Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Almeida Garrett (João Baptista da Silva Leitão de)

Écrivain et homme politique portugais (Porto 1799- Lisbonne 1854).


Un des meilleurs prosateurs de langue portugaise, restaurateur du théâtre, chef de l’école poétique romantique et homme public aux idées modernes, il a fortement marqué son époque. Il est né dans une famille bourgeoise ayant quelques biens aux Açores. Le nom de Garrett révèle des ancêtres maternels irlandais. Les servantes de son enfance lui ont donné le goût des chansons, des contes populaires et du folklore. L’invasion française chasse sa famille aux Açores (1809), où il s’initie aux belles-lettres auprès de son oncle, futur évêque d’Angra. Il s’exerce déjà à la poésie par des odes anacréontiques et compose un sermon. En 1816, il commence ses études de droit à Coimbra et se laisse séduire par les idées libérales, sans négliger pour autant la littérature. L’essentiel de ses poésies arcadiennes et ses premiers essais dramatiques datent de cette époque. Avec la révolution de 1820, Garrett conçoit l’espoir d’une renaissance nationale et culturelle. Diplômé en droit et fonctionnaire de l’Instruction publique, il épouse la jeune Luisa Midosi (1822), mariage mal assorti qui trouvera son épilogue dans la séparation de 1839.

La réaction absolutiste de 1823 lui fait chercher asile en Angleterre. Garrett s’y enthousiasme pour Shakespeare, Byron et Walter Scott. Les vieilles ballades, les paysages et les ruines l’orientent vers le romantisme. Garrett se rend ensuite en France, où il ne se plaît pas, mais où il compose Camões et D. Branca, poèmes épiques qui vont introduire un romantisme national dans sa patrie. En 1826, de retour au Portugal, il croit à l’apaisement et se consacre au journalisme politique. Deux ans plus tard, l’usurpation de Miguel le condamne à un nouvel exil en Angleterre, puis en France, d’où il gagne l’île Terceira, enrôlé dans le corps expéditionnaire libéral. Ses premières œuvres sont jouées ou publiées. En 1832, Garrett participe au siège de Porto et écrit un roman à la Walter Scott, l’Arc de Sainte-Anne, qui sera publié bien plus tard.

La victoire libérale de 1832 voit Garrett récompensé. Il est chargé d’affaires à Bruxelles (1834-1836) et il découvre Goethe et la littérature allemande. La vie mondaine l’attire, il sacrifie au dandysme. Rentré à Lisbonne, il connaît quatre années de bonheur auprès d’Adelaïde Deville, qui lui laisse une fille à sa mort en 1841. Les idées de l’orateur et du journaliste triomphent. Le ministre Manuel Passos demande à Garrett de fonder un théâtre et un conservatoire nationaux. Ses efforts aboutissent et il fournit les modèles nécessaires à la jeune école dramatique : quatre pièces composées entre 1838 et 1843. Garrett, à l’apogée de son activité, fait figure de mentor. Il écrit ses Voyages dans ma patrie et publie le volume du Romanceiro. De nouvelles expériences sentimentales le ramènent à la poésie lyrique. Éloigné des luttes politiques, il rejoint en 1851 le mouvement de la Régénération, surtout préoccupé de progrès matériel. Garrett est vicomte et pair du royaume en 1851, et ministre des Affaires étrangères en 1852. Son chef-d’œuvre lyrique. Feuilles tombées, paraît en 1853. Un roman social dans un cadre brésilien, Hélène, l’occupait encore lorsqu’il mourut en décembre 1854.

Homme protée, Garrett concerne aussi bien l’histoire littéraire et politique de son temps que celle des idées. Libéral engagé dans l’action, il veut redonner une conscience collective à ses compatriotes. Son œuvre littéraire n’est que l’aspect le plus brillant de l’action du patriote et de l’homme public. Le romantisme qu’il introduit au Portugal est national et populaire ; d’où son goût pour les sources anciennes et les grandes crises de l’histoire où se révèle le mieux l’âme d’un pays. Ses doctrines esthétiques en font un précurseur équilibré qui montre la voie aux générations suivantes. Son drame Frère Louis de Sousa, qui prend des libertés avec l’histoire pour mieux recréer l’atmosphère d’une époque, lui assure une place à côté de Gil Vicente, mais sa dispersion, liée aux circonstances et à son tempérament, l’a empêché d’écrire les autres chefs-d’œuvre qu’on pouvait espérer. En somme, il apparaîtrait parfois superficiel et plus génial par ses découvertes et les voies ouvertes que par ses réalisations. Mais, aujourd’hui, on retrouve la cohérence de l’œuvre et son unité avec l’homme. Les héros de Garrett sont des « états successifs, partiels, d’un portrait unique, celui de l’auteur ».

R. C.

 Gomes de Amorim, Memórias biográficas de Garrett (Lisbonne, 1881-1884 ; 3 vol.). / G. Legentil, Almeida Garrett. Un grand romantique portugais (Renaissance du livre, Bruxelles, 1927). / Naiéf Safardy, « Folhas caídas ». A crítica e a poesia (São Paulo, 1960). A. R. Lawton, Almeida Garrett, l’intime contrainte (Didier, 1968).

Almohades

En ar. al-Muwaḥḥidūn, dynastie berbère qui régna sur l’Afrique septentrionale et la moitié de l’Espagne de 1147 à 1269.



Les origines

Les Almohades sont des Berbères du groupe des Masmoudas, apparentés aux Chleuhs du Maroc moderne. Ces sédentaires montagnards se lancent au début du xiie s., à partir du Haut Atlas marocain, à la conquête de terres plus riches et parviennent à constituer un immense empire englobant tout le Maghreb et l’Andalousie. Leur mouvement se traduit, comme celui de leurs adversaires, les Almoravides, en termes religieux. Ils se mettent en marche pour conquérir de nouveaux territoires, mais aussi pour propager leur doctrine. Toutefois, cette doctrine est plus profonde et plus originale que celle de leurs devanciers.


Ibn Tūmart et la doctrine almohade

Le fondateur, ibn Tūmart, né dans une tribu masmoudienne, les Harrhas, vers 1080, part entre 1105 et 1110 pour l’Orient compléter sa formation. Il revient au Maghreb avec de nouvelles conceptions religieuses, inspirées de la pensée du grand théologien musulman Abū Ḥāmid Muḥammad ibn Muḥammad al-Rhazālī (1058-1111). Comme Rhazālī, ibn Tūmart professe la nécessité de donner au Coran une interprétation allégorique. Prendre le texte sacré dans son sens littéral et considérer que des attributs, comme le don d’entendre et le don de voir, conférés à Dieu par le Livre sont réels, c’est-à-dire comparables à ceux de l’homme, constitue à ses yeux un anthropomorphisme, voire un polythéisme, incompatible avec l’immatérialité et l’unité du Créateur. À l’instar de Rhazālī, ibn Tūmart donne à sa conception le nom de tawḥīd, ou unitarisme. De là, l’appellation de ses adeptes : al-Muwaḥḥidūn, ou Almohades, c’est-à-dire ceux qui proclament l’unicité de Dieu.