Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Campin (Robert)

Peintre hainuyer (? av. 1380 - Tournai 1444).


Il est uniquement connu par les archives de Tournai : il y est mentionné comme maître peintre en 1406 et comme bourgeois en 1410 seulement, ce qui permet de conclure qu’il n’en était pas originaire. Il a dû diriger, comme « peintre ordinaire de la ville », un important atelier. Il a pris une part active à la vie politique locale : il entre à plusieurs reprises en conflit avec le magistrat de la ville et est impliqué en 1423 dans une insurrection contre les patriciens.

En 1427 sont inscrits dans son atelier deux élèves qui passeront maîtres. en 1432 : Jacques Daret (Tournai v. 1404 - † apr. 1468 ; auteur d’un retable pour l’abbaye de Saint-Vaast d’Arras, 1434, auj. partagé entre plusieurs musées) et un certain Rogelet de La Pasture, identifié avec certitude à Rogier Van der Weyden*. Il semble que la femme de Robert Campin était une parente de celle de Rogier.

On a proposé avec vraisemblance, mais sans que cette thèse ait fait une complète unanimité, d’identifier Campin avec le peintre inconnu d’un certain nombre d’œuvres dont le style semble être d’un précurseur de Van der Weyden et s’apparente d’autre part à celui de Daret. Ce peintre a d’abord été appelé le Maître de Mérode, d’après le triptyque de l’Annonciation, ancienne propriété des princes de Mérode, aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York (the Cloisters) ; le Maître de Mérode a lui-même été identifié au Maître de Flémalle, peintre ainsi nommé, de façon peu heureuse, pour la prétendue origine (une abbaye de Flémalle, près de Liège, qui semble n’avoir jamais existé) de deux panneaux de retable de l’institut Städel de Francfort, une Vierge à l’Enfant et une Sainte Véronique (ce dernier panneau portant une Trinité au revers). La thèse d’Émile Renders selon laquelle le Maître de Flémalle ne serait autre que Van der Weyden jeune a aujourd’hui peu d’adeptes.

Les œuvres conservées du Maître de Flémalle, alias Campin, se situent approximativement entre 1420 et 1440. Elles sont importantes non seulement parce qu’elles se trouvent à l’origine du langage pictural de Van der Weyden, mais également parce qu’elles inaugurent de façon monumentale, avant Jan Van Eyck*, le siècle des « primitifs flamands ». La tendance réaliste bourgeoise, parfois appelée Ars nova, qui fut une réaction contre l’art de cour trop décoratif des environs de 1400, trouve en Campin sa première manifestation de haute valeur. Sous cet angle, son art a, dans l’évolution de la peinture, une signification semblable à celui de Claus Sluter*, un peu plus tôt, dans la sculpture. Le monde qu’il crée résulte d’une scrupuleuse observation analytique de la nature et de la matière. Il est lourd de ce sens de la matière, froid et métallique par son coloris ; l’espace est empli d’objets qui semblent s’imposer à force égale. Ce manque de hiérarchisation et de souplesse dans l’expression picturale se corrigera progressivement dans la suite des œuvres, en même temps que se fera sentir une influence en retour de Rogier Van der Weyden sur son maître.

Les exemples les plus typiques du premier style de Robert Campin, vers 1420-1425, sont la Nativité du musée des Beaux-Arts de Dijon et la Vierge à l’écran d’osier de la National Gallery de Londres. Vient ensuite l’Annonciation de Mérode. La perspective ne se libère pas réellement de la surface du tableau, contrastant avec le réalisme, le sens du détail de la représentation ; jamais Campin, en effet, n’est parvenu à résoudre de façon satisfaisante ce problème d’intégration des objets dans l’espace, auquel le premier à trouver une solution sera Van Eyck.

C’est avant l’Agneau mystique de celui-ci (1432) que le maître tournaisien peignit, vers 1430, son œuvre capitale, un monumental triptyque de la Déposition de Croix, dont ne subsiste qu’un fragment du volet droit, le Larron crucifié de l’institut Städel de Francfort. La composition originale est connue par une copie de qualité inférieure conservée à la Walker Art Gallery de Liverpool. La même monumentalité se retrouve dans les trois autres compositions de Francfort : les représentations sculpturales de la Vierge et de Sainte Véronique ont une présence physique unique dans la peinture du xve s. Les dernières œuvres qu’on attribue à Campin sont plus souples, moins hiératiques, tels la petite Vierge en gloire d’Aix-en-Provence et le Retable de Werl du Prado à Madrid (seule peinture datée, 1438) : ici, le geste élégamment dosé, les personnages bien répartis, les objets disposés avec soin ainsi que l’espace plus aéré nous rapprochent de l’art de Van der Weyden.

D. D.

 F. Winkler, Der Meister von Flemalle und Rogier Van der Weyden (Strasbourg, 1913). / E. Renders, Van der Weyden, Flémalle, Campin (Beyaert, Bruges, 1931). / C. de Tolnay, le Maître de Flémalle et les frères Van Eyck (La Connaissance, Bruxelles, 1938).

Campra (André)

Compositeur français (Aix-en-Provence 1660 - Versailles 1744).


Une double ascendance — son père était d’origine piémontaise et sa mère de souche provençale —, des années de jeunesse studieuses et joyeuses dans la lumineuse ville des fontaines, sur la route d’Italie, ne furent pas étrangères à sa réussite exceptionnelle. D’abord enfant de chœur en 1674 à l’église Saint-Sauveur, il apprit son métier de musicien à l’école de la maîtrise de la cathédrale sous la direction de G. Poitevin. En 1681, il devenait maître de chapelle à Saint-Trophime d’Arles, puis, en 1683, à Saint-Étienne de Toulouse. Mais sa nature trépidante s’accommodait mal d’un tel poste. En 1694, il demanda un congé et vint à Paris, où il fut bientôt nommé maître de chapelle à Notre-Dame. Bien que le chapitre parisien fût satisfait de ses services, Campra, attiré depuis longtemps par la carrière théâtrale, songea rapidement à la quitter. En 1697, il faisait représenter à l’Académie royale de musique avec un éclatant succès son premier opéra-ballet, l’Europe galante, qu’il avait signé du nom de son frère cadet Joseph. En 1699, le Carnaval de Venise assurait sa consécration. Devenu célèbre, Campra envoyait sa démission en 1700 au chapitre de Notre-Dame. Délivré de sa servitude, mais privé d’appointements fixes, il ne brigua pas de charge à la Cour, où les fastes d’autrefois avaient disparu, et chercha l’appui de la noblesse hostile à la « Vieille Cour », qui organisait à Paris ses propres divertissements. Son plus puissant protecteur fut le duc de Chartres, fils du duc d’Orléans, frère du roi et futur Régent. En 1700, Campra faisait représenter sa première tragédie lyrique, Hésione, composée sur un livret d’Antoine Danchet, qui devint son collaborateur attitré. Ce premier essai dans le genre fixé par Lully fut si bien accueilli par les lullystes qu’il s’empressa d’écrire Tancrède (1702). Cet ouvrage, où Mlle de Maupin tenait le rôle de Clorinde (contralto), connut un véritable triomphe. En 1703, Campra faisait représenter un nouvel opéra-ballet, les Muses, et devenait « conducteur » à l’Opéra. Jusqu’en 1722, durant une période où sa vie est mal connue, il allait soutenir sa réputation au théâtre, tout en publiant ses motets et sa musique vocale profane. Par suite de la démission de M. R. Delalande (1722), il fut nommé sous-maître de musique de la chapelle royale, puis, en 1730, directeur de l’Opéra. En même temps, il continua de collaborer avec les pères jésuites du collège Louis-le-Grand (ballets, cantates, motets). Devenu l’homme à la mode, il connut alors la gloire, ne produisit plus que fort peu pour le théâtre et revint à la musique religieuse. Vieux et fatigué par la maladie, il assuma cependant toutes ses charges jusqu’à sa mort.