autrefois plus qu’aujourd’hui). Entre les deux rivières, le mont Blandin domine la plaine humide. La ville s’étale entre deux pôles de développement : en haut, sur le mont, l’abbaye de Saint-Pierre (625-630/1629-1645) et la citadelle ; en bas, la cathédrale de Saint-Bavon, les châteaux (comtes de Flandre, Gérard le Diable...) et le port.

A. G.


L’histoire


Les origines

D’abord occupé par les abbayes de Saint-Bavon et de Saint-Pierre, fondées entre 630 et 650 par saint Amand, le site de Gand ne s’urbanise qu’au cours du ixe s. La ville est le siège d’un pagus carolingien et se développe d’abord autour d’un premier portus, né, peu après 800, de la navigation frisonne sur l’Escaut et sur la Lys (trafic de laine, des draps et du plomb d’Angleterre). Prise par les Normands, Gand connaît un nouvel essor au temps du comte de Flandre Baudouin II le Chauve (879-918) ; celui-ci y édifie en effet un castrum, au pied duquel se développent la ville épiscopale et un second portus.


L’économie gantoise

Animant la foire annuelle de Saint-Bavon du 1er octobre, en relations commerciales étroites avec l’Angleterre et même avec l’Allemagne par la route terrestre de Cologne, les mercatores de Gand réinvestissent leurs capitaux dans une puissante industrie drapière, qui, dès la fin du xiie s., enlève à Arras sa primauté en cette matière. Ils sont bien accueillis à Gènes dès la fin du xiie s. ainsi qu’en Allemagne et en Scandinavie, où ils échangent leurs draps contre des vins rhénans, des céréales, des harengs et du bois (apogée vers 1250-1258), mais ils doivent pourtant renoncer à toute itinérance sous la double pression des marchands de Cologne et de Lübeck, qui les éliminent tour à tour au xiiie s. des villes rhénanes et hanséates, et sous celle des marchands italiens, qui achètent leurs draps d’abord aux foires de Champagne au xiiie s., puis de plus en plus souvent à Bruges à partir du xive s.


Population et société

Dans ces conditions, la fonction industrielle de la ville devient primordiale. Bénéficiant de l’une des plus fortes concentrations ouvrières de l’Europe du Nord-Ouest, Gand compte environ 56 000 habitants à la veille de la Grande Peste de 1348 ; aussi accroît-elle sa superficie à trois reprises, en 1254, en 1275 et en 1300, et s’entoure-t-elle d’une dernière enceinte, d’ailleurs trop vaste en raison de la stagnation démographique de la fin du xive s. Près de la moitié de ses habitants vit uniquement de la draperie. Celle-ci est placée d’abord sous le contrôle d’entrepreneurs marchands très dynamiques ; à la fin du xiiie s., elle passe sous celui d’un riche patriciat qui impose par la charte de 1277 la séparation des activités commerciales et industrielles. Formé des descendants de marchands enrichis qui ont investi leurs revenus en terres depuis le milieu du xie s., bénéficiant depuis lors des privilèges attachés à la propriété foncière, le patriciat gantois comprend de 1 500 à 2 000 personnes appartenant à environ 108 familles d’« hommes héritables », c’est-à-dire ayant des propriétés de ce type, dont l’une des plus célèbres est celle des « uten Hove » (« de la Cour »).

Ce patriciat vit comme les nobles, dans des demeures puissamment fortifiées ; il maintient son étroite domination sur le petit peuple encore inorganisé des artisans et des ouvriers de la laine, auquel, en 1275, la comtesse Marguerite de Flandre (1244-1280), puis, à partir de 1278, le comte Gui de Dampierre († 1305) accordent leur appui, en particulier en matière salariale, afin d’arracher aux XXXIX (substitués en 1228 aux treize échevins primitifs) le gouvernement de la ville. Sauvés une première fois par leur appel au parlement de Paris en 1275, ces derniers s’allient naturellement en 1287 à Philippe IV le Bel afin de sauver le régime patricien et de maintenir la fiscalité oppressive (taille urbaine), contre laquelle se révolte le « commun » des villes flamandes en 1296-97. Au parti des oligarques, qualifiés désormais par ses adversaires de leliaerts (« gens de fleurs de lys »), s’oppose désormais le parti des clauwaerts (« gens de la griffe », par allusion aux griffes du lion de Flandre). Celui-ci l’emporte d’abord à Gand, où Gui de Dampierre dépose en 1297 les XXXIX, qui font appel à Philippe IV le Bel, qui réunit alors la Flandre au domaine royal et lui impose un gouverneur, Jacques de Châtillon.