Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Dijon (suite)

La Bourgogne connut une période de splendeur avec les ducs de la maison de Valois, à la fin du xive s. et pendant la majeure partie du xve. Dijon fut alors un foyer d’art international, où des artistes venus des Pays-Bas jouèrent un rôle de premier plan. Deux grandes entreprises résument cette activité. Remontant aux ducs capétiens, le palais ducal fit l’objet d’une reconstruction dont témoignent encore la tour dite « de Bar », les étages supérieurs de la grande tour, les cuisines voûtées et la grande salle, dite « des Gardes ». L’ensemble, augmenté à partir de la fin du xviie s., abrite aujourd’hui le musée des Beaux-Arts et l’hôtel de ville. La chartreuse de Champmol, dont il ne subsiste que des fragments, illustrait encore plus brillamment le génie artistique de la Bourgogne ducale. Philippe le Hardi la fonda en 1383, aux portes de la ville, et voulut en faire la nécropole des ducs de la maison de Valois. Il commanda son propre tombeau à Jean de Marville, qui mourut dès 1389 et fut alors remplacé par un sculpteur néerlandais dont la puissante personnalité allait dominer l’école bourguignonne, Claus Sluter*. Celui-ci se fit aider par son neveu Claus de Werve, qui acheva l’ouvrage en 1411. Ce qu’il offre de plus remarquable est le cortège des pleurants, représenté d’une manière réaliste sous une sorte de galerie de cloître autour du sarcophage (auj. au musée des Beaux-Arts).

Le portail de l’église de la chartreuse avait été commencé en 1386 par Drouet de Dammartin († 1413) et Jean de Marville. Sluter le continua, en lui donnant plus d’ampleur, et l’acheva en 1401. On trouve dans les statues qui le composent la veine réaliste et la puissance plastique qui triomphent, pénétrées d’un souffle dramatique, dans les sculptures du célèbre « puits de Moïse », auquel Sluter travailla de 1395 environ à 1406. Ce monument, surmonté d’un grand calvaire, s’élevait au centre du cloître de la chartreuse. On voit encore en place le piédestal, avec ses six statues de prophètes, d’une vie intense, et les anges qui supportent l’entablement.

C’est en Flandre que furent exécutés les deux retables commandés en 1390 par Philippe le Hardi pour la chartreuse de Champmol (auj. au musée des Beaux-Arts). Leurs sculptures de bois doré sont l’œuvre de Jacques de Baerze. L’un des retables représente des histoires tirées de la vie des saints, l’autre des épisodes du Nouveau Testament. Les volets du second sont ornés de scènes peintes à Ypres par Melchior Broederlam dans les dernières années du xive s. et ayant pour sujets l’Annonciation, la Visitation, la Présentation au Temple, la Fuite en Égypte ; mêlant un réalisme discret à l’élégance linéaire du style gothique international, ces scènes comptent parmi les premiers chefs-d’œuvre de l’école flamande. De nombreux peintres, souvent venus du Nord, furent au service des ducs : Jean de Beaumetz († 1396), Jean Malouel (v. 1370-1419), Henri Bellechose († v. 1445), Jacques Coene, Jacquemart de Hesdin, etc. ; leur tâche comprenait l’enluminure des manuscrits aussi bien que la polychromie des statues. Ils formaient une sorte d’atelier international où se croisaient les influences flamande, parisienne et siennoise. On en peut juger par quelques panneaux, notamment le Martyre de saint Denis, peint pour Champmol de 1398 à 1416 par Malouel et Bellechose, aujourd’hui au musée du Louvre avec une grande et une petite Pietà, l’une et l’autre de forme ronde. Avec la Sainte Chapelle et l’église de Champmol a disparu leur parure de vitraux, datant de la même époque.

À côté des grandes fondations ducales, Dijon offre un spécimen précieux de l’architecture privée du xve s., l’hôtel Chambellan. On en remarque surtout l’escalier, dont la voûte, en forme de palmier, retombe au centre sur une statue de jardinier.

Après le rattachement de la Bourgogne au royaume, la Renaissance ne tarda pas à s’implanter dans la ville. Elle y a laissé un témoignage capital, la façade de l’église Saint-Michel, et plus précisément ses trois portails du deuxième quart du xvie s., très profonds et surmontés de voûtes à caissons dont les riches sculptures rivalisent avec celles des vantaux (les tours sont du xviie s.). Mais la place de l’architecture civile n’est pas moins importante. De 1592 date la chambre Dorée du parlement (auj. palais de justice), avec son plafond sculpté par Antoine Gailley. La Grande Salle, de 1572, est fermée par une harmonieuse façade à pignon, ouvrage d’Hugues Brouhée. La clôture de la chapelle, de 1583, et la porte de la salle des Archives (auj. au musée des Beaux-Arts) sont de l’invention d’Hugues Sambin*, l’artiste le plus célèbre de la Renaissance bourguignonne, auteur d’un recueil gravé, le Traité de la diversité des termes (1572), et créateur d’un style exubérant qui charge de figures et de gras ornements le mobilier comme l’architecture. On reconnaît ce style, à défaut de la production personnelle de Sambin, dans le riche décor sculpté de la maison Milsand et de la maison dite « des Caryatides ».

Au xviie et au xviiie s., la prospérité de Dijon a favorisé l’épanouissement des arts. Il ne faut pas négliger la part de l’inspiration religieuse. Parmi les communautés qui contribuèrent à l’activité artistique, on note surtout les Bernardins, dont l’église ronde à coupole (auj. sous le vocable de sainte Anne) fut élevée dans les premières années du xviiie s. par le père Louis. Philippe Quentin (v. 1600-1636), dont le style dénote l’influence du Caravage, pratiqua honorablement la peinture religieuse, Jean Dubois (1625-1694) la sculpture à sujets sacrés ou profanes.

C’est cependant à l’architecture civile que revient la première place. On voit encore en grand nombre les beaux hôtels élevés pendant cette période pour la noblesse de robe dijonnaise : ainsi, au début du xviie s., l’hôtel d’Étienne Bouhier (auj. de Vogüé), fidèle encore au style de la Renaissance ; vers le milieu du xviie s., l’hôtel Lantin (auj. musée Magnin) ou l’hôtel de Thianges, qui est dû à Pierre Le Muet (1591 - 1669), originaire de la ville ; à la fin du siècle, l’hôtel Legouz, avec sa fastueuse cour en hémicycle ; au milieu du xviiie s., l’hôtel de Lantenay (auj. préfecture), œuvre de Nicolas Lenoir ; à la fin du même siècle, l’hôtel de Dampierre. Le goût néo-classique inspira aussi, aux portes de Dijon, le château de Montmuzard, dessiné par l’architecte Charles de Wailly, mais inachevé.