Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (guerre civile d’) (suite)

Dans ces conditions, Franco exige une capitulation pure et simple de ses adversaires. À Madrid, armées et population sont dans une situation précaire. Le pain manque, et Casado négocie à partir du 12 mars la reddition de la capitale, où les nationalistes entrent le 28. « Les troupes nationales ont atteint leur dernier objectif militaire ; la guerre est terminée », proclame le général Franco le 1er avril 1939.

Les pertes de la guerre d’Espagne

• Le chiffre d’un million de morts annoncé en 1940 par les nationalistes, et souvent admis depuis, semble désormais excessif. Bien qu’il ne puisse s’agir que d’« évaluations », l’historien anglais Hugh Thomas estimait ces pertes comme suit en 1961 :
pertes au combat
républicains : 175 000
nationalistes : 110 000
victimes d’assassinats ou d’exactions
républicains : environ 40 000
nationalistes : environ 86 000
victimes civiles de bombardements : environ 25 000
victimes de maladies ou de privations directement imputables à la guerre : environ 200 000.

Soit, pour une population totale de 25 millions d’habitants, un total d’environ 636 000 morts, auxquels s’ajoute, pour apprécier la perte de population subie par l’Espagne du fait de la guerre civile, le départ en exil de quelque 350 000 Espagnols.

H. de N. et P. D.

 C. Rougeron, les Enseignements aériens de la guerre d’Espagne (Berger-Levrault, 1939). / L’Allemagne et la guerre civile espagnole, 1936-1939, t. III des Archives secrètes de la Wilhelmstrasse (Plon, 1952). / P. Nenni, Spagna (Rome, 1958 ; trad. fr. la Guerre d’Espagne, Maspéro, 1959). / P. Broué et P. Témine, la Révolution et la guerre d’Espagne (Éd. de Minuit, 1961). / H. Thomas, The Spanish Civil War (Londres, 1961 ; trad. fr. la Guerre d’Espagne, R. Laffont, 1961). / G. Jackson, The Spanish Republic and the Civil War, 1931-1939 (Princeton, 1965). / J. Delperrié de Bayac, les Brigades internationales (Fayard, 1968).

espèce

Ensemble d’individus vivants, animaux ou végétaux, suffisamment semblables pour être spontanément désignés sous le même nom.



L’espèce, notion intuitive

Le mot espèce, terme courant largement utilisé, correspond à une subdivision systématique objective. Un jeune enfant sait distinguer l’espèce « Chien » de l’espèce « Chat » ; malgré des variations morphologiques accusées, il n’hésite pas à ranger le Basset Teckel et le Danois dans la même espèce « Chien ».

Il convient de désigner les êtres vivants que le chasseur, le pêcheur, le collectionneur, le zoologiste, le botaniste reconnaissent et identifient. L’espèce porte donc un nom vernaculaire : la Grenouille brune, la Grenouille verte, la grande Chélidoine, la Chélidoine laciniée.

Mais ce nom, variable souvent d’une province à l’autre, n’offre pas de valeur internationale, et les scientifiques le remplacent par un nom latin universellement utilisé et composé de deux mots : le premier désigne le genre et le second l’espèce. Les Grenouilles appartiennent au genre Rana ; la Grenouille brune est Rana temporaria, et la Grenouille verte Rana esculenta. Les Chélidoines appartiennent au genre Chelidonium ; la grande Chélidoine est Chelidonium majus, et la Chélidoine laciniée Chelidonium laciniatum.

Les indigènes vivant sur les hauts plateaux de Nouvelle-Guinée ont inventé 137 noms vernaculaires différents pour désigner 137 types d’Oiseaux qu’ils reconnaissaient ; des ornithologistes spécialisés ont déterminé dans la même région, d’après des critères scientifiques, 138 espèces qui ont reçu chacune un nom latin ; cette coïncidence prouve la réalité de l’espèce. Parmi ces Oiseaux, certains sont des proies appréciées ; il convient donc de bien les distinguer, et l’indigène en a ressenti la nécessité.

Combien compte-t-on d’espèces ? Le nombre d’espèces actuellement présentes sur la Terre serait de l’ordre de 4 millions (à 1 million près), et moins de la moitié de ce nombre correspond à des espèces connues ; il y aurait 1 espèce végétale pour 8 à 10 espèces animales. Une statistique récente (Ernst Mayr, 1969) évalue à 1 100 000 les espèces animales connues.

Le zoologiste ou le botaniste réussit assez facilement, avec l’aide de faunes et de flores, à déterminer les espèces propres à un biotope ou à une aire déterminée. Certaines déterminations sont plus difficiles. L’identité de l’échantillon avec le modèle n’est pas totale ; de petites différences de taille, de coloration posent des problèmes. Ces légères dissemblances sont-elles négligeables ? Les « réunisseurs » (lumpers des Anglais) le pensent et s’efforcent de réduire le nombre des espèces. Mais les « pulvérisateurs » (splitters des Anglais) les considèrent comme suffisamment importantes pour caractériser une nouvelle espèce et multiplient ainsi le nombre des espèces. Voici quelques exemples de ces deux tendances ; les Roses d’Europe et d’Orient comptent 5 549 espèces ou seulement 211 espèces pour le monde entier. Selon les auteurs, les Anodontes, Mollusques bivalves d’eau douce, renferment 251 espèces en France ou seulement 1 espèce européenne. Ces profondes différences quantitatives tiennent à des causes multiples ; ce sont le plus souvent des formes locales et non de véritables espèces. L’adage de J. A. Eudes-Deslongchamps « Plus on a d’individus, moins on a d’espèces » correspond aux faits.


Histoire de la notion d’espèce


La première période

Elle s’étend jusqu’au début du xixe s. et correspond au règne du créationisme et du fixisme. On croit à la fixité des espèces, qui sont des entités permanentes ; chacune d’elles a fait l’objet d’une création spéciale, et les diverses espèces ne présentent aucun lien, aucun passage de l’une à l’autre. Linné estime qu’il y a autant d’espèces que Dieu en créa au commencement (Species tot sunt quot diversas formas ab initio produxit infinitum Ens) [1738]. Les grands naturalistes de cette période, John Ray, Linné, Cuvier, Buffon, se préoccupent de l’espèce et cherchent à en délimiter les cadres.