Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carmes (suite)

Les carmélites de sainte Thérèse, ou déchaussées

La personnalité de sainte Thérèse, ses écrits, son audience dans toute l’Église opèrent une sorte de fascination sur d’innombrables âmes en quête de rencontre avec l’absolu humanisé dans le Christ et son esprit.

En 1590, un premier couvent de carmélites déchaussées (réformées) est fondé à Gênes, en Italie. La sainte et sa réforme sont connues en France par la publication de sa Vie, traduite en 1601. Introduire en ce pays la réforme née en Castille apparaît alors, notamment au futur cardinal de Bérulle*, comme le moyen le plus apte à rétablir une situation créée par les guerres de Religion. En 1604, six carmélites espagnoles (parmi elles Anne de Jésus) fondent un premier monastère à Paris. Les vocations affluent ; chaque communauté ne devant compter qu’une vingtaine de sœurs, l’expansion est rapide : Pontoise (1604), Dijon (1605), Tours (1608)... En 1619, 24 monastères réformés sont établis comme autant de citadelles où l’on apprend à vivre selon Dieu.

En 1607, la mère Anne de Jésus part implanter la réforme dans les Pays-Bas espagnols. Des divergences de conception sur les modalités d’adaptation de l’institution thérésienne l’ont opposée aux supérieurs français, à Bérulle en particulier. Durant trois siècles, les carmélites de France constitueront une entité juridique et morale particulière, liée au reste de l’ordre par le seul partage de l’esprit ; mais cet esprit ne leur est pas mesuré. Il suffit d’évoquer le martyre des carmélites de Compiègne en 1794 et le rayonnement de Thérèse* de Lisieux (1873-1897).

Depuis les origines, les fondations thérésiennes se sont multipliées dans le monde. En 1961 on dénombrait 727 monastères — dont 122 en France —, plus de 15 000 sœurs.

Régime canonique du Carmel

Les deux ordres ont la même règle (les déchaussés sans l’adoucissement de 1434-1435 : en fait, peu de chose). Chacun a ses propres constitutions (O. C. D., 1928 ; O. Carm., 1931). Au sommet de l’un et l’autre est placé un général assisté d’un conseil de quatre « définiteurs », tous élus pour six ans par le chapitre général réuni à cette occasion. Participent à ce chapitre : les supérieurs généraux sortants, les provinciaux et deux délégués de chaque province. Les provinciaux et leurs quatre conseillers sont élus pour trois ans par les chapitres provinciaux, composés du conseil provincial et des prieurs de chaque couvent, nommés par le chapitre provincial précédent, et d’un délégué élu par chaque couvent.

Spiritualité

Les deux ordres (O. C. D., O. Carm.) sont contemplatifs. Leur idéal peut être ainsi présenté : à l’exemple d’Élie le prophète et de Marie, fille d’Israël, dont le culte appartient essentiellement à la spiritualité du Carmel, croître dans l’union de charité avec Dieu et les hommes. Dans le cours de l’histoire, cet idéal s’est manifesté par des types d’hommes et de femmes totalement ouverts au divin et à l’humain et s’est exprimé quelquefois par une littérature qui, dans son ordre, fait honneur à l’humanité.

Cette visée contemplative n’est pas exclusive, chez les religieux prêtres, d’un apostolat en dehors des cloîtres et même, par mode de subsidiarité, de la prise en charge de paroisses ou de territoires de mission. Pourtant — surtout chez les déchaussés —, ce ministère doit être considéré avant tout comme une initiation des chrétiens à la vie spirituelle ou une coopération offerte à son approfondissement par la transmission d’une expérience.


Les fraternités carmélitaines et les congrégations rattachées à l’ordre

De nombreux chrétiens assumant des responsabilités dans le monde ont recherché auprès des religieux de l’ordre le soutien nécessaire à leur vie intérieure. Fréquemment, ils ont voulu donner à cette affinité un caractère plus structuré en entrant dans des groupements de formation spirituelle. Sous diverses dénominations se sont ainsi succédé des fraternités laïques carmélitaines. Souvent également, l’un ou l’autre membre de ces fraternités, nourri de la pensée des saints du Carmel et soucieux de la traduire dans un engagement de charité active, a fondé des congrégations religieuses, le plus souvent féminines, dont les membres sont invités à vivre le message du Christ en suivant l’intransigeante adhésion de ces grands témoins de Dieu. Ces congrégations de toutes importances et de dénominations variées se retrouvent partout où le catholicisme est implanté et dans les zones missionnaires.

P. L. M.

➙ Jean de la Croix (saint) / Thérèse d’Ávila (sainte).

 Histoire générale.
Francisco a Santa Maria, Reforma de los descalsos... (Madrid, 1644-1655 ; 2 vol.) ; Histoire générale des Carmes déchaussés et carmélites déchaussées (trad. de l’espagnol, Veuve Huré, 1655-1666 ; 2 vol.). / P. Mac Gaffrey, The White Friars (Dublin, 1926). / C. Kopp, Elias und das Christentum auf dem Karmel (Paderborn, 1929). / Silverius a Santa Theresia, Historia del Carmen Descalzo (Burgos, 1935-1943 ; 14 vol.). / E. Esteve, La Orden del Carmen (Madrid, 1950). / G. Gava, Carmelo (Rome, 1951). / C. Janssen, Karmelkluis en Karmelwereld (Bussum, 1955). / H. Peltier, Histoire du Carmel (Éd. du Seuil, 1958). / G. Mesters, Geschichte des Karmelordens (Mayence, 1959). / A. E. Steinmann, Carmel vivant (Éd. Saint-Paul, 1963). / Alberto de la Virgen del C., Historia de la Reforma teresiana (Madrid, 1968).
Histoire particulière.
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Spiritualité.
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