Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

digestion (suite)

Digestion des protéines

Les protéines alimentaires sont le plus souvent des polymères d’acides aminés unis entre eux par des liaisons peptidiques entre le carboxyle d’un acide aminé et l’aminé d’un autre, avec élimination d’une molécule d’eau.

Les enzymes proteolytiques, ou protéases, catalysent la rupture des liaisons peptidiques. Les exopeptidases détachent un acide aminé terminal d’une chaîne polypeptidique ; les endopeptidases coupent la chaîne au niveau de certaines liaisons peptidiques non terminales. Trois protéases semblent universelles : une endopeptidase, la trypsine ou, mieux, le groupe des trypsines, et deux exopeptidases, l’aminopeptidase et la carboxypeptidase.

Les trypsines sont des protéinases qui agissent à des pH alcalins (de 7 à 9). Elles hydrolysent les polypeptides au niveau du groupe carboxyle de l’arginine ou de la lysine. Une trypsine est caractéristique du pancréas des Vertébrés, où elle est sécrétée sous forme d’un précurseur inactif, le trypsinogène, secondairement activé par une enzyme spécifique de la muqueuse intestinale, l’entérokinase. L’aminopeptidase détache un acide aminé terminal qui a un groupe aminé libre. La carboxyl-peptidase détache un acide aminé terminal qui a un groupe carboxyle libre. Elles sont présentes dans le suc pancréatique des Vertébrés et dans les diverticules gastriques des Invertébrés.

D’autres protéases, non universelles, sont spécifiques de groupes d’animaux plus ou moins importants.

La pepsine est une endopeptidase caractéristique des Vertébrés, où elle est sécrétée par les glandes gastriques sous forme d’un précurseur inactif, le pepsinogène, activé par l’acide chlorhydrique du suc gastrique.

Les chymotrypsines sont des endopeptidases caractéristiques du suc pancréatique des Vertébrés, sécrétées sous forme de précurseurs inactifs, les chymotrypsinogènes, activés par la trypsine.

La digestion de certaines protéines complexes et très résistantes, comme la kératine (corne) de l’épiderme des Vertébrés, la soie des Insectes et des Arachnides, le collagène des tissus conjonctifs, nécessite un équipement particulier en endopeptidases, que seuls certains Insectes semblent posséder. On connaît l’aptitude des mites à dévorer la laine, le crin (kératine) ou la soie. Cet exemple est un de ceux qui illustrent l’existence de corrélations entre l’équipement en enzymes digestives d’un animal, sa nourriture et son écologie.

A. B.


La digestion chez l’homme


Physiologie

Chez l’homme, la digestion, qui a pour objet de transformer les aliments* ingérés en formes directement assimilables et utilisables par l’organisme, se fait à tous les niveaux du tractus digestif. Après la cavité buccale et le pharynx, qui sont communs aux voies digestive et aérienne, l’œsophage possède une muqueuse malpighienne. Ce n’est qu’à partir de l’estomac (cardia) que le tube digestif possède une structure glandulaire avec une muqueuse unistratifiée qu’il conservera jusqu’à la jonction ano-rectale.

Au niveau de la bouche, les aliments subissent deux actions importantes : la mastication et l’insalivation. La mastication* fait intervenir d’une part les dents*, qui, chez l’homme, ont surtout une fonction de trituration, et d’autre part la langue*, dont les muscles, puissants et remarquablement coordonnés, permettent aux aliments d’être soumis à plusieurs reprises à l’action des dents avant d’entamer le processus de la déglutition. L’insalivation est l’imbibition progressive du bol alimentaire par la salive au cours de la mastication. Chez l’homme, la salive est fournie par trois paires de glandes salivaires : la plus volumineuse est la parotide* ; les deux autres sont les sous-maxillaires et les sublinguales. Au repos, la salive est peu abondante, et son débit assure simplement l’humidification de la cavité buccale. Dès le début de l’alimentation, la sécrétion salivaire est mise en action, notamment par un arc réflexe passant par une branche du nerf facial, la « corde du tympan », et par le nerf de Jacobson. Le volume sécrété varie avec la nature et l’abondance du repas. La salive contient, outre des sels minéraux et, éventuellement, des corps toxiques, dont c’est une voie d’élimination (sels de métaux lourds), une enzyme importante : l’amylase salivaire (ou ptyaline). Celle-ci attaque les particules d’amidon avec formation de dextrines, qui seront plus aisément dédoublées par la suite. Elle agit à pH 6,7. C’est dire que la sécrétion d’acide gastrique l’inhibe. Mais chaque bouchée déglutie n’est pas immédiatement acidifiée dans l’estomac. Ainsi, l’amylase salivaire peut poursuivre encore un certain temps son action amylolytique à l’intérieur même de la cavité gastrique. Cette attaque initiale des grosses particules amylacées est essentielle à une bonne digestion des glucides. Il faut donc mastiquer longuement les aliments, surtout s’ils contiennent de l’amidon cru.

Le temps suivant est la déglutition, qui fait passer les aliments fragmentés tout au long de l’œsophage jusque dans la cavité gastrique. Le péristaltisme de ce conduit est tel qu’il permet la déglutition même contre la pesanteur. Dans l’estomac, le bol alimentaire va subir plusieurs actions. En effet, la poche gastrique fait office de réservoir, mais de réservoir sélectif. Le temps de séjour des aliments dépend de leur nature chimique. En premier lieu, la sécrétion chlorhydrique de l’estomac détermine un pH acide qui stérilise les aliments en détruisant la plupart des germes banals. L’importante musculature lisse plexiforme entraîne des mouvements de brassage énergiques qui homogénéisent encore le bol alimentaire. Ensuite, les glandes gastriques sécrètent la pepsine, enzyme protéolytique active en pH acide.

Puis, la digestion va se poursuivre dans l’intestin grêle sous l’influence de plusieurs facteurs simultanés. En effet, à l’intérieur du tube digestif, trois sécrétions vont conjuguer leurs effets : la sécrétion intestinale elle-même, la bile et le suc pancréatique. Enfin, lors de l’absorption à travers la muqueuse de l’intestin grêle, certains procédés de digestion pourront encore se faire au moment même de la traversée cellulaire. Grâce à cette action conjuguée de différents sucs digestifs, les divers groupes d’aliments vont pouvoir être digérés.