Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

La seconde période intermédiaire (XIIIe à XVIIe dynastie)

Elle durera deux siècles, jusqu’en 1560 ; à ce moment, de nouveaux sauveurs thébains, Kames puis son frère Ahmosis, chassent l’envahisseur et restaurent la monarchie.


Le Nouvel Empire

Le Nouvel* Empire (capit. Thèbes) commence avec Ahmosis Ier, premier souverain de la XVIIIe dynastie. Pendant cinq siècles désormais, l’Égypte, définitivement lancée dans la politique internationale, va conquérir et maintenir le plus prestigieux des empires d’Orient.

L’immense aire de Karnak, aux temples mutilés, demeure encore l’un des témoins les plus grandioses de cette période inégalée de gloire et de richesse, ou encore, sur l’autre rive, les profondeurs arides des nécropoles de la Vallée des Rois et les temples funéraires voisins (Deir el-Bahari, Ramesseum).

Les premiers souverains de la XVIIIe dynastie (v. Nouvel Empire), tout en restaurant et développant les traditions administratives de centralisation monarchique, conquièrent un vaste empire au-delà des frontières : au sud, depuis Tombos (en amont de la 3e cataracte), en plein cœur du Soudan, jusqu’à l’Euphrate, au nord, soit tout le Proche-Orient actuel et une partie du Soudan. Vers 1505, après des difficultés dynastiques, la reine Hatshepsout, veuve de Thoutmosis II, usurpe le pouvoir au détriment de son beau-fils (le futur Thoutmosis III) ; ambitieuse, elle doit affermir son autorité en se conciliant le clergé d’Amon (sur les parois de son temple funéraire de Deir el-Bahari se déroulent les scènes d’une théogamie, qui en font la fille charnelle du dieu thébain) et en privilégiant des favoris ; aucune expédition armée naturellement, une mission économique célèbre à Pount ; l’Asie bouge. Une double menace se lève sur le régime et sur l’Empire. Mais Thoutmosis* III, en montant sur le trône, en 1484, va affermir et étendre l’œuvre de ses prédécesseurs. Au cours de 17 campagnes en Asie, menées avec un sens politique certain et une stratégie avisée, il se heurte au Mitanni (le plus puissant des nouveaux États) et à ses alliés, et, de victoire en victoire, établit fermement les frontières de l’Empire à l’Euphrate ; au sud, il descend jusqu’à Napata (4e cataracte). Grand capitaine, administrateur génial, il jette les bases d’une organisation des pays conquis qui demeurera traditionnelle ; il développe l’armée, qui comprend désormais infanterie, charrerie, marine, et inclut de nombreux mercenaires (originaires de tous les pays de l’Empire). Les ports phéniciens sont sous l’hégémonie égyptienne ; Chypre, la Crète, des îles de l’Égée recherchent aussi la protection de l’Égypte, pour sécuriser leur commerce. Cela, pour la plus grande gloire du dieu Amon, guide du souverain, lequel, en échange, fait affluer vers ses temples tributs et richesses.

Jusqu’à la fin de la XVIIIe dynastie, l’Égypte va vouloir vivre pacifiquement de son Empire. Une diplomatie internationale se développe alors, surtout à partir de Thoutmosis IV, liant à Thèbes tous les territoires du vaste domaine conquis ou protégé, maintenant l’équilibre avec les autres puissances : le Mitanni, affaibli et désormais ami, le Hatti grandissant et menaçant, l’Assyrie, encore mal armée mais ayant déjà sous sa nouvelle dépendance Babylone la marchande. Alliances défensives, mariages politiques, accords financiers (l’Égypte est le grand possesseur d’or du moment), traités de commerce assurent la suprématie définitive, en Orient, de l’empire de Thèbes. Vers la ville capitale affluent, par navires, par caravanes, tributs ou hommages, richesses sans nombre, d’Asie, d’Afrique, de la Méditerranée. Pour répondre à ses nouveaux destins, l’Égypte, dont les ports principaux (notamment Memphis) étaient jusque-là fluviaux, commence à équiper son front de mer ; c’est Thoutmosis III qui, le premier, aménage un port dans l’île de Pharos, à la croisée de routes essentielles menant les voiliers des îles ioniennes et égéennes vers l’Égypte, et les navires phéniciens vers la Cyrénaïque et la future Carthage. Indissolublement lié à une administration solide et ferme, le roi qui l’assume se confond avec elle ; à partir d’Aménophis IV, on l’appellera per aâ, « la grande maison » (qui désigne l’ensemble du palais royal). [Transcription moderne : pharaon.] À Thèbes même, on mène grande vie, en de luxueuses villas, ceintes de parcs.

Mais le pacifisme résolu et la facilité matérielle présentent parfois des dangers : à la fin du règne d’Aménophis III, vers 1380, une rupture d’équilibre fait pratiquement disparaître de la scène politique l’allié mitannien au profit du Hatti, puissant et ambitieux. Pas plus que son père, le jeune Aménophis* IV ne réagit devant ce danger (mystique, il est préoccupé de donner la prédominance au culte du disque solaire Aton : peut-être pour créer un lien idéologique entre les pays divers de l’Empire ?) ; de plus, il bouleverse la situation intérieure en frappant d’interdit les autres cultes... et le puissant clergé d’Amon. Tentative vouée à l’échec : sa « réforme », dix ans après, est balayée, Akhetaton (Amarna*), la capitale nouvelle, est détruite. Mais l’Empire est menacé, que ne sauraient sauver ses faibles successeurs : Smenkhkarê, Toutankhamon. Il y faudra la résolution et le talent militaire du général Horemheb, dont le règne clôt la XVIIIe dynastie après avoir écarté le danger immédiat.

Sans successeur direct, il adopte le futur Ramsès Ier, premier souverain de la XIXe dynastie, qui sera celle des grands capitaines, développant une nouvelle idéologie militaire. Seti Ier, son fils, entre en campagne (vers 1310) et défait les Hittites devant Kadesh, sur l’Oronte ; puis il se consacre à la mise en valeur de ses possessions. Ramsès* II affirme à son tour l’hégémonie retrouvée, par une nouvelle et célèbre victoire devant Kadesh. Et, face à la montée de la puissance assyrienne, Égypte et Hatti signent, vers 1278, un traité d’alliance, dont le texte a été conservé. Le condominium égypto-hittite devait, pendant cinquante ans, assurer la paix de l’Orient.