Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes

Chaîne de montagnes de l’Europe.


Introduction

Les Alpes constituent, de la Méditerranée aux plaines hongroises, sur 1 200 km, une énorme chaîne arquée et dissymétrique. Elles s’élèvent brusquement au-dessus des plaines du Pô, de Vénétie et du Frioul, et s’abaissent au contraire progressivement vers l’ouest, en France, vers le nord, dans le secteur oriental. Les hautes altitudes s’alignent à peu près suivant cet axe interne, mais les sommets les plus élevés sont groupés presque tous aux environs du coude franco-suisse, là où la chaîne est le plus étroite (massif du Mont-Blanc, Alpes Pennines, Oberland bernois) ; sa largeur est seulement de 120 km entre le lac Léman et Ivrée, alors qu’elle atteint 180 km dans les Alpes du Sud et dépasse 300 km à l’est du lac de Côme.

Un ensemble montagneux aussi puissant est sans aucun doute un obstacle majeur entre l’Europe méditerranéenne et l’Europe septentrionale. Mais il ne faut pas exagérer pourtant l’importance de cette barrière. Les Alpes n’ont pas l’ampleur ni l’énergie des montagnes américaines ou de l’Asie centrale ; de plus, elles sont profondément aérées par de nombreuses vallées, voire par de véritables appendices des plaines voisines, comme le Sillon alpin français ; leurs cols sont souvent assez bas. Leur pénétration et leur traversée sont donc relativement faciles, et l’occupation humaine y a toujours été dense. Loin d’être répulsives, « elles font partie intégrante de l’Europe » (P. Veyret) car elles restent à sa mesure.

J. M.


Géologie

Il est classique de subdiviser la chaîne des Alpes en trois tronçons : les Alpes occidentales (ou Alpes franco-italiennes), de la Méditerranée au Léman, les Alpes centrales (ou Alpes suisses), du Léman aux Grisons, et les Alpes orientales (ou Alpes autrichiennes), des Grisons à Vienne.

On distingue aussi une série de bandes concentriques, dont les caractères tectoniques, paléogéographiques ou morphologiques se suivent assez bien. Ce sont, du domaine externe (partie convexe de l’arc alpin) au domaine interne (partie concave) : l’ensemble helvétique (dauphinois en France), l’ensemble pennique et l’ensemble austro-alpin.


L’allure générale de l’édifice alpin

Elle résulte de la présence en son sein d’accidents complexes et variés, allant des simples plis, failles et chevauchements, jusqu’à de grandes nappes de charriage qui se sont dirigées généralement de l’intérieur vers l’extérieur de la chaîne, mais qui, dans certains secteurs, ont pu être reprises par des mouvements de sens contraire.

Le style tectonique des grands ensembles définis précédemment varie de l’un à l’autre en fonction de la lithologie des couches non affectées par le métamorphisme. Cependant, comme dans beaucoup de chaînes de montagnes, on peut souvent définir, pour chacune des zones, un socle ancien d’âge hercynien et une couverture, laquelle comporte des séries mésozoïques et tertiaires, dont les couches sont plus souples ; mais il existe aussi des séries dont on ne connaît pas le substratum. Le plus souvent, socle et couverture, qui ont des propriétés mécaniques différentes, sont généralement séparés par des niveaux de décollement, qui ont joué le rôle de lubrifiant et favorisé le déplacement de la couverture par rapport au socle.

D’une manière générale, on peut dire que la tectonique du socle est plus cassante, celle de la couverture, où dominent les marnes et les calcaires, plus souple ou plus adaptée. Cependant, les parties les plus profondes de l’édifice pennique qui ont subi le métamorphisme alpin et ont pu être remobilisées présentent aussi un style très souple.


Esquisse structurale


Les Alpes occidentales

• L’ensemble dauphinois. Ce segment externe des Alpes porte le nom de zone dauphinoise en France et de zone helvétique en Suisse.

La zone dauphinoise comporte un socle cristallin qui affleure dans un alignement de bombements récents : les massifs cristallins externes. Du sud au nord, on rencontre successivement les massifs de l’Argentera (ou du Mercantour), du Pelvoux, de Belledonne - Grandes Rousses, des Aiguilles Rouges - Mont-Blanc et de l’Aar - Saint-Gothard. Formés de terrains anciens, cristallins généralement, avec quelques synclinaux pinces à matériel carbonifère et permien, ils portent les plus hauts sommets des Alpes.

La couverture, constituée essentiellement de calcaires et de marnes d’âge jurassique et crétacé, est décollée de son socle. Elle constitue la série des massifs subalpins. Du sud au nord, ce sont : l’arc de Nice, l’arc de Castellane, l’arc de Digne, le Diois et les Baronnies, le Vercors, la Grande-Chartreuse, les Bauges et les Bornes.

Les massifs subalpins sont plissés et affectés de chevauchements ; l’érosion les a profondément entaillés et en a modelé le relief (relief subalpin). En Suisse, l’ampleur des phénomènes tectoniques s’exagère, de sorte que la zone helvétique se présente sous forme de grandes nappes de charriage (les nappes helvétiques).

Les parties les plus internes (orientales en France et méridionales en Suisse) de ce domaine, charriées sur celui-ci, portent le nom de zone ultradauphinoise en France et de zone ultrahelvétique en Suisse.

• L’ensemble pennique. Il constitue une section plus interne, avec encore un socle paléozoïque ainsi qu’une couverture secondaire et tertiaire. Les séries stratigraphiques mésozoïques et tertiaires permettent de le subdiviser de l’extérieur vers l’intérieur en zones subbriançonnaise, briançonnaise et piémontaise (ou des schistes lustrés).

Le socle de la zone briançonnaise apparaît bien dans le massif de la Vanoise, celui de la zone piémontaise dans les massifs cristallins internes de Dora Maira, du Grand-Paradis et du Mont-Rose.

La couverture subbriançonnaise et la couverture briançonnaise surtout montrent une série stratigraphique à dominante calcaire et marneuse, dont la puissance se réduit fortement. Les décollements se font dans la première zone au niveau du Keuper (comme dans la zone dauphinoise), du Werfénien dans la seconde. Il s’agit là d’une sédimentation de haut-fond, entrecoupée de lacunes. Elle correspond au géanticlinal briançonnais, ride qui sépare le sillon géosynclinal dauphinois du géosynclinal piémontais.