Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fatigue

Diminution des possibilités fonctionnelles d’un organe ou de l’organisme tout entier, accompagnée d’une sensation de lassitude.


La fatigue consécutive à un effort important ou renouvelé, ou encore à une veille prolongée, et qu’on pourrait qualifier de normale, correspond à des modifications physiologiques et biochimiques mesurables : c’est la fatigue physique. On peut lui assimiler la fatigue observée au cours des maladies organiques.

Au contraire, lorsqu’une sensation intense de fatigue se manifeste sans cause immédiate, qu’elle s’accompagne de troubles corporels divers alors qu’il n’y a pas de lésion organique, on parle de fatigue nerveuse.


Fatigue physique


Fatigue locale et fatigue générale

La fatigue locale musculaire est mise en évidence par les physiologistes à l’aide du myographe, qui enregistre les contractions d’un muscle isolé. Un tel muscle excité par un courant électrique se contracte ; lorsqu’on renouvelle le stimulus à un rythme suffisamment rapide, il arrive un moment où l’amplitude des contractions diminue, puis le muscle ne se contracte plus. Si on laisse s’écouler un temps suffisant, le muscle peut de nouveau se contracter. Sur un muscle en place (chez l’homme), un phénomène comparable se produit, mis en évidence par l’ergographe, appareil qui enregistre les contractions d’un fléchisseur des doigts tirant rythmiquement sur un fil chargé d’un poids.

Un sujet suspendu par les mains à une barre fixe et faisant des tractions est soumis à la fatigue générale : au bout d’un délai variable suivant l’individu et son état de forme, le sujet ne peut plus continuer les tractions. Tout effort physique prolongé — terrassement, port d’objets lourds, mouvements sans cesse répétés — aboutit à ce phénomène de fatigue générale. Dans ce cas, on observe, outre les phénomènes locaux au niveau des muscles, des modifications chimiques de l’organisme : augmentation des déchets (notamment de l’acide lactique, aboutissant à l’acidose), diminution des réserves (notamment du glycogène), modifications circulatoires et hormonales.

Qu’il s’agisse de fatigue locale ou générale, les signes d’affaiblissement n’apparaissent pas dans les mêmes délais suivant les individus : la constitution physique, l’âge, l’entraînement plus ou moins poussé font qu’un même effort ne sera pas poursuivi par tous aussi longtemps. Chez un sujet donné, même correctement entraîné, un ensemble de paramètres qui constituent la « forme » modifie encore d’un moment à l’autre la résistance à la fatigue ; cette « forme » tient au repos préalable, à l’alimentation, à l’état psychologique et à d’éventuelles affections latentes.


Maladies engendrant de la fatigue

• Les troubles de la transmission neuromusculaire de l’influx nerveux (myasthénie), une atteinte pathologique du muscle lui-même (myopathie), diverses affections neurologiques (polynévrites, scléroses diverses de la moelle épinière) ou circulatoires (artérites oblitérantes) constituent de graves maladies organiques, dont l’un des symptômes les plus saillants est la grande fatigabilité musculaire.

• Diverses maladies des glandes endocrines ont aussi la fatigue pour symptôme : au premier plan se situe l’insuffisance surrénale (maladie d’Addison), l’insuffisance thyroïdienne (myxœdème), mais aussi l’insuffisance des glandes génitales, le diabète, et l’hyper- aussi bien que l’hypoparathyroïdie.

• Toutes les maladies infectieuses aiguës provoquent une intense sensation de fatigue : citons la grippe, l’hépatite (la jaunisse), la fièvre typhoïde, etc. Parmi les infections chroniques, la tuberculose vient au premier plan des maladies provoquant une fatigue anormale.

• Les anémies, les leucoses et leucémies, les cancers, par les troubles qu’ils apportent dans le transport des substances énergétiques vers les organes et par les troubles métaboliques qu’ils entraînent, diminuent gravement les possibilités de tous les organes.

Ce n’est qu’après avoir éliminé toutes ces causes que le médecin consulté pour une « fatigue » pourra penser à la fatigue nerveuse.

J. P.


Fatigue nerveuse

La fatigue nerveuse, ou asthénie neuropsychique, est très fréquente. Les malades la ressentent généralement comme un épuisement ou une faiblesse générale anormale limitant leur activité.

Il est habituel que les patients qui se plaignent d’asthénie ne soient pas pris très au sérieux par leur entourage ; cela tient au fait que leur symptôme, purement subjectif, ne peut se mesurer comme la fièvre ou l’accélération du pouls. Pourtant, pour les médecins, l’immense majorité des sujets atteints sont vraiment asthéniques au sens pathologique du terme. En effet, la fatigue normale est toujours proportionnelle à l’effort et disparaît par le repos ; elle n’est moralement pas pénible. La véritable asthénie, au contraire, au sens psychiatrique, ne dépend pas de l’effort, mais prédomine le matin, avant toute activité. Le repos prolongé, au lieu de l’améliorer, l’accentue. Le caractère inexpliqué et mystérieux de cette fatigue conduit le patient à consulter de nombreux médecins en demandant toujours de nouveaux examens, qui, tous, se révèlent normaux. L’asthénie est source de malentendus entre le malade et son entourage, d’autant plus qu’elle varie d’un moment à l’autre de la journée, qu’elle est inégale d’un jour à l’autre, avec des « hauts et des bas ». Elle s’accompagne souvent de désordres corporels : douleurs diverses céphaliques et vertébrales, dysfonctionnements d’organes, insomnie ou somnolence anormale.

La fatigue nerveuse est ressentie à la fois comme physique, intellectuelle et sexuelle. Elle ne répond à aucune lésion décelable de l’organisme et s’explique par des mécanismes psychopathologiques qui sont ceux des maladies mentales.

Ce ne sont pas les maladies psychiatriques les plus graves qui s’accompagnent le plus souvent de fatigue. Les psychoses telles que la mélancolie, la schizophrénie, les délires chroniques, les démences peuvent comporter, parmi des symptômes plus inquiétants, une asthénie, mais celle-ci demeure ici d’importance secondaire.