Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

• La pêche, enfin, fournit l’appoint indispensable. Elle a connu une forte expansion depuis trente ans et, avec 1,5 Mt de poissons débarqués, elle se place aujourd’hui au huitième rang mondial. La flotte, qui jauge 600 000 tonneaux, a été récemment modernisée en grande partie. Le tiers de la production vient du Nord-Ouest, où se trouve concentrée la moitié de la flotte, dont les unités les plus modernes ; le principal port est Vigo, qui pratique une pêche industrielle et est doté d’importantes conserveries ; on y pêche surtout la sardine et la morue, jusqu’à Terre-Neuve. La côte atlantique andalouse vient au second rang, avec 21 p. 100 des prises ; les principaux ports, Algésiras, Cadix et Huelva, arment pour la pêche de la sardine et du thon et fréquentent les eaux de l’Afrique occidentale. Le troisième secteur actif est la côte cantabrique, avec 19 p. 100 des prises, suivie des Canaries, avec 12 p. 100. Ces chiffres soulignent la faible importance de la pêche sur les côtes méditerranéennes.


Les facteurs de la croissance

Après la guerre civile, l’Espagne, repliée sur elle-même, a vu son économie stagner jusqu’en 1951, date à laquelle le revenu moyen par habitant a rattrapé seulement le niveau de 1913 ! À partir de ce moment, des progrès sensibles se sont manifestés grâce à l’aide américaine et à l’amélioration de la conjoncture du commerce international. Mais ce n’est qu’après 1959 que la croissance s’est accélérée brusquement. Un facteur décisif est en effet intervenu à cette date : la libéralisation des échanges.


La libéralisation des échanges (1959)

Jusqu’en 1959, la croissance qui affectait l’ensemble de l’Europe occidentale intéressait également l’Espagne. Mais celle-ci, dotée de structures retardataires et protégée par ses barrières douanières, n’avait que des productions non compétitives, ce qui limitait ses exportations ; tenue par le carcan de l’autarcie, elle ne parvenait pas à rénover son potentiel économique, faute de pouvoir importer les biens d’équipement nécessaires. L’inflation, enfin, y était alarmante.

Accompagnant un plan de stabilisation qui stoppa pour un temps l’inflation au prix de mesures sévères, la libéralisation du tiers des échanges extérieurs fut adoptée en 1959 et étendue aux deux tiers du commerce extérieur en 1965. Cet abandon de la politique d’autarcie a permis un accroissement considérable du volume des transactions, qui a été multiplié par quatre. Cependant, le gonflement des importations, passant de 767 millions de dollars en 1959 à 4 747 en 1970, a largement excédé la progression des exportations (respectivement 523 et 2 387 millions de dollars). La croissance industrielle n’a été en effet possible que grâce aux importations massives de matières premières (produits sidérurgiques, produits chimiques et hydrocarbures principalement) et de biens d’équipement ; en outre, l’amélioration du niveau de vie a créé des besoins alimentaires nouveaux, qui nécessitent des importations croissantes (viande, et, en amont, aliments pour le bétail).

Un déficit permanent de la balance commerciale s’est donc instauré, qui n’a pu être supporté que dans la mesure où les excédents des services et transferts (tourisme, salaires des émigrés) et les investissements de capitaux étrangers ont non seulement équilibré mais rendu souvent positive la balance des paiements, permettant à l’Espagne d’augmenter son stock d’or et de devises.


Le tourisme

En une vingtaine d’années, le tourisme en Espagne a connu un essor remarquable : le nombre des visiteurs est en effet passé de 1 263 000 en 1951 à 30 346 000 en 1974. L’attrait exercé par les plages ensoleillées du littoral méditerranéen, les richesses architecturales et artistiques, le folklore et aussi le prix modique des hôtels expliquent l’engouement des touristes pour l’Espagne. Anglais, Français et Allemands, principalement, viennent passer leurs vacances d’été sur les plages aisément accessibles par la route ou l’avion : Baléares, largement en tête, Costa Brava et Costa Dorada en Catalogne, Canaries, Costa del Sol andalouse. L’État a favorisé le développement du tourisme en simplifiant les formalités administratives et douanières, en aidant par des prêts à long terme la construction d’hôtels et en surveillant les prix pratiqués par l’industrie hôtelière. Mais l’essentiel de l’équipement touristique est le fait d’initiatives privées. Une véritable fièvre de construction s’est emparée des principaux foyers touristiques : villas et immeubles résidentiels, financés en partie par des sociétés immobilières étrangères, se pressent à l’arrière des plages et gravissent les collines. Le tourisme a donc contribué à l’essor des industries du bâtiment ; il a aussi rendu indispensable l’amélioration du réseau routier ; il assure, en outre, un appoint de ressources important aux travailleurs, auxquels il fournit un emploi saisonnier ; enfin, il aide à la transformation des mentalités. Il a donc joué un rôle essentiel dans la croissance espagnole. En 1974, le solde positif du poste « voyages à l’étranger » dans la balance des paiements a dépassé 2 800 millions de dollars, les revenus du tourisme représentant environ 40 p. 100 de l’ensemble des exportations. Ils ont comblé, en 1974, plus de 40 p. 100 du déficit de la balance commerciale.


Les transferts des travailleurs émigrés

Il existe en Espagne une tradition d’émigration vers l’Amérique latine. Elle a perdu de son importance, mais a été remplacée par une émigration vers l’Europe occidentale d’un type nouveau. Il s’agit d’améliorer son niveau de vie ou d’épargner pour acheter un logement ou une boutique, en s’employant saisonnièrement pour les travaux agricoles (vendanges en Languedoc, culture de la betterave dans les plaines du nord de la France) ou en travaillant quelques années comme manœuvre dans le bâtiment, les travaux publics ou la métallurgie pour les hommes, comme employée de maison pour les femmes. Cette forme nouvelle d’émigration s’est développée à partir de 1960 : le plan de stabilisation venait de réduire notablement les horaires de travail, alors que l’expansion de l’Europe occidentale créait une forte demande de main-d’œuvre. On estimait en 1966 que 1 800 000 Espagnols vivaient hors des frontières, principalement en Allemagne fédérale, France, Suisse et Belgique. En 1974, 860 millions de dollars étaient comptabilisés au titre des transferts de tonds par les émigrés.