Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Dakar (suite)

L’urbanisme à Dakar

L’extension des villes des pays sous-développés résulte plus d’une accumulation de population que d’une organisation cohérente. Cette urbanisation spontanée précédant toute concentration industrielle entraîne la formation de cités semi-parasites dont le pouvoir d’attraction supplante malheureusement la puissance de rayonnement. Dakar, tout en étant une des rares villes africaines à posséder un haut niveau d’organisation urbaine, n’échappe pas à cette règle. La dévolution récente du sol et l’absence de traditions juridiques devraient permettre de résoudre les problèmes fonciers par la création d’un statut propre. Cependant, des attributions provisoires, des occupations du sol incontrôlées tendent à créer des droits et témoignent de l’existence d’un système peu adapté à la formation d’un « périmètre d’agglomération ».

Deux plans directeurs (1946, 1961) ont tenté de délimiter un vaste territoire urbain et de réserver des emprises suffisantes, indispensables à l’extension de la ville. Quatre zones ont été définies : une zone résidentielle africaine et européenne (à l’ouest et au nord) ; une zone commerciale et administrative (au sud) ; une zone industrielle, avec quatre secteurs échelonnés à partir de la grande jetée ; une zone non aedificandi.

Ce cadre de développement a subi quelques modifications en 1961 en raison d’un effort d’intégration de l’aménagement urbain à une politique générale « de développement économique et de progrès social ». L’objectif essentiel est d’assimiler les « déguerpis » (migrants ruraux habitants des bidonvilles) de la périphérie en leur offrant des logements décents. Un nouveau plan prévoit le réaménagement des quartiers africains et l’annexion de la commune de Rufisque. L’hétérogénéité du paysage urbain actuel résulte de l’imbrication de divers éléments (moderne et traditionnel, urbain et rural) et de la juxtaposition de deux types de communautés vivant en ségrégation.

M.-M. F.


Les fonctions

Le rôle économique est déterminant : le port de Dakar, qui comporte une base militaire, un arsenal et un bassin de radoub (longtemps le seul entre Casablanca et Le Cap), assure les deux tiers des exportations d’arachides du Sénégal et la quasi-totalité des importations. Un port minéralier assure l’exportation des phosphates. Le trafic du port a atteint 5 Mt en 1972. Cependant, en dépit d’une extension continue et d’incessantes améliorations, l’insuffisance des fonds (10-11 m) détourne une partie des navires de passage (pétroliers notamment, nombreux depuis la fermeture du canal de Suez) vers Las Palmas, Tenerife et São Vicente. Dakar est le principal centre bancaire et commercial de l’Afrique tropicale francophone (siège de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, émettrice de la monnaie CFA en circulation dans l’Ouest africain ; siège des grandes compagnies de commerce dites de « traite » européennes, ayant le monopole de fait de l’import-export), mais aussi le principal et presque le seul centre industriel du Sénégal (en 1967, 203 des 221 grandes entreprises sénégalaises). On y trouve les principales huileries, des conserveries orientées vers l’exportation ; des industries orientées vers la consommation locale (brasserie, industries alimentaires diverses, dont deux minoteries, tabacs et allumettes, savonnerie, textile, chaussure, corderie et sacherie) ou l’équipement (centrale thermique, industries chimiques et mécaniques, raffinerie de pétrole, cimenterie de Bargny, dans la banlieue de Rufisque), réexportant en partie vers les autres États d’Afrique occidentale. Mais, de ce point de vue, les indépendances, et surtout l’essor industriel et la concurrence d’Abidjan, ont privé Dakar de son monopole industriel et de sa suprématie commerciale ; même en Mauritanie et au Mali, son influence économique n’est plus sans partage. Les difficultés temporaires qui en ont résulté dans les années soixante n’ont cependant pas freiné la croissance urbaine.

Le rôle administratif s’est maintenu (gouvernement et administrations centrales sénégalaises ; présence de diverses institutions interafricaines). La fonction universitaire et culturelle reste considérable (université de Dakar-Fann, créée en 1957 pour toute l’Afrique occidentale francophone et aujourd’hui concurrencée par les universités rivales créées depuis les indépendances, Institut fondamental d’Afrique noire [I. F. A. N.], musées ethnographique et préhistorique, etc.).

La population africaine s’élevait en 1961 à 398 000 habitants et la population non africaine à 45 000 (dont 30 000 Français et 10 000 Libano-Syriens).

On retrouve dans la population africaine toutes les ethnies du Sénégal, avec prédominance des Ouolofs (51 p. 100) et des Toucouleurs (11,2 p. 100). L’immigration temporaire, en morte-saison, conduit à Dakar de nombreux manœuvres ou domestiques ouolofs, sérères ou toucouleurs, qui regagnent leurs villages à la saison des travaux agricoles. Les autochtones du Cap-Vert, les Lébous, n’étaient que 37 000. Toutefois, 58,6 p. 100 des habitants étaient nés dans la presqu’île. Pour 1966, on évalue la population de l’agglomération à 483 000 habitants, celle de la presqu’île, le Grand Dakar dans ses limites administratives, à 558 000 habitants. On peut estimer qu’en 1970 ce dernier chiffre est passé à 650 000 habitants.

Chaque actif fait subsister environ quatre personnes. La répartition professionnelle est la suivante : services, 28,3 p. 100 ; industries, 28,2 p. 100 ; commerce, 18 p. 100 ; transports et télécommunications, 10,8 p. 100 ; agriculture et pêche, 14,7 p. 100. Pêcheurs et maraîchers de la presqu’île assurent une partie non négligeable du ravitaillement urbain.

Malgré d’énormes investissements réalisés depuis 1946, notamment sur crédits du F. I. D. E. S. (Mission temporaire d’aménagement du Grand Dakar), cette croissance accélérée laisse insuffisamment résolus maints problèmes de voirie (bitumage des voies publiques, éclairage, évacuation des eaux usées et des déchets). Après avoir utilisé les ressources en eau des nappes souterraines de la presqu’île, on a dû entreprendre la construction d’une amenée d’eau depuis le fleuve Sénégal (lac de Guiers), dont l’apport devrait résoudre pour une vingtaine d’années le problème de l’approvisionnement en eau de Dakar.

J. S.-C.

 A. Seck, Dakar, métropole ouest-africaine (I. F. A. N., Dakar, 1970 ; nouv. éd., le Livre africain, 1972).