Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

diabète (suite)

Conception actuelle du diabète

Actuellement — et il semble nécessaire d’insister sur cet adverbe... —, le diabète peut être envisagé de la façon suivante. Tout d’abord il existe des diabètes secondaires soit à des affections pancréatiques (pancréatites chroniques ou surtout pancréatectomies totales), soit à des affections d’autres organes (diabète d’origine hypophysaire, tel celui de l’acromégalie*, diabète des hypercorticismes surrénaliens, dont on peut rapprocher les diabètes provoqués par des traitements intenses ou prolongés par des hormones corticosurrénaliennes).

Les diabètes primitifs ont encore une pathogénie mal élucidée. On a longtemps considéré que le diabète était purement et simplement un manque d’insuline par anomalies pancréatiques. Il est certain qu’à l’heure actuelle un certain nombre de diabètes répondent à cette hypothèse : ce sont les diabètes des sujets jeunes, maigres avec acido-cétose. Mais l’insuline, si elle est effectivement sécrétée par le pancréas, voit son action toucher la quasi-totalité de l’organisme. Son action hypoglycémiante s’explique en effet par une augmentation de synthèse du glycogène, de protides et de graisses aux dépens du glucose ; en outre, elle permet une entrée plus rapide du glucose à l’intérieur des cellules, notamment musculaires. Une anomalie du métabolisme de l’insuline peut donc se voir à chacun de ces niveaux. C’est pourquoi le pancréas n’est pas toujours le seul en cause dans l’apparition d’un diabète. Les affections hépatiques, notamment, sont susceptibles de s’accompagner d’anomalies de la tolérance aux glucides. Enfin, le dosage radio-immunologique de l’insuline dans le sérum de sujets témoins et de sujets diabétiques a permis de vérifier qu’un certain nombre de diabètes ne sont pas dépourvus d’insuline. Ce sont les diabètes que l’on avait autrefois isolés sous le nom de diabètes gras. Ces sujets ont un taux d’insuline élevé dans le sang, mais, si ce taux est élevé comparé aux témoins sains, il apparaît insuffisant si on le rapporte au poids du malade et au taux de la glycémie ; en outre, cette sécrétion importante d’insuline est inadaptée, car son apparition est retardée par rapport aux pics de glycémie. Enfin, certains pensent que ce que l’on dose dans le sérum de ces malades est non pas une véritable insuline, mais soit une insuline de mauvaise qualité, incapable de remplir, à la périphérie, ses fonctions métaboliques, soit même une pro-insuline produite sous forme inactive par le pancréas et qui a les mêmes affinités antigéniques que le pancréas, ce qui explique qu’elle soit simultanément dosée par une méthode radio-immunologique. Quoi qu’il en soit, l’opinion actuelle, étayée par les données du laboratoire, recouvre assez bien la classification purement clinique des Anciens. Certains diabètes sont insulinoprives et surviennent à un âge assez jeune ; ils se compliquent volontiers d’acido-cétose et nécessitent un traitement par l’insuline. D’autres gardent une sécrétion insulinique inefficace ou inadaptée, surtout à un âge plus avancé, et ne sont pas très améliorés par l’insuline. Par contre, ils bénéficient des médications antidiabétiques par voie orale.

Reste enfin à évoquer le problème de l’hérédité du diabète. Il a, en effet, été remarqué de longue date que les enfants de diabétiques risquent de devenir diabétiques, et souvent à un âge plus jeune que celui auquel le diabète avait été découvert chez les parents. De là à considérer le diabète comme une maladie héréditaire il n’y avait qu’un pas, et l’on en vint même à songer à déconseiller le mariage à deux sujets diabétiques ou dont les parents étaient eux-mêmes diabétiques. En réalité, si le diabète est bien une maladie héréditaire, la transmission ne se fait pas sur le mode unifactoriel dominant ou récessif. Avec J. Frézal, on peut admettre la théorie suivante : tout sujet est porteur d’un plus ou moins grand nombre de facteurs prédisposants dont chacun est insuffisant à déterminer le diabète. Il en est ainsi pour la majorité de la population. Mais, chez certains, le nombre de ces facteurs devient suffisant pour que la maladie diabétique apparaisse. Ce mode de transmission multifactorielle est, à l’heure actuelle, celui qui rend le mieux compte des observations cliniques. Le diabète touche un nombre considérable de sujets, et, en France, on admet que 1 à 2 p. 100 de la population en est atteint. Certains soutiennent qu’il y a un diabétique méconnu pour un diabétique reconnu. On conçoit donc l’important problème de santé nationale que pose cette maladie.

Importance sociale et économique du diabète

Il y a en France plus de 800 000 diabétiques, soit de 1 à 2 p. 100 de la population, alors qu’au début du xxe s. il n’y en avait que 0,4 p. 100. Cette énorme augmentation a plusieurs causes. D’une part, il est certain que tous les diabètes n’étaient pas dépistés il y a cinquante ans comme ils le sont maintenant. D’autre part, la moyenne d’âge de la population ayant augmenté, de nombreuses personnes qui, autrefois, seraient mortes de tuberculose ou de péritonite arrivent à l’âge où apparaît généralement le diabète gras, et la fréquence de diabétiques, dans une population donnée, est proportionnelle à l’âge. Enfin, les sujets jeunes atteints de diabète maigre parviennent maintenant à l’âge adulte : ils ont eux-mêmes des enfants, et, comme le diabète comporte une forte incidence héréditaire, leur descendance comporte plus de diabétiques que celle des autres sujets. L’importance du diabète sur le plan économique découle des faits suivants : les diabétiques soignés ont constamment besoin d’une surveillance médicale et de médicaments ; les complications du diabète, qu’il s’agisse du traitement des comas ou des complications vasculaires, entraînent de gros frais, et de nombreux sujets diabétiques deviennent des infirmes à la charge de la société.

Le nombre des décès par diabète, qui était en France de 3 805 en 1930, est passé à 3 861 en 1950, à 5 568 en 1960, à 8 326 en 1966. Ce nombre risque d’augmenter dans les années à venir.