Bamilékés (suite)
Pourtant, depuis 1962, les villageois bamilékés ont partout, de leur propre initiative, reconstruit les chefferies. Les chefs ont été partout rétablis. Dans l’esprit des cultivateurs bamilékés, le chef demeure le symbole vivant du groupement. Il est surtout le président des sociétés coutumières, dont dépend, pour chacun des habitants du groupement, la possibilité de gravir les échelons de l’échelle de considération et d’affirmer sa réussite. Seul il peut valablement attribuer des titres et créer des notables. En l’absence d’un chef, tout le mécanisme de la mobilité sociale se trouverait bloqué.
L’avenir des institutions
Ce qui, dans les influences véhiculées par la vie moderne, a les conséquences les plus dissolvantes sur les sociétés tribales africaines, ce n’est probablement pas ce qui s’attaque le plus directement aux croyances, lesquelles subsistent en fait en tant que système de pensée et de représentation de l’univers. C’est l’introduction d’un système économique exclusivement fondé sur la recherche d’un profit personnel, dans la mesure où ce système est en opposition radicale avec la structure du lignage et avec le mode de production et de distribution de la richesse dans la société considérée. Le lignage indifférencié, comportant un principe d’égalité et d’opposition à la mobilité sociale, ne peut résister à l’introduction du commerce et du salariat. Le système bamiléké ne présente pas la même vulnérabilité : dès avant le choc des idées modernes, il avait précisément élaboré la notion d’une promotion personnelle, et la mobilité sociale était sa raison d’être. Sous les influences nouvelles, l’idée que l’on se faisait de la réussite sociale a changé ; la richesse est désormais matérialisée par des objets manufacturés et non plus, comme jadis, par des troupeaux de chèvres ; mais les structures ne sont pas pour autant détruites ; elles peuvent, en tout cas, et c’est là le point essentiel, accueillir ces changements sans se trouver placées en face d’une contradiction interne.
Le dynamisme des Bamilékés, leur capacité d’adaptation au monde moderne et la vitalité de leurs institutions semblent donc liés à leur conception originale, unique en Afrique noire, du lignage et de la parenté.
Les Bamoums ou Bamouns
Cette ethnie africaine apparentée aux Bamilékés est située au centre du Cameroun, entre la région du Mungo (pays bamiléké) et le plateau Tikar, entre la rivière Noun et la rivière Mbam, autour de la ville de Foumban.
Le pays bamoum, qui constitue un département dans le Cameroun actuel, repose sur un système politique et social semblable à celui des Bamilékés, mais beaucoup plus centralisé (roi héréditaire avec représentants dans les villages qui lui sont soumis). Au moment de la conquête par les Allemands en 1902, il avait pour roi Njoya. Celui-ci inventa une écriture, fait pratiquement unique dans les civilisations noires traditionnelles, qui est un mélange de deux systèmes, idéographique et syllabaire. Il réussit à le diffuser en instituant des écoles, où cette écriture fut enseignée, et s’en servit notamment pour la conservation des actes juridiques et la rédaction d’un système religieux syncrétique (islām et protestantisme). Njoya fut déposé par l’administration française en 1923 et exilé à Yaoundé, où il mourut en 1933. Cette dernière augmenta le nombre de chefferies et admit comme successeur le sultan Seydou.
M. F.
J. H.
➙ Afrique noire / Cameroun.
C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké de l’ouest du Cameroun (Berger-Levrault, 1960). / J. Hurault, la Structure sociale des Bamiléké (Mouton, 1962). / E. Mveng, Histoire du Cameroun (Présence africaine, 1963).