Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

canalisation (suite)

Limitation des effets des crues

Les conséquences des fortes crues vont du « très dommageable » au « catastrophique ». Ce sont l’envahissement par les eaux des propriétés et des habitations riveraines, les dégradations aux ouvrages (ponts et routes), les érosions, les dépôts de boues, l’arrêt de la navigation lorsque le niveau des plus hautes eaux navigables est atteint.

Il est donc essentiel de lutter contre les crues nocives :
1. par la prévision des crues, dont la mission incombe au service d’annonce des crues, géré par le service des Ponts et Chaussées ;
2. en assurant le plus large débouché possible aux ouvrages de franchissement du cours d’eau ;
3. par le reboisement, solution indispensable, mais à effet différé durant des décennies ;
4. éventuellement, en relevant les berges au moyen de digues, procédé coûteux et dangereux s’il y a rupture des digues ;
5. en régularisant le débit au moyen de réservoirs de crue, de réservoirs d’étiage et de barrages-réservoirs. Le réservoir de crue emmagasine une certaine quantité d’eau, lors de la crue, que l’on restitue au cours d’eau quand la crue est passée. Le réservoir d’étiage permet d’assurer un niveau des eaux du cours d’eau compatible avec la navigation. Il est maintenu aussi plein que possible, et on ne le laisse débiter que lorsque les eaux baissent trop. Le barrage-réservoir joue à lui seul le rôle de réservoir de crue et de réservoir d’étiage ; il modère les crues tout en assurant un étiage minimal ; en outre, la chute d’eau, quand il débite, actionne les turbines d’une installation hydro-électrique. Sa capacité est déterminée à partir de la courbe de débit du cours d’eau dans la partie située au-dessus du débit critique, ou débit qui, s’il est dépassé, provoque l’inondation à l’aval ; la superficie ainsi délimitée représente la superficie à donner au réservoir.


Débit solide des cours d’eau

Les cours d’eau transportent des matières solides en suspension (boues et sables fins) et, en cas de crues, ils charrient, par le fond du lit, des graviers, des pierres et des galets. Ce sont les produits de l’érosion par les eaux en mouvement, arrachés aux parois des berges et au fond du lit. L’érosion modifie la forme du lit, et les parties détachées s’usent en roulant vers l’aval ; elles finissent par se déposer quand le courant se ralentit, de telle sorte que les dépôts les plus fins se trouvent dans les zones situées le plus en aval. Aux embouchures des fleuves, les matières les plus fines demeurées en suspension sont « floculées » par les sels de l’eau de mer et sont à l’origine de la formation des deltas.


Procédés d’aménagement des rivières à courant libre en cours d’eau navigables

Tout cours d’eau naturel serpente en décrivant des méandres ; c’est une conséquence inéluctable du fait de l’hétérogénéité des terrains du lit. Une fois le phénomène amorcé, il va en s’accentuant, car le courant est plus rapide contre la rive concave et plus lent contre la rive convexe. Les rives concaves se creusent par érosion, et les rives convexes se nourrissent des dépôts ainsi arrachés. Le profil en travers en est affecté, et il est dissymétrique au sommet des courbes, car il est relevé vers la partie convexe. Le profil en travers du cours d’eau naturel se modifie également, et les irrégularités d’érosion créent une succession de biefs naturels correspondant aux courbes où la profondeur est grande, et qui constituent les mouilles, ou fosses ; ces dernières sont séparées par des hauts-fonds situés aux points d’inflexion entre deux courbes dont les convexités s’opposent. On les désigne sous le nom de maigres, ou seuils. Les dépôts ne sont pas stables, et la forme du lit se modifie à chaque crue ; il finit cependant par s’établir un certain équilibre lorsque les rives sont enfin solidement fixées.

La navigabilité d’une rivière nécessite un mouillage minimal, avec, s’il y a lieu, le balisage d’un chenal. Régulariser une rivière à courant libre, c’est, d’une part, fixer le lit par des défenses de berge, et, d’autre part, le calibrer par des digues et des épis. Pour cela, deux méthodes existent. La première consiste à concentrer les basses eaux dans un lit mineur unique en supprimant tous les bras secondaires et faux bras. Dans la seconde, on construit des digues dans les parties concaves et des épis dans les parties convexes. Digues et épis s’opposent au libre écoulement de l’eau, et leur objet est de canaliser le courant de manière à maintenir tout le long du parcours un chenal navigable régulier.

Les digues « attirent les profondeurs » et sont établies le long des parties concaves des rives, en bordure des mouilles. On les relie à la rive par des tenons ; elles sont indispensables si les rives sont très concaves et si la pente du lit est forte. Les épis, en nombre variable et assez régulièrement espacés, réduisent la vitesse de l’eau, et leurs intervalles ont tendance à se combler par les apports de dépôts reçus sur leur paroi amont ; ils ne sont pas inclinés exactement à 90° sur le courant, mais obliquent, en formant un angle d’environ 80° vers l’amont et de 100° vers l’aval. Ils sont placés sur la partie convexe des rives, en arêtes ; ils n’émergent pas, mais plongent dans le lit (épis plongeants). On dispose parfois des épis formant seuils de fond, ou épis « noyés ».


Canalisation proprement dite

On divise le cours d’eau en une suite de biefs, séparés par des barrages généralement « mobiles », c’est-à-dire susceptibles de s’effacer par rabattement ou rotation. De l’amont à l’aval, chaque barrage provoque un abaissement brusque du plan d’eau, d’où nécessité de disposer, latéralement au barrage et à sa hauteur, une écluse à sas ou, pour les fortes dénivellations, un élévateur ou ascenseur à bateaux, afin de permettre le passage d’un bief à l’autre.

La canalisation d’un cours d’eau naturel constitue un gros progrès par rapport à l’aménagement à courant libre, car le mouillage des biefs est nettement plus haut que celui du lit de la rivière canalisée à courant libre ; en outre, le mouillage est assuré en tout temps, et le courant demeure faible, sauf en période de grosse crue. L’inconvénient de la canalisation par biefs est celui de la lenteur de franchissement des écluses, de l’attente à y observer en cas de gros trafic, surtout si les biefs sont nombreux et relativement courts. Cependant, certaines circonstances sont très favorables à la canalisation du lit : ce sont les faibles pentes, qui allongent les biefs et raréfient les écluses. Aussi tend-on de nos jours à allonger les biefs sur les rivières déjà canalisées, en augmentant les dénivellations entre les biefs successifs.