Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Innovation importante, ses décisions ne sont pas toutes soumises à l’obligation du contreseing d’un ministre. Il en est ainsi : de la nomination du Premier ministre (cette dénomination a été substituée à celle de président du Conseil, qui figurait dans la Constitution de 1946, mais non dans les lois constitutionnelles de 1875) ; de la décision de mettre fin aux fonctions de ce dernier (sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement) ; de la décision de recourir au référendum prévu par l’article 11 (sur proposition du gouvernement — pendant la durée des sessions — ou sur proposition conjointe des deux assemblées) ; de la dissolution de l’Assemblée nationale (après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées) ; de la mise en vigueur des dispositions de l’article 16 relatif à l’état de nécessité* ; des messages au moyen desquels il communique avec les assemblées ; de la nomination d’un tiers des membres du Conseil constitutionnel ainsi que du président de cet organisme ; de la décision de déférer une loi ordinaire ou un engagement international à ce même Conseil.

En revanche, ses autres actes sont, eux, contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables : nomination et révocation des membres du gouvernement (sur proposition du Premier ministre) ; promulgation des lois définitivement adoptées par le Parlement ; éventuellement, demande — qui ne peut être refusée — à celui-ci de procéder à une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles ; promulgation des lois référendaires ; signature des ordonnances et des décrets délibérés en Conseil des ministres ; nomination aux emplois civils et militaires de l’État (éventuellement délégation de ce pouvoir de nomination) ; actes accréditant les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; décisions de grâce.


L’« évocation » des grandes affaires ou le « domaine » de l’Élysée

En fait, depuis 1959, le président détermine les principales lignes de la politique intérieure française et dirige les grandes négociations diplomatiques ; il rend compte de ses actes et de ses intentions au peuple (qui, depuis la révision référendaire du 28 octobre 1962, procède à son élection au suffrage universel direct) par messages, allocutions, conférences de presse et interviews radiotélévisées. En cas d’usage des pouvoirs exceptionnels de l’article 16, il est tenu d’en informer la nation par un message.

Pour exercer pleinement ses pouvoirs, il s’est entouré de services administratifs importants, notamment de nombreux chargés de mission et conseillers techniques, qui l’assistent dans leur spécialité propre et lui permettent de suivre et de connaître l’activité des divers départements ministériels ; il préside, en outre, de nombreux conseils et comités.

Une telle conception du rôle de président « évoquant » bon nombre d’affaires qu’il eût été impensable, sous les IIIe et IVe Républiques, de lui voir traiter directement, d’abord plus conforme à l’esprit qu’à la lettre de la Constitution de 1958, ne paraît plus guère discutable depuis la révision de 1962, qui a fait du chef de l’État l’élu direct du peuple. Cette réforme a largement déplacé le centre de gravité de la vie constitutionnelle et transformé l’activité politique française, mais son application semble exiger, comme condition préalable, une certaine identité entre les vœux de la masse des électeurs, constituant elle-même la « majorité présidentielle », et les vœux des députés, constituant la « majorité parlementaire ». Sans doute le président dispose-t-il d’armes certaines au cas où un conflit l’opposerait à la majorité de l’Assemblée nationale : droit de dissolution, recours au référendum constitutionnel, contacts directs avec la nation au cours de ses déplacements ou par l’intermédiaire des ondes. Mais ce recours à l’arbitrage suprême du peuple risque de mettre le chef de l’État en face du dilemme classique : se soumettre ou se démettre, c’est-à-dire, en pratique, se démettre, car il paraît difficile qu’un homme d’État à forte personnalité puisse successivement définir deux politiques très différentes l’une de l’autre.

En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement constaté par le Conseil constitutionnel, saisi par le gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, l’article 7 de la Constitution stipule que les fonctions du président de la République seront provisoirement exercées par le président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ses fonctions, par le gouvernement. La durée de l’intérim est limitée — sauf cas de force majeure constatée par le Conseil constitutionnel — à trente-cinq jours au maximum. Le président intérimaire ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale ; pendant la durée de l’intérim, l’Assemblée nationale ne peut pas renverser le gouvernement et aucune procédure de révision constitutionnelle ne peut être engagée (ni par voie parlementaire, ni par voie référendaire). Les dispositions de l’article 7 ont été appliquées en 1969 après la démission du général de Gaulle, l’intérim ayant été assuré par Alain Poher, président du Sénat, bien que ce dernier ait simultanément été candidat à la succession présidentielle.

L’élection du président

Aux termes de l’article 6 de la Constitution, le président est élu pour sept ans au suffrage universel direct.

Le scrutin est ouvert sur convocation du gouvernement au moins vingt jours et au plus trente-cinq jours avant l’expiration des pouvoirs du président sortant ou après la vacance de la fonction.

La liste des candidats, établie par le Conseil constitutionnel, est publiée au moins quinze jours avant la date du scrutin. Pour être retenue par le Conseil constitutionnel, une candidature doit être appuyée par les signatures de cent citoyens (représentant au moins dix départements ou territoires d’outre-mer différents) appartenant à l’une des catégories suivantes : parlementaires, membres du Conseil économique et social, conseillers généraux ou maires, et accompagnée d’un cautionnement de 10 000 francs. En vue d’assurer le « principe d’égalité entre les candidats », la loi édicté certaines dispositions, qui, d’une part, assurent la répartition des heures d’utilisation des antennes de la radiodiffusion-télévision française et, d’autre part, limitent le nombre des affiches et professions de foi de chacun ; une commission nationale et des commissions départementales contrôlent le respect de ces dispositions.

Tout candidat ayant obtenu au moins 5 p. 100 des suffrages exprimés bénéficie de la part de l’État d’une subvention forfaitaire de 100 000 francs pour contribution aux frais de sa campagne électorale.