Corinthe (suite)
Il leva sur ses concitoyens un impôt de 10 p. 100 des revenus, ce qui lui permit de mener en faveur des plus défavorisés une politique sociale. Il offrit à ses compatriotes, désireux d’obtenir des terres neuves, des colonies, en particulier Leucade, Anaktorion, Ambracie. Sites fort bien choisis, car s’ils permettaient de surveiller l’entrée du golfe sur la route vers l’Italie, ils contrôlaient l’accès à certaines mines d’argent illyriennes. Il fit aussi frapper les premières monnaies corinthiennes.
Néanmoins, la tyrannie ne put résoudre la crise économique qui couvait depuis la fin de l’époque des Bacchiades ; Cypsélos sut en retarder les manifestations brutales ; Périandre, son successeur, par une politique tournée vers l’Égée, l’Asie et même l’Égypte, essaya lui aussi de lutter, mais la production de céramique corinthienne subissait une crise de mévente face aux fabrications locales des colonies, à la concurrence d’Athènes. Elle s’effondra à la fin du vie s.
Les tyrans, désormais détestés, furent chassés, une oligarchie modérée les remplaça, et Corinthe ne put retrouver sa puissance, restant pourtant riche de son port et des grandes fêtes panhelléniques de l’isthme.
Corinthe aux époques classique et hellénistique
À partir sans doute de 570 av. J.-C., Corinthe fit partie de la ligue du Péloponnèse. Cette alliance avec Sparte lui garantit une large indépendance et une certaine autorité ; c’est pour défendre en 432 ses colonies de Corcyre et Potidée que ses alliés déclenchèrent la guerre du Péloponnèse.
Son prestige resta grand de ce qu’elle était un lieu de réunion idéal pour les différents congrès panhelléniques : lors de la seconde guerre médique s’y était réuni le conseil des États grecs décidés à lutter contre Xerxès ; Philippe II de Macédoine en fit la capitale de la ligue qui devait garantir la paix des cités grecques. À l’époque hellénistique, les Antigonides (Démétrios Poliorcète en 302 av. J.-C., Antigonos Dôson en 224) y reconstituèrent encore de telles alliances, mais Corinthe n’en tira que peu de bénéfice sur le plan politique : l’importance stratégique de sa citadelle, l’Acrocorinthe, était telle que ces divers rois y logèrent des garnisons qui limitaient son autonomie.
En 196 av. J.-C. encore, c’est à Corinthe que Flamininus annonça aux Grecs que Rome leur accordait la liberté. La domination romaine lui fut pesante pourtant : elle se révolta en 146 av. J.-C. ; Lucius Mummius y mit le siège, la prit d’assaut, la livra au pillage et à l’incendie ; ses habitants furent tous tués ou vendus : Rome voulait frapper les imaginations par un saccage spectaculaire qui ferait comprendre aux Grecs que les temps des jeux politiques étaient passés.
César releva Corinthe en 44 av. J.-C., en y fondant une colonie. Les empereurs choyèrent la nouvelle Corinthe, Néron en particulier (en 67, il y proclama de nouveau la liberté des Grecs et fit commencer les travaux d’un canal à travers l’isthme). C’était une ville belle et dissolue. Saint Paul y prêcha en 50-52. Pillée par les Barbares, Corinthe entra dans un nouveau déclin au xie s.
J.-M. B.
E. Will, Korinthiakca. Recherches sur l’histoire et la civilisation de Corinthe, des origines aux guerres médiques (De Boccard, 1956). / G. Roux, Pausanias en Corinthie. Livre II, 1 à 15 (Les Belles Lettres, 1959). / C. Mossé, la Tyrannie dans la Grèce antique (P. U. F., 1969).