Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

dépression ou état dépressif (suite)

Dans l’ensemble, le pronostic des états dépressifs est souvent bon depuis l’introduction des médicaments antidépresseurs. La longueur du traitement, dans certaines dépressions névrotiques, ne doit pas inquiéter. C’est l’existence d’une personnalité fragile et névropathique qui explique la nécessité de poursuivre longtemps la surveillance médicale et le traitement d’entretien.

G. R.

 M. Montassut, la Dépression constitutionnelle (Masson, 1938). / J. E. Ruffier, Dépressions et fatigues nerveuses (Bornemann, 1959). / P. A. Lambert, les États dépressifs (les Monographies médicales et scientifiques, 1961 ; 2 vol.). / G. Eberhard, G. Johnson, L. Nilsson et D. J. W. Smith, Chimical and Experimental Approach to the Description of Depression and Antidepressive Therapy (Copenhague, 1965). / G. Delpierre, la Dépression nerveuse (Éd. du Centurion, 1966). / C. Kohler, les États dépressifs chez l’enfant (Dessart, Bruxelles, 1970).

De Quincey (Thomas)

Écrivain anglais (Manchester 1785 - Édimbourg 1859).


Sa vie, certes, n’a pas manqué d’épisodes romanesques : fugue de l’adolescent en rupture de collège, « vagabondages » au pays de Galles, jusqu’aux errances faméliques dans les rues de la capitale et aux relations ambiguës d’Oxford Street — « tes lèvres, Ann, qui pour moi ne portent aucune souillure ». Et dès 1804, le recours à la drogue, « Ô juste, subtil et puissant opium ! ». Pourtant, aux amours provocantes chères à un Byron, De Quincey substitue le culte de la constante tendresse de Margaret Simpson, qu’il a épousée en 1817. Ici, le désir de briller fait place à une curiosité universelle. Le goût de la réflexion l’emporte sur la passion. L’égocentrisme tapageur s’efface devant une introspection minutieuse. « J’ai passé, a-t-il écrit, plus de ma vie dans une solitude absolue et sans mélange, volontairement et pour des buts intellectuels, qu’aucune autre personne de mon âge. » Ce n’est donc qu’assez tard — il a largement dépassé la trentaine — et poussé par d’impérieuses nécessités qu’il se lance dans les lettres. L’inappréciable trésor d’expériences vécues, de connaissances acquises, ce monde intérieur lentement construit, il va maintenant les projeter dans des œuvres où passent tous les fantômes de l’enfance, « l’ombre secrète de la mort » et les rêves du laudanum qui, malheureusement aussi, s’oppose chez lui à l’effort soutenu de la création des longues œuvres littéraires. Il n’écrit que trois livres au cours de sa vie : The Confessions of an English Opium-Eater (1821), Klosterheim (1832) et Logic of Political Economy (1844). Avant qu’il se décidât à faire publier ses Œuvres complètes, à la veille de sa mort, la quasi-totalité de sa production se trouve toujours dans les « magazines », à l’origine de la floraison des « essayistes » qui, aux noms des grands poètes romantiques, de Wordsworth à Byron, ajoute ceux de W. Hazlitt, C. Lamb, W. S. Landor ou T. L. Peacock. Il publie des nouvelles dans la Quaterly Review (1823). Au Blackwood’s Edinburgh Magazine, il donne, entre autres, son premier article On Murder considered as one of the Fine Arts (1827), Suspiria de Profundis (1846) et The English Mail-Coach (1849). Quant au Tait’s Magazine, il fera paraître à partir de 1834 ses Autobiographic Sketches ou son Autobiography. Ses articles rempliront seize volumes. « Pleins d’intelligence du début à la fin » (Malcolm Melwin), ils dénotent une très profonde érudition, traitant aussi bien de l’Antigone de Sophocle que de la guerre (On War), d’astronomie (Systems of the Heavens) que d’économie politique (Dialogues of Three Templars on Political Economy), de philosophie (Kant and his Miscellaneous Essays) ou de critique littéraire générale (Rethoric, Style, Language). Partout on retrouve, avec le témoignage d’une grande indépendance d’esprit, la marque d’un jugement clair qui lui vaudra d’ailleurs des ennuis avec ses amis « lakistes » à propos des trop franches Reminiscences of the English Lake Poets (1834). À la subtilité de l’investigation s’ajoute l’exactitude de l’analyse qui n’exclut pas un certain goût pour le mystérieux, le paradoxe (Judas Iscariot, par exemple) et le pathos avec, plus ou moins sous-jacent, l’humour : humour léger du début de la Malle-Poste anglaise, humour macabre Du meurtre considéré comme un art supérieur. Mais ce sont surtout les Confessions d’un opiomane anglais, parues fin 1821 dans le « London Magazine », qui demeurent son œuvre maîtresse aux yeux de la postérité. Elles assurent à De Quincey une place originale dans le romantisme et le situent encore vivant au cœur de l’actualité, un siècle et demi après leur parution. Romantique d’essence intime, De Quincey ne demande ni aux êtres ni à la nature de lui fournir la source de ses émotions et de ses transports. Son monde à lui est celui de « la noire idole » en qui il a cru découvrir « le secret du bonheur ». Par elle désormais il va accéder à un univers de joies indicibles, de tortures savantes, « de splendeurs [...] architecturales », « de lacs et d’étendues d’eau ». Aux visages humains multipliés à l’infini se mêle un bestiaire inquiétant. L’Orient et ses sortilèges y rejoignent la réalité présente. Et tout y est soumis à « la chimie transfiguratrice » du rêve, support de l’extase visionnaire et aussi départ de la réflexion philosophique. Servies par un style éblouissant, les Confessions annoncent la longue suite des confessions de tous les enfants du siècle et ouvrent à la suite de Kuala Khan la voie littéraire nouvelle des « paradis artificiels » où s’engageront et se perdront parfois, de Baudelaire à Michaux, Gautier ou Maupassant, Huxley ou les poètes de la « beat generation » américaine.

D. S.-F.

 M. Melwin, De Quincey (Londres, 1909). / A. Barine, Névrosés. Thomas de Quincey. Gérard de Nerval (Hachette, 1936). / F. Moreux, Thomas De Quincey (P. U. F., 1964). / A. Goldman, The Mine and the Mint, Sources for the Writings of Thomas De Quincey (Carbondale, Illinois, 1965).