Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

ballet (suite)

Malgré son évolution, le décor de ballet a toujours eu pour but principal de créer l’espace scénique du danseur. Adapté au genre de l’œuvre, le décor laisse pourtant toute liberté à l’artiste, qui peut opter pour une vision particulière, utilisant à sa guise toutes les couleurs ou une ou deux d’entre elles, jouant avec les lignes et les volumes, recherchant des plans, multipliant l’espace dans lequel les interprètes évoluent aisément. Toutefois, dans le cas d’un ballet à argument, le décor doit situer le lieu de l’action, secondé d’ailleurs par les éclairages, qui en indiquent le moment, et par les costumes, qui identifient les personnages.


Les lumières et les éclairages

Le décor unique appelle un jeu savant de lumières. La clarté converge vers un seul point, la scène, où se joue l’action. Mais, avant l’avènement de la lumière électrique, les lampes à huile et les flambeaux déterminent de nombreux désagréments (incendies, mauvaises odeurs, coulées de la cire fondue sur les spectateurs). La lumière concourt à faire naître l’illusion. Qu’elle vienne de l’avant ou du fond de scène, elle ne doit pas être trop violente, pour ne pas modifier la couleur des décors, ni trop atténuée, car alors les détails peints disparaîtront. Paolo Taglioni (1808-1884), frère de Maria, utilisa le premier la lumière électrique pour son ballet Electra (1849). Les contemporains, de Balanchine à Béjart, de Petit à Lazzini, usent des éclairages de façon inégale, mais toujours dans le dessein de créer une atmosphère particulière, une architecture de formes fluides baignant, isolant, grandissant les personnages. Les jeux des lumières de couleur constituent de véritables ensembles décoratifs.


Les costumes

Longtemps, le ballet n’a de costume que l’habit de cour confectionné de riches tissus, orné de pierreries. Seuls des attributs différencieront les personnages, le masque en particulier. En vingt-sept planches de dessins laissées par Jacques Patin, on retrouve les costumes du Ballet comique de la Reine. Daniel Rabel (1578-1637) révèle son génie de l’insolite. Henri de Gissey (1612-1673) et surtout Jean Berain, tous deux dessinateurs de la Chambre du roi, font des projets de costumes d’un goût très sobre, finement nuancés. Claude Gillot (1673-1722), qui dirige l’atelier des costumes de l’Opéra de Paris, introduit les « paniers » dans le costume féminin. La technique, de plus en plus élaborée, va entraîner une modification profonde dans le costume. Élément mobile du décor, le costume doit effectivement servir le danseur dans ses évolutions et ses attitudes. Dès 1729, Marie Sallé raccourcit sa robe et abandonne le masque. La Camargo, qui sautait admirablement, opte à son tour pour la robe plus courte et les chaussures sans talon. La perruque est délaissée. Noverre, grand réformateur, ne pourra que rendre définitives ces innovations, mais n’ira pas plus loin dans le « modernisme ». Le tutu, long à l’époque romantique, mi-long ensuite, puis court (dit « à l’italienne »), est rapidement associé au chausson souple, puis renforcé, devenu chausson de pointes. Le costume typique du danseur est le tonnelet, adaptation du costume romain.

En 1791, Didelot danse pour la première fois en tunique. Bientôt, le danseur de caractère fera usage du maillot collant et de la jaquette courte. Le danseur classique porte la chemise à larges manches serrées au poignet et à col ouvert.

Au xixe s., tout le corps de ballet porte le tutu ; seul le jeu des accessoires détermine les rôles. En Russie, à la fin du xixe s., les premiers danseurs et les premières danseuses revêtent le costume classique (tutu, chaussons de pointes ; collant, chemise et chaussons souples), tandis que le corps de ballet endosse le costume historique de l’action.

Au début du xxe s., les innovations des décorateurs des Ballets russes offrent un éventail de costumes et de couleurs exploités avec plus ou moins de bonheur par leurs épigones. Le ballet abstrait est sans « costumes », comme il est sans argument (tutu et collant ou maillot académique) ; le ballet avec argument utilise les costumes adaptés à l’action et à l’époque. Le ballet contemporain fait souvent appel au maillot académique, avec pieds et bras nus ; à des vêtements intemporels, que dessine superbement, par exemple, Germinal Casado, danseur de Maurice Béjart. Certains couturiers (Yves Saint-Laurent) ne dédaignent pas à l’occasion de telles activités.

Ballets russes

Compagnie de ballet fondée par Serge de Diaghilev en 1909.



Introduction

Les Ballets russes sont en fait issus de deux mouvements convergents de rénovation ; l’un pictural, l’autre chorégraphique. C’est la puissante personnalité de Diaghilev, qui n’est ni danseur, ni peintre, ni musicien, mais dont la spécialité est « le vouloir », comme le disait Alexandre Benois, qui réalise cette entreprise étonnante. Réagir contre la routine et les usages du siècle précédent sera le but principal de l’équipe de peintres d’avant-garde qui sont les principaux collaborateurs de la revue Mir iskousstva (le Monde de l’art), fondée en 1898 par Diaghilev : Alexandre Benois, Léon Bakst et Walter Nouvel. Diaghilev, qui fréquente les milieux des Théâtres impériaux, est rapidement en contact avec les danseurs et principalement avec le jeune Michel Fokine, dont les idées en matière de réforme artistique sont en accord avec celles du Monde de l’art. Décidant de faire connaître le ballet russe à l’Occident, Diaghilev présente sa compagnie à Paris, au théâtre du Châtelet, en mai 1909. Le public parisien, habitué depuis de longues années aux spectacles édulcorés de l’Opéra, reçoit un choc devant la magnificence des couleurs, la richesse des décors, la nouveauté de la musique, l’âme avec laquelle tous les artistes chorégraphiques interprètent leur rôle.

Pendant vingt ans, les Ballets russes vivent l’exaltation des grandes créations. Diaghilev, assoiffé de nouveautés, ne daigne que rarement reprendre les œuvres anciennes. Si l’on peut considérer trois périodes, en partie déterminées par la présence des chorégraphes que s’adjoint Diaghilev, dans la vie des Ballets russes (1909-1914, avec Fokine* puis Nijinski ; 1914-1921, avec Massine* ; 1921-1929, avec Nijinska [1921-1924], Balanchine* [1925-1929], mais doublé par Massine, Nijinska, puis Lifar*), on peut également reconnaître trois genres d’œuvres que la compagnie crée, et dont beaucoup sont inscrites au répertoire de troupes internationales : d’abord celles que Georges Arout appelle « les monuments du ballet moderne » (les « danses polovtsiennes » du Prince Igor, Schéhérazade, Petrouchka, l’Oiseau de feu, le Spectre de la rose, les Sylphides, le Sacre du printemps, l’Après-midi d’un faune, la Boutique fantasque) ; ensuite les réussites du demi-siècle (Daphnis et Chloé, le Coq d’or, les Femmes de bonne humeur, les Noces, les Biches, Apollon Musagète) ; enfin les ballets annonciateurs de l’avant-garde contemporaine (Parade, le Pas d’acier, la Chatte, le Fils prodigue).