Bosch (Jheronimus ou Hiëronymus, en fr. Jérôme) (suite)
Interpréter l’œuvre de Bosch d’une façon scientifique ou simplement objective est assurément une entreprise difficile. Le prétendu Enfant prodigue, que d’aucuns appellent actuellement le Vagabond, était sans doute parfaitement intelligible à l’époque. La diversité des interprétations modernes montre à quel point le message de ce panneau — pourtant universellement reconnu comme un chef-d’œuvre — nous est devenu incompréhensible. D’autre part, nous avons tendance à prêter aux génies du passé des intentions et des connaissances qu’ils n’ont jamais pu avoir. Il est en effet surprenant de trouver dans les tableaux de Bosch des reptiles à têtes multiples, monstres que nos biologistes créent actuellement en laboratoire, mais peut-on imaginer que le peintre avait prévu la parabiose ? Est-il permis de dire qu’il connaissait d’une façon ou d’une autre les secrets du subconscient dévoilés par nos psychologues ?
Henri Focillon ne disait-il pas qu’avec Bosch tout le dessous du Moyen Âge s’est vidé ? Le bestiaire fantastique, l’imagerie populaire, la mystique, l’hagiographie et la littérature pieuse ou moralisante, les mystères, le théâtre, les travestis des processions, les Évangiles apocryphes, le charlatanisme, la « vauderie », les calembours et la langue verte, les us et coutumes du peuple brabançon, l’exotisme des récits de voyage, sans oublier l’abracadabra de l’astrologie, de la superstition, de la sorcellerie et de l’alchimie..., voilà les sources possibles de Bosch, qui fut avant tout — on l’oublie trop souvent — un artiste incomparable. Bosch est en effet un personnage trop complexe pour que les exégèses qui tendent à le ravaler au rang d’un esprit délirant, d’un drogué ou d’un inventeur de rébus puissent paraître tant soit peu admissibles. Que son œuvre reflète les courants et les conflits spirituels qui se manifestaient à son époque dans le nord de l’Europe occidentale, nul ne le conteste ; mais il convient d’insister aussi sur le profond enracinement de cet œuvre dans son terroir.
R. H. M.
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— Catalogues d’expositions : Jeroen Bosch. Noordnederlandsche Primitieven (Rotterdam, 1936). / Jheronimus Bosch (Bois-le-Duc, 1967).