Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Contre-Réforme (suite)

Clément VIII, recueillant en ce domaine le travail de ses prédécesseurs, achève la réforme de la liturgie en en faisant éditer les principaux livres : Pontifical (1596), Cérémonial des évêques (1600), Bréviaire (1602), Missel (1604). Le pape veut aussi que la réforme romaine ait valeur d’exemplarité : Clément VIII, évêque de Rome, accomplit les visites pastorales et impose la résidence aux évêques italiens. La Ville éternelle devient en outre, fait nouveau, un centre de vie religieuse intense. C’est d’abord une ville de saints, ou plutôt de futurs saints, de nombreux fondateurs d’ordres religieux qui vont essaimer dans le monde entier mais dont la maison mère restera à Rome. Sous Clément VIII se fondent les Clercs réguliers des écoles pies de saint Joseph Calasanz (1597) et les Clercs réguliers de la Mère de Dieu de Jean Leonardi, entreprises audacieuses d’éducation chrétienne des pauvres soutenues par le pape ; c’est une tendance profonde de la réforme catholique que ce recours à l’enfance pour compenser l’hérésie ou la tiédeur des adultes. Le soin des malades, lui, sera assuré par l’ordre fondé par saint Camille de Lellis.

L’action de Clément VIII s’étend aussi aux grands intérêts de la chrétienté. Il continue l’effort de ses prédécesseurs, principalement de Pie V, en luttant contre l’infidèle.


La reconquête catholique en Europe après Trente

Un aspect très important de la Contre-Réforme est constitué par la reprise patiente ou le maintien par la papauté des positions catholiques dans l’Empire germanique et l’Europe de l’Est. Par la convention d’Augsbourg de 1555, qui définit le statut confessionnel, on décide que la religion du prince sera celle de ses sujets, cujus regio, ejus religio, mais des clauses compliquent l’application de cette paix de compromis. Ainsi on établit que les évêques et les abbés qui abandonneraient le catholicisme perdraient leurs États ; mais cette clause sera fréquemment enfreinte.

Jusque vers 1576, le protestantisme poursuit son avance et ses conquêtes en Allemagne. Ce qui est peut-être plus grave, il gagne aussi une très large audience dans les terres héréditaires des Habsbourg, en Autriche, où, à la mort de l’empereur Maximilien II en 1576, les trois quarts de la population sont passés à la Réforme, ainsi que la noblesse dans sa presque totalité. La situation est si grave que pour y remédier on recourt au pouvoir séculier. Aussi activités politiques et religieuses s’imbriquent à un point tel qu’il sera bientôt impossible de les dissocier. C’est dans l’Empire que cette situation atteint son paroxysme.

Dans le dernier quart du xvie s., le catholicisme va regagner une partie du terrain perdu en Allemagne. Il devra ses succès surtout aux Jésuites. Établis solidement à Cologne, à Trèves, à Munich, à Ingolstadt, à Innsbruck, à Vienne et à Prague, ils y forment les chefs de la Contre-Réforme allemande et dirigent la contre-offensive catholique depuis leurs bases autrichiennes et bavaroises.

La reconquête part d’abord de Bavière, où les ducs Albert V (1550-1579) et Guillaume V (1579-1597) se font les champions du catholicisme et appuient totalement les Jésuites. Albert V rétablit d’abord l’unité de la foi dans ses États, puis, sous son influence, l’Église catholique l’emporte dans le margraviat de Bade. Guillaume V fait accorder de 1581 à 1585 à son frère Ernst les évêchés de Liège, Cologne, Paderborn et Münster, qui restent ainsi aux mains des catholiques.

L’Autriche prend le relais lorsque Melchior Klesl, vicaire général de Passau, réussit peu à peu à recatholiciser le pays et à en chasser les protestants. Une révolte de paysans luthériens est écrasée dans le sang. Pendant ce temps, l’archiduc Ferdinand, le futur empereur, élève des jésuites d’Ingolstadt, rétablit par la force le culte catholique en Styrie et en Carinthie.

Après la disparition de Rodolphe II (1612), favorable aux protestants, et l’avènement de Mathias, Klesl, évêque de Vienne puis cardinal, devient son conseiller. Il obtiendra que Ferdinand, l’homme de la Contre-Réforme catholique, accède à l’Empire en 1619. La Bohême se révolte aussitôt contre Ferdinand II. Le nouvel empereur, qui obtient l’alliance de la Bavière, de l’Espagne et de l’Électeur de Saxe, bien que ce dernier soit un luthérien, est vainqueur à la Montagne Blanche, près de Prague, le 8 novembre 1620.

Cette victoire fait basculer dans le camp catholique la Bohême et la Moravie, où Ferdinand II mène une énergique politique de Contre-Réforme : prédicants expulsés, protestants exclus de toutes les dignités, enfin, après une révolte paysanne, expulsion de force de tous les non-catholiques. C’est alors qu’en 1629 Ferdinand II publie son édit de Restitution dans le dessein de récupérer les biens ecclésiastiques affectés aux protestants depuis la paix d’Augsbourg. En 1631, les archevêchés de Brême et de Magdeburg, plus cinq évêchés et d’innombrables couvents et églises, ont été restitués.

À la même époque, le catholicisme triomphe totalement en Pologne, où le roi Sigismond III (1587-1632), un Vasa, gagne son surnom de « roi des Jésuites » ; de même qu’en Hongrie, grâce à l’activité de l’archevêque de Graz, le cardinal Pazmany. En ce début du xviie s., l’Église catholique a donc reconquis bien des terres perdues ; les pays méditerranéens, la France, une grande partie de l’Empire, les royaumes et les marches de l’Est resteront fidèles au catholicisme.

P. R.

➙ Église catholique / Jésus (Compagnie de) / Réforme / Trente (concile de).

 G. Grente, le Pape des grands combats (Gabalda, 1914 ; nouv. éd., Fayard, 1956). / L. Willaert, Après le concile de Trente, la restauration catholique, 1563-1848 (Bloud et Gay, coll. « Histoire de l’Église » sous la dir. d’A. Fliche et V. Martin, 1960). / A. Deroo, Saint Charles Borromée (Éd. de Saint-Paul, 1963). / H. Tüchle, C. A. Bouman et J. le Brun, Réforme et Contre-Réforme, t. III de Nouvelle Histoire de l’Église sous la dir. de L. J. Rogier et coll. (Éd. du Seuil, 1968). / A. G. Dickens, The Counter Reformation (Londres, 1969 ; trad. fr. la Contre-Réforme, Flammarion, 1969). / J. Delumeau, le Catholicisme entre Luther et Voltaire (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1971).