Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bloch (Marc) (suite)

En 1940, il est frappé, comme israélite, de déchéance par les lois de Vichy ; dans l’impossibilité d’enseigner à Paris, il trouve refuge à l’université de Clermont-Ferrand, puis à Montpellier, jusqu’au jour où l’occupation de la zone sud par les Allemands l’oblige à se retirer à la campagne ; entré tout naturellement dans la Résistance, il est arrêté par la Gestapo et fusillé, avec une vingtaine de patriotes, sur un chemin entre Trévoux et Lyon.

On a de lui trois ouvrages posthumes : l’Étrange Défaite (1946), suite de réflexions sur la guerre 1939-1940, Esquisse d’une histoire monétaire de l’Europe (1950) et Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien (1952), véritable testament où Marc Bloch rappelle que l’histoire doit être modelée sur le réel, l’humain et que la tâche de l’historien est une quête passionnée de l’homme.

Exigeant de l’historien un esprit réaliste, Marc Bloch condamne l’histoire considérée comme une simple « science du passé » et enseigne que le présent et le passé s’éclairent mutuellement. Et puisque l’histoire se propose de saisir l’homme social dans toute sa complexité, elle doit recourir aux services d’autres sciences, notamment à la géographie, à la sociologie, à la linguistique. Quant à la méthode qu’il convient d’appliquer pour rendre compte des changements qui affectent les groupes sociaux à travers l’histoire, elle doit s’inspirer, selon Marc Bloch, de deux principes : le principe de régression dans le temps et le principe de comparaison dans l’espace.

Les « Annales »

Revue fondée en 1929 par Lucien Febvre et Marc Bloch sous le titre Annales d’histoire économique et sociale. Elle devint successivement : Annales d’histoire sociale (1939-1941), Mélanges d’histoire sociale (1942-1945), Annales, économies, sociétés, civilisations (depuis 1946). Fernand Braudel (né en 1902), professeur au Collège de France, directeur du Centre de recherches historiques et auteur d’une thèse sur la Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (1949), en assure la direction (elle est actuellement bimestrielle).

La revue Annales, sous la diversité de ses titres, n’a cessé de travailler à abattre les cloisons étanches qui, trop longtemps, ont retardé l’avènement d’une histoire largement humaine. Enquêtes et articles critiques s’y succèdent, qui s’ouvrent à toutes les disciplines et à toutes les techniques.

Lucien Febvre

(Nancy 1878 - Saint-Amour 1956).

Influencé par l’œuvre de Paul Mantoux, d’Henri Pirenne et de Vidal de La Blache, Lucien Febvre, dans sa thèse sur Philippe II et la Franche-Comté (1912), révèle les préoccupations qui seront les siennes dans sa longue carrière d’historien : écrire l’histoire non des faits, mais des hommes et des sociétés en utilisant, pour expliquer leur comportement, non seulement les facteurs politiques, économiques, sociaux, religieux ou culturels, mais encore les données des autres sciences. Professeur à l’université de Strasbourg, il publie en 1922, pour la collection dirigée par Henri Berr, la Terre et l’évolution humaine, où il ébauche avec bonheur le plan des superstructures que constituent les formes sociales et politiques. En 1929, avec Marc Bloch, il fonde les Annales d’histoire économique et sociale ; en même temps, il collabore à la Revue de synthèse et, en 1933, conçoit le projet d’une Encyclopédie française qui admettrait pour principe directeur l’unité des problèmes que l’homme se pose devant sa propre vie et la société humaine.

Titulaire de la chaire d’histoire de la civilisation moderne au Collège de France (1933), il s’intéresse particulièrement aux problèmes du xvie s. religieux. Déjà, en 1928, il avait donné Un destin, Martin Luther. Successivement, il publie trois chefs-d’œuvre : le Problème de l’incroyance au xvie siècle, la Religion de Rabelais (1942) ; Origène et des Périers ou l’Énigme du « Cymbalum mundi » (1943) ; Autour de l’Heptaméron (1944).

Lucien Febvre fut le maître à penser de plusieurs générations d’historiens et l’un des principaux fondateurs de la nouvelle école historique française ouverte à tous les problèmes de l’homme, pluridisciplinaire par excellence.

En contribuant à la création de la VIe section de l’École pratique des hautes études (1947), il a offert aux chercheurs de nouveaux moyens de prospection. Les articles de Lucien Febvre, qu’on a rassemblés sous le titre Combats pour l’histoire (1953), témoignent de la même passion servie par un esprit délié.

P. P.

➙ Histoire.

Blocus continental

Ensemble des mesures prises par Napoléon Ier pour priver l’Angleterre de relations avec le continent.



Introduction

Suivant la tradition, la politique dite « du Blocus continental » a été inaugurée et définie par le décret de Berlin du 21 novembre 1806, véritable déclaration de guerre économique à la Grande-Bretagne, dont les produits comme les hommes étaient désormais repoussés du rivage français et même du rivage européen. En fait, il s’agissait pour Napoléon, en ce jour et en ce lieu historiques, d’étendre à l’Europe une politique française qui se cherchait et se construisait depuis dix ans.

Déjà, en effet, la Révolution française avait déclaré la guerre à l’industrie et au commerce britanniques, dont la prépondérance, voire l’hégémonie sur le marché de toute l’Europe, avait alerté les Français durant la courte expérience « échangiste » du traité Eden-Rayneval (1786) : revenant au protectionnisme traditionnel, elle l’avait accentué jusqu’à prohiber « dans toute l’étendue de la République française l’importation et la vente des marchandises manufacturées provenant soit des fabriques, soit du commerce anglais » (loi du 10 brumaire an V [31 oct. 1796]), puis jusqu’à exclure les achats de matières premières et de denrées coloniales d’origine britannique. Bonaparte avait maintenu la plupart de ces mesures de défense.