Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alcynes (suite)

Les alcynes sont donc tous artificiels. L’acétylène n’est devenu accessible que par la découverte du carbure de calcium :

(à la température ambiante).
Plus récemment, des gaz riches en acétylène sont obtenus industriellement par pyrogénation du méthane. Parmi les nombreux modes de formation, on peut citer des réactions de déshydrohalogénation :

Les autres alcynes se sont longtemps préparés par cette dernière méthode.

Les synthèses modernes se font en deux phases à partir de l’acétylène ; au sein de l’ammoniac liquide, l’acétylène est métallé par le sodium ou le lithium :

On oppose au dérivé lithien un éther bromhydrique :

L’alcyne vrai peut être sodé par l’amidure de sodium :

On alcoyle de nouveau :

En principe, on pourrait espérer préparer ainsi les alcynes les plus généraux ; toutefois, le rendement des deux condensations n’est satisfaisant que si R et R′ sont des radicaux primaires, et les alcynes ramifiés sur les carbones d’attache au système —C≡C— sont encore difficilement accessibles.

On dispose d’une méthode de récurrence pour allonger la chaîne ; de l’alcyne R—C≡CH, on passe à l’alcyne méthylé R—C≡C—CH3, que l’amidure de sodium transforme en R—CH2—C≡CH ; on peut en principe renouveler la transformation.


Propriétés physiques

Les alcynes sont un peu moins volatils que les alcanes ou les alcènes correspondants. C’est ainsi que le butyne-2 CH3—C≡C—CH3 est liquide à 10 °C, alors que les alcanes C4H10 et les alcènes C4H8 sont gazeux à cette température. L’élévation du point d’ébullition par rapport à l’alcane est surtout notable pour les alcynes bisubstitués. Les alcynes sont plus denses que les alcènes et les alcanes correspondants, mais peu réfringents. Ils cristallisent difficilement, sauf si la liaison triple est symétriquement substituée.

L’insolubilité dans l’eau est moins marquée que pour les alcènes et les alcanes : à 0 °C, un litre d’eau dissout, sous la pression atmosphérique, 1 000 cm3 d’acétylène, contre 200 cm3 d’éthylène et 80 cm3 d’éthane.

Transparents dans le visible et l’ultraviolet accessible avec les appareils courants (λmax ≈ 1 750 Å), les alcynes absorbent en infrarouge à 2 050 cm–1 pour l’acétylène, à 2 150 cm–1 pour les alcynes vrais ; les alcynes bisubstitués ne présentent qu’une faible bande vers 2 250 cm–1, parfois dédoublée ou détriplée ; cette bande reste très forte en spectrographie Raman et les caractérise sans ambiguïté.


Propriétés chimiques

Il faut distinguer les propriétés additives de la liaison triple, valables pour tous les alcynes, et les propriétés de l’hydrogène acétylénique caractéristiques des alcynes vrais et se présentant deux fois pour l’acétylène.

La liaison triple donne naissance à de nombreuses réactions d’addition ; sa saturation s’effectue en principe avec les réactifs de la liaison double, mais l’addition peut se répéter. Certaines additions dissymétriques, inconnues sur la liaison double, sont ici très faciles.

L’hydrogénation chimique

est difficile ; elle ne peut se répéter :

L’hydrogénation catalytique est plus ou moins sélective selon le catalyseur ; avec le palladium sur support colloïdal, on s’arrête facilement à l’alcène cis :

(variété cis).

Avec le platine, cet arrêt est plus difficile et on aboutit à l’alcane.

Les halogènes s’additionnent une ou deux fois, mais, dans le cas de l’acétylène et du chlore, il faut prendre de grandes précautions pour éviter la destruction explosive :
C2H2 + Cl2 → 2 HCl + C.

Dans tous les cas, le chlore s’additionne deux fois :

Le brome s’additionne une ou deux fois, l’iode une seule fois, mais beaucoup plus facilement que sur les alcènes.

Les hydracides s’additionnent deux fois, en respectant la règle de Markovnikov :

L’addition de HCl à l’acétylène est la préparation industrielle du chlorure de vinyle, base de résines synthétiques.

L’acide sulfurique s’additionne en partie, mais polymérise ; l’hydratation se fait plus régulièrement par l’acide dilué en présence de l’ion Hg++ :

Dans le cas de l’acétylène, on aboutit à l’acétaldéhyde CH3—CHO, dont ce fut, pendant longtemps, la préparation la plus économique.

Parmi les additions difficilement réalisables sur la liaison éthylénique, on doit signaler les suivantes, qui, dans le cas de l’acétylène, présentent un intérêt pratique remarquable :

L’acétylène lui-même est de formation très endothermique :
2 C + H2 → C2H2 — 60 kilocalories.

L’acétylène comprimé explose sous le choc (préparation du noir d’acétylène).

À la combustion, ces 60 kilocalories s’ajoutent à celles provenant de la combustion de l’hydrogène et du carbone :

En présence d’un défaut d’oxygène, la flamme est fuligineuse et très éclairante ; la chaleur dégagée par la combustion complète est utilisée dans le chalumeau oxyacétylénique (soudure ou découpage des métaux).

Les autres alcynes peuvent subir des oxydations ménagées (KMnO4) :

Les acétyléniques vrais sont des acides très faibles ; l’hydrogène n’est salifiable que par les métaux alcalins, les amidures métalliques, les organométalliques : 

Mais les sels des métaux de transition donnent plus facilement des dérivés métalliques insolubles ; la réaction est plus complète en milieu ammoniacal :

Ces réactions se répètent sur l’acétylène, qui conduit à CuC≡CCu (rouge) ou à AgC≡CAg (jaunâtre) ; ces réactions permettent de caractériser une trace d’alcyne vrai.

Les alcynes vrais se combinent aux aldéhydes et aux cétones en présence de catalyseurs (poudre de potasse, CuC≡CCu, AgC≡CAg) :

Ces réactions se répètent dans le cas de l’acétylène ; d’où l’importante synthèse du butynediol :

Ce dernier peut conduire, en particulier, au caoutchouc synthétique et au Nylon.

Les alcynes se polymérisent par chauffage à 600 °C :

L’acétylène lui-même peut conduire ainsi au benzène, mais il subit d’autres polymérisations :

(C2H2)n (cuprène, succédané du liège).

Enfin, les alcynes sont isomérisés par chauffage avec les alcalis très forts concentrés.

C. P.

 A. W. Johnson, The Chemistry of Acetylenic Compounds (Londres, 1946). / R. A. Raphael, Acetylenic Compounds in Organic Synthesis (New York, 1955).