Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fantastique (le) (suite)

Roman Polanski, d’origine polonaise, trouve en Grande-Bretagne et à Hollywood les moyens nécessaires à la réalisation de plusieurs sujets qui étudient les rapports étroits entre la folie et le fantastique. Repulsion (1964) et surtout Rosemary’s Baby (1968) renouvellent le genre. Entre-temps, en 1967, le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers) apparaît comme une savoureuse parodie du genre.

Ces dernières années, d’ailleurs, tandis que la science-fiction s’installe sur les grands écrans, le fantastique fuit volontiers vers la télévision. Quand il demeure au cinéma, c’est le plus souvent sous la forme parodique, qui existe d’ailleurs aux États-Unis depuis longtemps. Sans énumérer certains films d’Abott et Costello, sans recenser toutes les maisons hantées, les imitations plus ou moins fantaisistes de Dracula et de Frankenstein, il faut noter la réussite de Jerry Lewis dans The Nutty Professor (Dr. Jerry et Mister Love, 1963).

Enfin, les deux réalisateurs actuels de films fantastiques les plus connus aux États-Unis sont William Castle et Roger Corman. Avant de se consacrer à la production, William Castle réalise un nombre considérable de films où apparaissent momies et fantômes en tous genres. Son habileté ne parvient pas à dissimuler néanmoins un certain appauvrissement de l’imagination des scénaristes.

Roger Corman est plus ambitieux et plus fécond. Il n’a pas craint de s’attaquer à l’œuvre d’Edgar Poe, nouvelle après nouvelle, faisant preuve d’un métier évident et d’un style très personnel, mais parfois celui-ci s’affadit à trop vouloir « créer » l’épouvante (décors gothiques, effets spéciaux, brume artificielle, accumulation de détails macabres, etc.).


Grande-Bretagne

Les thèmes essentiels de l’épouvante (vampirisme, créatures d’outre-humanité) n’ont pas disparu pour autant des écrans mondiaux après le recul artistique des productions américaines de l’après-guerre. En Grande-Bretagne, les Dracula, les Frankenstein ont trouvé un asile sûr. Autour du maître incontesté Terence Fisher se regroupe une équipe de collaborateurs, parmi lesquels les interprètes Christopher Lee et Peter Cushing. Rien n’est dû au hasard, la firme anglaise Hammer Films ayant, en effet, racheté à la firme américaine Universal la totalité des droits relatifs aux sujets d’épouvante en 1957. Elle en fera un usage surabondant : les « remakes » de Frankenstein et de Dracula ne se comptent plus (sans parler des Fantômes de l’Opéra et autres Vierges de Satan par Terence Fisher). Un autre auteur anglais, Michael Reeves (mort prématurément en 1969), avait suscité beaucoup d’espoirs en réalisant en 1968 le Grand Inquisiteur.


Italie

En Italie, les années 50 sont aussi marquées par un engouement pour le fantastique. Mais la réussite n’est pas au bout du chemin, et les mélanges « érotique-épouvante » sont aussi affligeants que la plupart des Maciste. Seul Mario Bava parvient à la consécration avec le Masque du démon (La Maschera del demonio, 1960).

Ce survol géographique passe sous silence plusieurs pays, et en particulier le Japon, riche d’un cinéma fantastique, malheureusement rarement programmé en Europe. Le cinéma japonais fait un usage abondant de monstres et de créatures préhistoriques (il a notamment créé Godzilla).


Les personnages

Tel qu’il est, ce rapide panorama met en relief la constance des thèmes et la permanence de certains personnages, protagonistes habituels du surnaturel et de l’épouvante.

Outre l’existence sous-entendue ou visible de Dieu, des diables, des sorciers et de la Mort viennent les habituels comparses d’outre-tombe. Ce sont : les magiciens et les fantômes, images des morts embaumés à la mode égyptienne, et parfois ressuscités ; les zombis, cadavres au service de vivants malfaisants ; les loups-garous, hommes errant la nuit transformés en loups ; le Golem, personnage de la légende juive et réanimé périodiquement ; enfin les vampires, morts assurant leur survie en absorbant le sang des vivants.

Le mythe du vampirisme se retrouve dans presque toutes les civilisations. Il a inspiré des œuvres très importantes en littérature et au cinéma. Le vampire le plus célèbre est, bien sûr, Dracula, dont la première apparition est due à la plume de Bram Stoker en 1897. On le connaît surtout grâce à la face blafarde et aux cheveux noirs et lisses de Bela Lugosi, qui en donna plusieurs dizaines d’interprétations.

Frankenstein est presque aussi célèbre que lui. On lui prête facilement la silhouette massive de Boris Karloff, mais il a connu bien d’autres incarnations. Imaginée en 1818 par Mary Shelley, cette effrayante créature, réalisée par le génie d’un savant (Frankenstein est en réalité le nom du savant et pas du monstre), est un redoutable criminel. Dans le roman de Mary Shelley, c’est sa laideur et le désespoir qui en découle qui la poussent au crime. Mais, dans la plupart des films, le mythe est un peu différent. Le savant n’est pas parvenu à créer un cerveau et a dû en voler un pour sa créature. Malheureusement, c’est celui d’un criminel. L’épouvante liée à la laideur, la solitude, la malédiction d’un criminel irresponsable sont quelques-uns des thèmes auxquels se prête le personnage.

Il faudrait également faire une place dans cette galerie de monstres à ceux qui ont servi de base à d’innombrables scénarios : les monstres physiques ou psychologiques (Dr. Jekyll et Mr. Hyde, le Fantôme de l’Opéra, l’Homme au masque de cire, les Femmes-Chats et toutes les gorgones imaginables) et les génies du mal (Zaroff, Fu Manchu), sans oublier quelques maniaques, qui relèvent davantage de la psychiatrie que de la véritable transposition d’un mythe.

G. H. et J.-L. P.

 L. Eisner, l’Écran démoniaque (Bonne, 1952 ; nouv. éd., le Terrain vague, 1965). / M. Laclos, le Fantastique au cinéma (Pauvert, 1958). / A. Kyrou, le Surréalisme au cinéma (Losfeld, 1963). / D. Douglas, Horror (New York, 1966). / I. Butler, The Horror Film (Londres, 1967). / C. Clarens, An Illustrated History of the Horror Film (New York, 1967). / J.-P. Bouyxou, Frankenstein (Serdoc, Lyon, 1969). / G. Lenne, le Cinéma fantastique et ses mythologies (Éd. du Cerf, 1970). / R. Prédal, le Cinéma fantastique (Seghers, 1970). / J.-M. Sabatier, les Classiques du cinéma fantastique (Balland, 1973).
On peut consulter également la revue Midi-Minuit fantastique (Losfeld).