Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Fouquet (Jean) (suite)

 P. de Durrieu, les Antiquités judaïques et le peintre Jean Fouquet (Plan et Nourrit, 1908). / K. G. Perls, Jean Fouquet (Hyperion, 1941). / P. Wescher, Jean Fouquet et son temps (Éd. Holbein, Bâle, et Éd. du Mont-Blanc, Genève, 1947). / Jean Fouquet, les Heures d’Étienne Chevalier, préface de C. Sterling (Vilo et Draeger, 1971).

Fouquet ou Foucquet (Nicolas)

Surintendant des Finances (Paris 1615 - Pignerol 1680).


Fils d’un riche armateur breton, François Fouquet (1587-1640), maître des requêtes et conseiller d’État ordinaire, Nicolas est destiné à la magistrature. Dès 1635, il est maître des requêtes et, quinze ans plus tard, il devient procureur général du parlement de Paris, charge des plus importantes qu’il achète 150 000 livres. On est alors en pleine époque des troubles civils qui caractérisent la minorité du jeune Louis* XIV. Le procureur du parlement se fait remarquer par un zèle particulier pour les intérêts de la reine mère, qui le protégera toujours ; d’autre part, il s’attache à Mazarin* dès 1648.

La faveur du cardinal le fait nommer en 1653 surintendant des Finances du royaume, d’abord en collaboration avec Abel Servien (1593-1659) puis, après 1659, comme unique titulaire. Les finances sont alors en grand désordre à cause de la guerre intérieure et des conflits extérieurs.

Durant plusieurs années, le surintendant pallie les difficultés financières par les expédients habituels de l’Ancien Régime : vente d’offices, emprunts, etc. Il engage lui-même une partie de ses biens et emprunte des sommes importantes au cardinal Mazarin pour les prêter au roi. Il est certain, cependant, qu’en faisant les affaires de l’État il n’oublie pas les siennes : il était d’ailleurs de tradition que les grands officiers de la Couronne s’enrichissent de cette façon, et le propre prédécesseur de Fouquet dans la charge du surintendant, Michel Particelli d’Emery (v. 1595-1650), est resté célèbre pour ses concussions. Toujours est-il que Fouquet acquiert une énorme fortune.

Au début de son règne personnel (1661), Louis XIV s’étonne de l’état de ses finances et de voir le plus clair de ses revenus servir à payer soit des dettes, soit des intérêts. Cette situation est la suite logique de plusieurs années de troubles civils et de la longue guerre contre la maison d’Autriche, durant lesquelles les habiles mais peu honnêtes « expédients » du surintendant ont permis de « tenir ».

Pour s’en éclairer, le jeune roi s’adresse à Colbert* : c’est répondre au secret désir de ce dernier, car, dévoré d’ambition et surtout fort désireux de prendre la place de Fouquet, Colbert ne fera rien pour atténuer les fautes du surintendant, si même il ne les exagérera pas. En tout cas, il sait surtout profiter des imprudences de son ennemi.

Le surintendant a, par ailleurs, acquis la propriété de Belle-Île sur la côte bretonne et l’a puissamment fortifiée. À quelques années des troubles de la Fronde*, il n’est pas difficile à Colbert d’insinuer au roi que Fouquet, appuyé sur son île comme sur un bastion, pourrait de là menacer la Bretagne et tenter de s’en emparer. D’autre part, Fouquet a aussi fait construire près de Paris le château de Vaux* sur les plans de Le Vau ; Le Nôtre a dessiné les jardins, et Le Brun décoré les appartements. Ce palais surpassait en beauté toutes les résidences royales.

En août 1661, pensant reconquérir la faveur royale, Fouquet donne à Vaux une magnifique réception en l’honneur de Louis XIV. On y joue pour la première fois les Fâcheux de Molière. Le roi peut y voir le blason de son ministre des Finances, un écureuil avec cette devise : Quo non ascendet ? (Où ne montera-t-il pas ?). Irrité, le monarque décide l’arrestation d’un sujet qui a des demeures et une fortune plus grandes que celles de son roi. La cour assidue que Fouquet fait à Mlle de La Vallière n’est pas pour arranger ses affaires auprès de Louis XIV.

Tout d’abord, le roi dissimule au point que Fouquet se croit sur le point d’obtenir la place de Premier ministre, que la mort de Mazarin a laissée vacante. On persuade ensuite Fouquet de vendre sa charge de procureur général, car, en cette qualité, il n’est justiciable que des chambres assemblées. Puis Louis XIV, craignant la rébellion de Belle-Île, part avec Fouquet pour Nantes, et c’est là qu’il le fait arrêter par le capitaine de ses mousquetaires, d’Artagnan, le 5 septembre 1661. On enferme Fouquet à la Bastille et on lui donne des juges dont la plupart étaient ses ennemis déclarés, et en particulier le président du tribunal, le chancelier Séguier, et Henri Pussort (1615-1697), l’oncle de Colbert.

À son procès, Fouquet fait preuve d’une grande présence d’esprit et discute pied à pied de tous les chefs d’accusation, dont beaucoup tombent, au point que l’on se met à en craindre l’effet sur le public. En particulier à propos d’une hypothétique accusation de rébellion au roi, qualifiée de crime d’État, il répond « qu’un crime d’État, c’est quand on est dans une charge principale, qu’on a les secrets du prince, et que tout d’un coup on se met du côté de ses ennemis, qu’on engage toute sa famille dans les mêmes intérêts, qu’on fait ouvrir les portes des villes, dont on est gouverneur, à l’armée des ennemis, et qu’on les ferme à son véritable maître, qu’on porte dans le parti contraire tous les secrets de l’État, voilà, Monsieur, ce qui s’appelle un crime d’État ». Réponse d’autant plus mordante que c’était là toute l’attitude du chancelier durant la Fronde.

Étant au faîte de sa puissance, Fouquet avait protégé écrivains et artistes, qui lui resteront fidèles dans son malheur : Pellisson, Mme de Sévigné, Mlle de Scudéry, Saint-Évremond et La Fontaine, qui écrit l’Élégie aux nymphes de Vaux pour fléchir le roi. Ces amitiés et l’espèce de mouvement publie en sa faveur lui sauvent sans doute la vie. Fouquet est condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement en décembre 1664 ; le roi, trouvant la sentence trop bénigne, transforme la peine en celle de prison perpétuelle. La sévérité de Louis XIV souligne sa décision à la fois de ne plus tolérer d’oligarchies financières et d’établir sans conteste son pouvoir personnel.