Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

économique (politique) (suite)

Sous l’influence des philosophes et des savants du xviiie s., au contact aussi du monde économique qui les entourait, les économistes classiques ont ainsi édifié la science pure de l’économie, axée sur l’analyse et la description des comportements individuels. Une telle orientation explique l’impuissance de cette science à guider l’homme d’action, à fournir des directives aux gouvernants à la recherche de la meilleure politique économique. Fatalement, puis volontairement détachée de tout prolongement pratique, la science économique revêt dès lors un caractère surtout spéculatif. Pendant tout le xixe s., la politique économique, en France au moins, sera d’une extrême discrétion.


L’intervention de l’État

Il faudra attendre la grande dépression de 1929 pour que l’objet de la science économique prenne réellement en compte le domaine de la stratégie économique. La crise va provoquer une transformation radicale dans les mentalités en acclimatant, jusqu’au sein des milieux d’affaires, l’idée que l’État ne saurait se dérober à la tâche d’assurer le plein emploi des hommes et des machines. Succédant à une décennie de sous-utilisation du potentiel de production, la Seconde Guerre mondiale, par l’utilisation totale qu’elle en permet au contraire, fortifiera dans les esprits la croyance aux vertus de l’action publique. Placé devant une menace de crise économique, aucun gouvernement ne pourra plus éluder la responsabilité politique d’y remédier. L’intervention de l’État dans la vie économique est admise désormais.


Les problèmes de la politique économique

À l’époque contemporaine, la politique économique, telle qu’elle a été formulée et appliquée dans beaucoup de pays, a rencontré deux groupes de problèmes : le choix des objectifs et celui des moyens. Il faut d’ailleurs remarquer que ces deux groupes de problèmes sont très liés : plus précisément, le choix des objectifs dicte souvent celui des moyens.


Le choix des objectifs n’est pas un problème réellement scientifique

L’analyse des politiques économiques des différents pays fait ressortir qu’aucune méthode ni aucun critère scientifique ne peut ici être assigné. En réalité, le choix des objectifs répond aux préférences idéologiques du moment et au jeu des forces sociales et politiques en présence : la politique de plein-emploi répond à un choix ; la notion de bien-être*, mise en avant par l’école anglaise, notamment par A. C. Pigou, et analysée par des auteurs américains, correspond, elle aussi, à des préférences personnelles et subjectives : étendue à la collectivité, elle demeure en fait confuse, et aucun des critères qui ont été proposés pour la définir n’est satisfaisant. L’affirmation que tel objectif est préférable à tel autre ne saurait être scientifiquement fondée. La préférence exprimée signifie seulement que tel groupe social a fait prévaloir son point de vue sur d’autres. Le choix des objectifs est donc nécessairement entaché d’arbitraire. Ce qui importe, c’est que ce choix reçoive l’adhésion du plus grand nombre ou, plutôt, qu’il ne s’oppose pas au désir du plus grand nombre.

Il faut que les objectifs choisis soient compatibles entre eux. Un pays peut se proposer d’aider telle catégorie de producteurs ou d’élever le niveau général de la consommation, mais, s’il poursuit ces deux objectifs à la fois, il atteindra l’un au détriment de l’autre ou, au pis aller, n’en atteindra aucun. La même alternative vaut lorsqu’il s’agit de choisir entre la satisfaction immédiate des désirs de consommation et l’élévation à plus long terme du niveau de vie par une politique d’investissement.

Devant l’extension de l’intervention de l’État dans la vie économique a été proposée une classification systématique des différents objectifs à court terme et à long terme. Mais cette classification reste évidemment arbitraire, car la réalisation des objectifs à court terme réclame des actions à long terme et, inversement, la réalisation des objectifs à long terme n’exclut pas des interventions à terme plus rapproché.

• Relèvent principalement du court terme les objectifs relatifs à l’emploi, au niveau des prix et à l’équilibre de la balance du commerce extérieur et des paiements extérieurs.

En ce qui concerne l’emploi, l’objectif que se fixent souvent les gouvernements consiste à empêcher ou à réduire le chômage (d’origine conjoncturelle), provoqué par exemple par une diminution des exportations ou un ralentissement de l’expansion. Mais cet objectif à court terme peut se combiner avec des préoccupations à long terme liées au déclin d’un secteur d’activité (comme l’extraction charbonnière ou le textile) ou d’une région dominée par une industrie en perte de vitesse. Il est bien évident que, si la résorption d’un chômage structurel constitue une tâche de longue haleine, les gouvernements sont bien souvent obligés de prendre des mesures à court terme lorsqu’il y a crise suscitée par une influence extérieure.

En ce qui concerne le niveau des prix, c’est le problème, devenu maintenant très classique, du maintien de la stabilité générale des prix. Il est un fait qu’aucun gouvernement n’a eu, depuis la Seconde Guerre mondiale, d’objectif plus ambitieux que la stabilité des prix. Pourtant, rares sont les gouvernements qui, en luttant contre l’inflation*, sont parvenus à endiguer les hausses des prix. Beaucoup estiment que l’objectif est atteint si la hausse annuelle des prix n’a pas dépassé 1 à 2 p. 100. Cette attitude s’explique par le conflit qui oppose souvent la stabilité des prix à d’autres objectifs, notamment l’expansion de la production et le plein-emploi, auxquels les gouvernements accordent la priorité. Généralement, la lutte contre l’inflation suscite la récession et le chômage ; aussi préfère-t-on plutôt allier expansion de la production et plein-emploi de la main-d’œuvre à une hausse modérée des prix. Il faut remarquer que, dans le cas de la lutte contre l’inflation, beaucoup de gouvernements arrivent à considérer que l’inflation peut être combattue non pas seulement par des actions à court terme (par exemple le blocage des prix), mais aussi par des réformes de structure comportant des effets à long terme.