Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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démographie (suite)

La connaissance de ces états est affaire de relevés statistiques et notamment de recensements ; leur interprétation repose sur la distinction entre l’effet d’âge et l’effet de génération : à un âge donné et à une date donnée — par exemple à trente ans au 1er janvier 1970 —, une proportion de 85 p. 100 de femmes déjà mariées doit s’interpréter à la fois comme résultant de l’âge atteint par la génération de femmes considérée, ce qu’on appelle l’effet d’âge, et de l’histoire propre à cette génération, ce qu’on appelle l’effet de génération. En d’autres termes, si l’avancement en âge des individus impose aux divers phénomènes démographiques et à divers autres phénomènes des évolutions caractéristiques (effet d’âge), à un âge donné des différences peuvent apparaître entre générations, chaque génération ne répétant généralement pas rigoureusement l’histoire de celles qui l’ont précédée (effet de génération).

L’effet de génération joue un rôle particulièrement important en période d’évolution rapide de la société, moins d’ailleurs pour ce qui est des caractéristiques démographiques que des caractéristiques sociales et culturelles (répartition des membres d’une génération selon le degré d’instruction, le degré de qualification professionnelle, le type d’activité économique...).

Enfin, on se préoccupe en démographie d’attacher des mesures aux conditions dans lesquelles s’opère le renouvellement de la population ; on calcule à cette fin des taux de reproduction. Le taux brut de reproduction R (ou taux de reproduction brute) donne le nombre de filles qui seront issues, en l’absence de mortalité, d’un nouveau-né féminin d’une génération ; on mesure ainsi le remplacement d’une génération à la naissance, dans l’hypothèse extrême où la mortalité serait supprimée jusqu’à la fin de la vie féconde des femmes. Le taux net de reproduction R0 (ou taux de reproduction nette) donne le nombre moyen de filles qui seront issues d’un nouveau-né féminin d’une génération en tenant compte, cette fois, de la mortalité ; on mesure ainsi le remplacement d’une génération dans les conditions réellement observées. On a naturellement R0 < R ; autrement dit, le taux brut, qui, à strictement parler, est un indice de fécondité, donne une estimation par excès du taux net ; plus précisément, on a sensiblement l’égalité
R0 = R × sa,
sa étant la probabilité de survie d’une fille à la naissance jusqu’à l’âge moyen des mères à la naissance de leurs enfants a.

La théorie des populations stables d’Alfred James Lotka (1880-1949) a conduit à définir, à partir des conditions de mortalité et de fécondité d’une année, le taux intrinsèque d’accroissement naturel ρ, qui est le taux d’accroissement annuel constant dans l’état (qualifié de stable) vers lequel s’achemine progressivement une population soumise à des lois de mortalité et de fécondité invariables. ρ est lié aux quantités R0 et a par la formule
R0 = (1 + ρ)a,
R0 étant le taux net de reproduction calculé à partir des lois invariables de mortalité et de fécondité ; il en résulte

Par conséquent, ρ est positif si R0 est supérieur à 1 et négatif dans le cas contraire : selon que le taux net de reproduction est supérieur ou inférieur à l’unité, la population est croissante ou décroissante.

Le taux net de reproduction est une mesure insuffisante des conditions de reproduction d’une population. En particulier, dans le cas d’une mortalité variable, à un taux net inférieur à l’unité peut correspondre une population croissante : il suffit pour cela que la mortalité au-delà de la période de fécondité de la femme décroisse suffisamment. Plus généralement, l’insuffisance des taux de reproduction tient à ce qu’ils donnent des rapports de flux, alors que les populations se présentent comme le produit de flux par des durées de vie.


Bases statistiques

Les statistiques à la base de l’analyse démographique ont une origine traditionnelle (recensement, état civil) ou reposent sur des enquêtes particulières ou des relevés dans des documents écrits divers.

Le recensement fournit une photographie de l’état de la population à une date donnée. Opération très lourde, il ne peut être d’une précision absolue. Comme les recensements ne sauraient être exécutés qu’à intervalles de temps assez espacés, des estimations de population sont calculées durant la période intercensitaire, le plus souvent à chaque 1er janvier ; on utilise pour cela les relevés de décès par âge et de naissances et, lorsque cela est possible, les relevés de migrations.

La comptabilité des événements démographiques repose sur les enregistrements qui sont effectués à l’état civil : les bulletins de naissance, de décès et de mariage, adressés aux organismes officiels de statistique, donnent lieu à des exploitations selon divers critères quantitatifs et qualitatifs. La tenue des registres d’état civil est pratiquement parfaite dans les pays de culture occidentale, où ces registres ont pris généralement la suite des registres paroissiaux ; aussi, la précision des statistiques globales du mouvement de la population est-elle à peu près parfaite, ce qui n’exclut pas cependant des erreurs au niveau des nombreuses classifications qui sont opérées lors de l’exploitation statistique.

Par des enquêtes spécifiquement démographiques, on cherche à obtenir des renseignements que les sources traditionnelles ne fournissent pas, soit qu’il s’agisse d’obtenir la reconstitution de l’histoire passée de la population enquêtée (enquête rétrospective), soit que l’on s’efforce de rapprocher les données quantitatives de données sur le comportement, les attitudes, les opinions ou d’autres variables qualitatives ; le plus souvent d’ailleurs, les enquêtes démographiques, qui sont effectuées auprès d’effectifs limités (quelques milliers de personnes), sont des enquêtes en profondeur, tant en ce qui concerne le champ temporel prospecté que les caractéristiques des individus retenus par l’enquête. Les enquêtes modernes sur la fécondité sont de ce type, en ce qu’elles s’efforcent de reconstituer minutieusement l’histoire génésique des femmes enquêtées et de réunir toutes les informations de nature économique, socioculturelle, psychologique, voire biologique concernant les couples, objets de l’étude. Étant donné la dimension limitée de telles enquêtes, le problème du choix de l’échantillon est très important si l’on veut obtenir des résultats représentatifs d’une situation existant à l’échelle démographique.