Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Berthelot (Marcelin) (suite)

Également doué pour les lettres (il remporte en 1846 le prix de philosophie au concours général) et pour les sciences, Berthelot incline vers ces dernières, qu’il juge plus aptes à l’amélioration de la condition humaine. Trop indépendant pour préparer une grande école, il poursuit pendant quelques années des études médicales. Puis, sur le conseil de Victor Regnault (1810-1878), il va fréquenter le laboratoire de chimie de Théophile Jules Pelouze (1807-1867), où il s’initie à la recherche expérimentale. En 1851, il entre comme préparateur au laboratoire de chimie minérale d’Antoine Jérôme Balard (1802-1876), au Collège de France.

Il a déjà, l’année précédente, présenté un premier mémoire sur la dilatation des gaz. En 1854, il est reçu docteur es sciences avec une thèse sur les Combinaisons de la glycérine avec les acides, et reproduction des corps gras naturels.

En 1861, il épouse Sophie Caroline Niaudet (née en 1837), qui appartient à une vieille famille protestante, émigrée à la suite de l’édit de Nantes et revenue en France sous Louis XVI. Le père de la jeune fille est l’associé et le parent de Breguet, célèbre constructeur d’appareils de précision et de télégraphes électriques. Pendant quarante-cinq ans, les deux époux vont vivre dans l’union la plus étroite du cœur et de la pensée. Il leur naîtra quatre fils et deux filles.


Sa carrière

Les découvertes qu’il a faites à cette époque, bien que suscitant certaines controverses, attirent sur Berthelot l’attention du monde savant. En 1859, il enseigne la chimie organique à l’École supérieure de pharmacie. Puis les principaux professeurs du Collège de France prennent l’initiative de demander pour lui à Victor Duruy la création d’une chaire de chimie organique. Il obtient cette chaire en 1865, et ne la quittera plus jusqu’à sa mort. Il entre à l’Académie de médecine en 1863, n’est élu à l’Académie des sciences qu’en 1873, après deux échecs, et devient en 1889 secrétaire perpétuel de cette académie. Enfin, en 1901, l’Académie française l’admet parmi ses membres. En 1876, il a été appelé au poste d’inspecteur général de l’enseignement supérieur.

En 1870, il a accepté la présidence du comité scientifique constitué pour la défense de Paris et, l’année suivante, le peuple de la capitale lui témoigne sa reconnaissance en lui accordant 30 000 voix aux élections générales, bien qu’il ne soit pas candidat. Élu en 1881 sénateur inamovible, il prend place au groupe de l’Union républicaine. En 1886, il entre dans le ministère René Goblet, où il est chargé de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Plus tard, en 1895, il est ministre des Affaires étrangères dans le cabinet Léon Bourgeois.

Doué d’une mémoire infaillible, d’une extrême promptitude de jugement, il faisait aussi preuve d’une grande puissance de travail. De 1850 jusqu’en 1907, année de sa mort, il publia sans interruption plus de douze cents mémoires.


La synthèse organique

Il s’intéressa d’abord à la chimie organique. Il y fit éclater une véritable révolution en s’attachant à réaliser la reproduction artificielle des espèces chimiques existant dans les êtres vivants. Jusqu’à lui, on croyait la chose impossible ; la physionomie particulière des composés organiques, leur fragilité faisaient penser que leur formation n’était réalisable qu’au sein des organismes vivants, grâce à une mystérieuse « force vitale ». Mais Berthelot réussit à effectuer un nombre considérable de synthèses en partant des éléments qui figurent dans les produits organiques (carbone, hydrogène, oxygène, azote). Ce sont notamment celles de l’alcool éthylique (1855), de l’acide formique (1856), de l’alcool méthylique (1857), du méthane (1858), de l’acétylène et de l’éthylène (1863), du benzène (1866), de l’acide oxalique (1867). Ces résultats, dont les premiers sont consignés dans son ouvrage de 1860 Chimie organique fondée sur la synthèse, ont définitivement renversé la barrière établie depuis toujours entre la chimie organique et la chimie minérale.

Dans le même temps, à partir de 1861, il entreprit avec son élève L. Péan de Saint-Gilles (1832-1863) une étude méthodique de l’estérification, démontrant que la réaction était limitée par la transformation inverse, découvrant ainsi les équilibres chimiques et mettant en lumière la notion de vitesse dans les transformations chimiques. À ce propos, il étudia particulièrement la glycérine et mit en évidence sa triple fonction alcool.


La thermochimie

Lorsqu’il réalisa la synthèse de l’acide formique, il s’aperçut que la chaleur de combustion du composé était supérieure à celle de l’oxyde de carbone dont il était issu. Il en déduisit que cette synthèse absorbait de la chaleur, et qu’inversement on pouvait obtenir un dégagement calorifique par la simple décomposition de l’acide formique. Aussi se lança-t-il dans l’étude des quantités de chaleur mises en jeu dans les réactions, et créa-t-il, presque de toutes pièces, la thermochimie. Pour cette étude, il imagina le calorimètre de précision employant la méthode dite « des mélanges ». Il vérifia la loi de l’état initial et de l’état final, et énonça la règle du travail maximal, qui permet souvent de prévoir l’évolution des systèmes chimiques grâce à la connaissance des chaleurs de formation.


Autres recherches

Berthelot a utilisé les principes de la thermochimie dans ses recherches sur les poudres et les matières explosives, suscitées par la guerre de 1870. Il inventa, avec l’ingénieur Paul Vieille (1854-1934), la bombe calorimétrique. Tous deux découvrirent le phénomène de détonation et l’onde explosive, et Vieille trouva dans ces expériences les données qui le conduisirent à la découverte de la poudre sans fumée.

L’étude de la production de la chaleur chez les êtres vivants constitue un chapitre de thermochimie d’une importance considérable. Poursuivant l’œuvre de Lavoisier* et de Pierre Louis Dulong (1785-1838), Berthelot montra que l’origine de cette chaleur réside dans les multiples transformations des substances alimentaires.

Depuis un petit nombre d’années, l’emploi des engrais chimiques azotés avait provoqué une augmentation notable du rendement des récoltes. Prenant alors le sol comme objet de ses études, Berthelot mit en évidence ce fait totalement inattendu en 1888 : la terre s’enrichit en azote aux dépens de l’atmosphère, grâce à l’intervention de micro-organismes contenus dans le sol.

En 1885, à la suite de nombreuses recherches de bibliothèque, il publie Des origines de l’alchimie, ouvrage où il parvint à démêler certains chapitres de l’histoire de la chimie dans l’Antiquité et au Moyen Âge.