Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

ballet (suite)

L’opéra italien ne réussit toujours pas. C’est ainsi que la musique du Ballet de la nuit (1653) est commandée à J. de Cambefort ; les vers sont de Benserade, les décors et les machines de Torelli. L’année suivante, les Noces de Pelée et de Thétis remportent un énorme succès. Malgré la musique italienne de Caproli, ce n’est pas l’opéra qui s’impose, mais le ballet.


L’apport de Lully

Dès lors le chant, qui depuis 1610 (Alcine) s’est substitué à la déclamation, est interprété par des artistes français ; autour du roi gravitent les meilleurs danseurs de l’époque. L’un d’eux, le Florentin Jean-Baptiste Lully, a participé à l’élaboration du Ballet de la nuit et y a fait paraître Louis XIV en « roi Soleil ». Dès 1653, il reçoit la charge de compositeur de la musique instrumentale de la Chambre. En collaboration avec J.-B. Boësset, Benserade et Beauchamp, il crée le Ballet de Psyché (1656).

Louis XIV épouse Marie-Thérèse d’Autriche en 1660. À son retour de Saint-Jean-de-Luz, la cour devient le centre du royaume, un modèle pour l’Europe. Le ballet va assumer un rôle important ; 1661 voit le triomphe de Lully, avec le Ballet de l’impatience, sa nomination à la charge de surintendant de la musique de la Chambre, la mort de Mazarin, qui prive l’opéra italien de son plus grand soutien, et la rencontre de Lully avec Molière, au château de Vaux, où ce dernier présente les Fâcheux. On ne dispose que d’un nombre restreint de bons danseurs ; pour ne pas rompre l’enchaînement de la pièce et pour permettre les différents changements de costumes, leurs intermèdes s’insèrent entre les actes. Ainsi, d’une manière fortuite, est née la comédie-ballet. Lully, Molière et Beauchamp, secondés par le décorateur Carlo Vigarani (1622-1713), exploitent le genre dans le Mariage forcé (1664), la Pastorale comique (1667), Monsieur de Pourceaugnac (1669), le Bourgeois gentilhomme (1670). Psyché (1671), tragi-comédie-ballet, œuvre de Molière, Pierre Corneille et Philippe Quinault, marque un tournant dans la production de Lully. L’opéra Pomone de Perrin et Cambert, créé la même année à l’Académie de musique, fait entrevoir à Lully les possibilités tant lyriques que chorégraphiques de la tragédie-ballet. La comédie-ballet s’est éteinte avec Molière (1673). Après la première représentation du divertissement royal des Amants magnifiques (1670), le roi ne paraît plus dans les spectacles. Cet abandon porte un coup décisif au ballet de cour. Avec Cadmus et Hermione (1673), livret de Quinault, chorégraphie de Beauchamp, Lully impose la première tragédie lyrique (appelée aussi tragédie-ballet en raison de l’importance donnée à la danse). La création du Triomphe de l’amour (1681) à l’Académie royale de musique est un événement important dans l’histoire du ballet : pour la première fois, une danseuse (Mlle de La Fontaine) apparaît en scène ; jusqu’alors, les rôles féminins étaient tenus par des travestis. C’est le début du professionnalisme. À la mort de Lully (1687), Beauchamp se retire. Pécourt lui succède.


Les successeurs de Lully

Pendant plus de trente ans, Lully a régné sur la musique et le ballet français. S’il eut des élèves comme Pascal Collasse, Marin Marais et Henri Desmarets, il ne fit pas école. L’Europe galante (1697) d’André Campra, après le premier essai des Saisons (1695) de Collasse, marque la naissance de l’opéra-ballet, occasion de nombreuses entrées de danse. En fait, le compositeur invente les danses pour les « vedettes » de l’époque : Françoise Prévost, Marie Sallé, Marie-Thérèse Perdou de Subligny, la Camargo ; Pécourt, les Dumoulin, Ballon, Blondy, Dupré. Chacun a une spécialité (musette, tambourin, rigaudon). L’unité de l’action n’est plus respectée ; le ballet n’est qu’une suite de « numéros » de danse pure. Contrairement à Lully, Campra eut des rivaux (Destouches, Mouret, Mondonville) ; mais c’est Jean-Philippe Rameau (1683-1764) qui deviendra le maître en ce genre : les Indes galantes (1735), les Fêtes d’Hébé (1739), Dardanus (1739), Pygmalion (1748) remportent tous un véritable succès.


Le ballet d’action

Dès 1682, Menestrier faisait allusion à une réforme possible, que Cahusac préconisera également en 1754. Louis XV dansait peu en public. Le ballet de cour disparut. Les danseurs s’enlisèrent vite dans la routine. Grâce à Gluck et à son librettiste Calzabigi, le théâtre lyrique connaît alors une mutation profonde ; plus marquante encore est la réforme du ballet entreprise par Jean Georges Noverre* (1727-1810). Rousseau et Diderot s’intéressent aux problèmes artistiques du ballet. À Vienne, l’Autrichien Franz Hilferding (1710-1768) et son disciple Gasparo Angiolini (1731-1803) cherchent à représenter une action. Hilferding fait danser des tragédies de Racine ; Angiolini applique la règle des trois unités. Il signe en collaboration avec Gluck son premier ballet-pantomime, Don Juan, puis Orphée, Sémiramis, l’Orphelin de Chine (d’après Voltaire).

À Paris, deux hauts lieux se partagent les spectacles de danse : l’Académie* royale de musique et les théâtres de la foire Saint-Laurent. Dans le premier (l’Opéra), la virtuosité règne. Hormis les tentatives de Marie Sallé (costume de ville et abandon du masque dans les Caractères de la danse en 1729), rien ne viendra rompre la monotonie de ces joutes saltatoires, et bientôt toutes les danses (courantes, forlanes, gavottes, tambourins, etc.) passent dans les suites instrumentales. Seul le menuet atteint un suprême degré de raffinement et jouit d’une faveur égale sur scène et dans les salons. Les spectacles de la foire Saint-Laurent sont tout autres. Danseurs, compositeurs et décorateurs y font leurs débuts, attirant de nombreux spectateurs. C’est ainsi que Noverre crée ses premières œuvres. Ami de Garrick, de Gluck et de Diderot, Noverre, à qui Angiolini contestait la paternité du ballet d’action, dédie ses Lettres sur la danse et sur les ballets (1760) au duc Charles Eugène de Wurtemberg, qui l’engage à Stuttgart. La Cour est fastueuse ; les spectacles grandioses ; les maîtres de ballet surtout français. Le climat artistique est d’une étonnante qualité : musiciens et danseurs sont les meilleurs d’Europe, et Noverre travaille en étroite collaboration avec eux. Chaque année voit le retour de Gaétan Vestris*, qui, enthousiasmé, remonte à Paris en 1770 Médée et Jason, qu’avait créé Noverre à Stuttgart en 1763. Jean Dauberval (1742-1806) et Charles Le Picq (ou Lepicq) [1749-1806] sont parmi les principaux disciples de Noverre. Le Picq, après avoir dansé à l’Opéra de Paris et au King’s Theatre de Londres, implante le ballet d’action à Saint-Pétersbourg, où il travaille douze ans.