Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alimentaire (régime) (suite)

Régimes alimentaires des Protistes

Parmi les Flagellés, certains, comme les Euglènes, sont phototrophes et peu différents des Algues unicellulaires. Mais Euglena gracilis, maintenue à l’obscurité, perd sa chlorophylle et devient osmotrophe ; elle utilise, comme source de carbone pour ses synthèses, l’acide acétique du milieu où elle vit. Une autre Euglène, Peranema, possède un cytostome et peut avaler sa proie : elle est devenue phagotrophe et prédatrice. Cette tendance à l’osmotrophie a conduit bien des Flagellés, et de nombreux autres Protistes, à devenir parasites. On range la plupart de ces derniers dans le groupe des Sporozoaires.

Les Rhizopodes sont phagotrophes : leurs pseudopodes servent à la fois à la locomotion et à la capture des aliments. Les Ciliés montrent une grande variété de régimes. Certains, comme les Acinétiens, sont osmotrophes et ont des tentacules suceurs ; d’autres utilisent les mouvements ciliaires pour amener vers leur cytostome Bactéries et fines particules, tandis que d’autres encore sont prédateurs et peuvent avaler des proies d’une taille presque égale à la leur.


Microphagie

La microphagie, qui est le fait des animaux qui se nourrissent de fines particules en suspension ou de proies planctoniques, ne se rencontre que chez les espèces aquatiques. Les mécanismes mis en jeu sont extrêmement variés, mais reviennent pratiquement toujours aux deux opérations suivantes : 1o créer un courant d’eau qui mène les particules vers l’animal ; 2o mettre en place un « piège » pour fixer ces particules. Ce piège est souvent un filtre, auquel s’associe presque toujours une sécrétion muqueuse propre à fixer ces particules. Nous allons donner quelques exemples des diverses méthodes utilisées.

Les dispositifs ciliaires sont très répandus. À partir ou à côté d’une fonction primitivement locomotrice, les cils ont souvent acquis un rôle alimentaire chez les animaux microphages sessiles comme chez les larves de nombreux Invertébrés, en créant par leurs battements un courant d’eau qui mène vers la bouche les particules engluées de mucus. C’est la méthode qu’utilisent également les Éponges ; chez elles, le courant est créé par les flagelles des choanocytes ; ce sont aussi les choanocytes qui réalisent la capture des proies par phagotrophie, et leur digestion intracellulaire. Parmi les méthodes ciliaires, citons celles de nombreux Polychètes sédentaires, comme les Térébelles ; les cils sont portés par de longs tentacules mobiles, appelés branchies. Chez les Chétoptères, le courant n’est plus ciliaire, mais résulte des battements des parapodes, et le filtre est un réseau de mucus, que l’animal sécrète puis avale une fois colmaté. Chez les Sabelles, le filtre est formé par les pinnules latérales que portent les tentacules branchiaux. Les Bryozoaires, Phoronidiens et Brachiopodes possèdent de même un appareil tentaculaire complexe, cilié, appelé « lophophore », qui sert à la nutrition microphage. Enfin quelques Échinodermes, notamment les Crinoïdes, utilisent une méthode identique ; ce sont les sillons ambulacraires, ciliés et muqueux, qui ont le rôle alimentaire.

Les Mollusques présentent eux aussi des appareils ciliaires de capture des particules. Chez les Gastropodes Prosobranches, comme Crepidula, les branchies ciliées sont couvertes d’un mucus filtrant ; chez Vermetus, le mucus est sécrété par une glande pédieuse. Mais ce sont les Lamellibranches qui ont mis au point le système le plus complexe avec branchies et palpes labiaux ciliés, chambres inhalante et exhalante, que prolongent souvent les conduits parallèles d’un siphon, et débit d’eau pouvant atteindre jusqu’à 30 litres par heure chez l’Huître.

Les Cordés enfin montrent un grand nombre d’espèces microphages ; leur filtre a pour structure de base la fente pharyngienne. Il est difficile de préciser si cette dernière fut à l’origine respiratoire ou alimentaire. Chez l’Amphioxus, fouisseur, ce sont les cils pharyngiens qui créent le courant. Un sillon endostylaire sécrète le mucus qui englobe les particules et conduit le cordon ainsi formé vers l’œsophage. Des dispositifs analogues existent chez les Tuniciers sessiles, tandis que les Appendiculaires pélagiques ont perfectionné leur appareil de façon très ingénieuse. Ils vivent à l’intérieur d’une coque gélatineuse dont les mailles laissent passer le nanoplancton minuscule. Le courant est créé par les mouvements de la queue (que ces animaux conservent, alors qu’elle disparaît au moment de la métamorphose chez les autres Urocordés). L’appareil filtrant est constitué par le pharynx complexe. L’eau est expulsée vers l’arrière de la coque gélatineuse et propulse l’animal. En quelques heures, la coque est oblitérée de particules de grande taille. L’animal la quitte et en bâtit une autre en une vingtaine de minutes.

Certains Échinodermes, comme les Cucumaria (Holothuries), ont des tentacules muqueux non ciliés. L’animal vit enfoui dans un terrier et agite ses tentacules alentour, puis les ramène à la bouche pour se nourrir. C’est là un piège à mucus qu’on peut rapprocher de celui du Chétoptère cité plus haut.

Les Arthropodes ont un tégument externe recouvert de chitine, qui exclut la présence de cils. Chez ces animaux, le rôle de ces derniers est tenu par les soies, formations chitineuses qui ont permis une adaptation presque aussi multiforme. Les mouvements aqueux sont créés par des appendices, et les particules sont retenues par les soies d’autres appendices. Les organes moteurs sont les antennes des Copépodes, les maxilles des Ostracodes, les appendices thoraciques des Mysis et des Euphausia, les appendices abdominaux des Amphipodes... Les filtres sont situés au voisinage de la bouche. On trouve des dispositifs analogues chez les larves aquatiques de nombreux Insectes, comme les Moustiques.

On trouve enfin des microphages parmi les Vertébrés eux-mêmes, chez qui la nourriture filtrée consiste non plus en particules organiques, mais en animaux planctoniques. Chez les Poissons, de nombreuses espèces pélagiques sont microphages. Le dispositif créant le mouvement de l’eau est celui-là même qui assure la respiration : on peut le qualifier de musculaire, la cavité buccale jouant le rôle de pompe pour aspirer l’eau par la bouche, puis la chasser par les fentes branchiales. En avant des branchies se situe un filtre pharyngien de branchiospines, qui retient les éléments nutritifs et en outre empêche qu’ils ne viennent au contact des branchies, trop délicates. Parmi les Requins, ce sont les monstres des mers qui sont microphages, comme le Pèlerin ou le Requin-Baleine. Chez les Poissons osseux, citons les Maquereaux ou les Harengs. Des méthodes analogues permettent aux têtards de nombreux Amphibiens Anoures de se nourrir aussi de particules microscopiques. Un vélum situé dans la cavité buccale crée un tourbillon qui les projette sur les branchiospines périphériques. De temps en temps, le courant d’eau est inversé et permet à l’animal de faire passer dans l’œsophage les particules retenues sur le filtre. Il arrive que ces particules alimentaires ne soient pas présentes en quantité suffisante dans le milieu où vit le têtard ; ce dernier crée alors des particules en râpant les plantes aquatiques de ses dents labiales cornées.