Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aden

Principal port de la République démocratique et populaire du Yémen ; 250 000 hab.


L’existence d’Aden est liée à un site portuaire exceptionnel, de loin le meilleur de la côte d’Arabie méridionale. Il s’agit de deux volcans éteints, originellement insulaires, aujourd’hui reliés au littoral par des péninsules alluviales (tombolos), Aden, à l’est, qui culmine à 549 m au djebel Chamsan, et la Petite Aden (« Little Aden »), à l’ouest, qui s’élève à 346 m au djebel Muzalqam. Les deux péninsules enserrent entre leurs bras une vaste baie, dont les replis constituent d’excellents ports naturels, surtout au nord du volcan oriental, qui possède également d’autres ancrages sur ses rives extérieures.


L’histoire

La position géographique d’Aden lui confère une importance politique, économique et stratégique considérable. Depuis l’Antiquité le port constitue un lieu de transit pour le commerce entre le monde méditerranéen et l’Extrême-Orient.

Les Grecs et les Romains connaissaient Aden sous le nom d’Adana ou Athana : le port est alors le point d’appui de la navigation vers le pays de l’encens et vers l’Inde. Mahomet s’y intéresse de près et y installe un gouverneur musulman, Abū Mūsa al-Ach‘arī. La ville est ensuite intégrée à la province du Yémen. Après le morcellement de l’empire, elle est disputée entre plusieurs dynasties. De 976 à 1019 elle est sous le contrôle des Banū Ziyād. En 1019 elle-passe sous l’autorité des Banū Ma‘n. Plus tard les Ṣulayḥīdes du Yémen donnent le gouvernement d’Aden aux Banū Karām, dont une fraction, les Zuray‘ides, se déclare indépendante vers 1125. Ceux-ci dominent Aden jusqu’en 1173, date à laquelle Turān-chāh, frère de Saladin, s’empare du Yémen. Vers 1230, les Ayyūbides perdent le contrôle d’Aden au profit des Rasūlides, qui le cèdent aux Ṭāhirides (v. 1450-1517).

Au début du xvie s., les Portugais, de même que les mamelouks d’Égypte, tentent vainement de s’emparer de la ville. Les Ottomans l’occupent en 1538. Chassés par les Zaydites de Ṣan‘ā, ils la conquièrent de nouveau pour l’abandonner définitivement vers 1630 aux souverains du Yémen. Les Zaydites la contrôlent jusqu’au début du xviiie s. Aden passe alors sous la domination des sultans de Laḥidj, sous lesquels elle perd son importance comme port. Il est vrai que, depuis la découverte de la route des Indes, son rôle de transit échappe à Aden qui voit son commerce péricliter.

Au début du xixe s., les Anglais s’intéressent à ce port situé sur la route des Indes. En 1838, ils amènent le sultan de Laḥidj Muhsin ibn Faḍl à leur céder Aden. En 1839 ils prennent possession de la ville après une intervention armée. Leur position n’est consolidée qu’en 1867, à la suite de la soumission, au moyen de diverses expéditions, des tribus arabes qui, habitant autour d’Aden, tentent fréquemment de s’en emparer.

Après l’ouverture du canal de Suez en 1869, Aden retrouve son rôle de transit et se développe considérablement. Elle constitue alors, pour les Anglais, une colonie d’un intérêt stratégique et économique de premier ordre. Le protectorat britannique s’étend à un ensemble de sultanats et de principautés couvrant 290 000 km2, en grande partie désertiques. À partir de 1947, l’autonomie d’Aden s’élargit ; en 1962 une Constitution établit un régime de self-government ; en 1963, l’État d’Aden devient membre de la fédération d’Arabie du Sud. Après une période de troubles qui avait commencé en 1963, l’indépendance est proclamée (sept. 1967) ; la fédération devient la République démocratique et populaire du Yémen* du Sud.

A. M.


La ville actuelle

Les fonctions d’Aden sont multiples. La ville s’est développée essentiellement comme un point d’appui stratégique des flottes britanniques et un port d’escale sur la route des Indes, port charbonnier à l’origine, puis port pétrolier, ce dernier rôle ayant été renforcé par l’établissement en 1954 d’une raffinerie de pétrole, construite par l’Anglo-Iranian Oil Company dans la Petite Aden. La raffinerie élabore surtout des produits provenant de Koweït. Cette fonction d’escale, maximale entre les deux guerres mondiales (10 à 12 millions de tonneaux de trafic annuel entre 1930 et 1939), est en décadence et a presque disparu depuis la fermeture du canal de Suez. Mais il s’y ajoute une fonction de redistribution des produits importés, facilitée par l’établissement d’un port franc, assurée sur les côtes de l’Arabie méridionale et même de l’Afrique orientale par un actif commerce de barques indigènes (dhows), et une fonction régionale d’importation et d’exportation pour la République démocratique et populaire du Yémen et même pour une partie de la république du Yémen.

L’agglomération est extrêmement morcelée, en raison du relief volcanique escarpé qui laisse peu de place aux espaces plans pour l’extension des constructions. La « vieille ville » (qui remonte en fait au xixe s. seulement mais est le premier quartier constitué après l’annexion britannique), ou « Crater », est située à l’est sur l’Océan, près des deux mouillages de Holkat Bay et de Front Bay (séparés par le petit îlot de Ṣīra), dont le premier fut le port primitif. Le port moderne se trouve à l’ouest, où les quartiers de Steamer Point et de Tawahi groupent les quartiers d’affaires modernes et les résidences aisées. Entre les deux, Ma‘ala, sur la côte nord, est un quartier populaire arabe et somali, et en même temps le port des barques indigènes. Sur le continent, le quartier de Chaykh ‘Uthmān, qui se développe sans cesse, a reçu le surplus de la population à l’étroit dans l’île et qui s’est peu à peu groupé autour des constructions militaires et de l’aéroport.

La période coloniale britannique a entraîné la formation d’une population très composite, mosaïque ethnique, où les éléments indien (commerçants parsis notamment) et somali sont nombreux à côté des Arabes du pays. La population de la conurbation, qui était de 50 000 habitants en 1931, était évaluée à 250 000 habitants environ en 1970.

X. P.

➙ Arabie / Empire britannique / Yémen (République démocratique et populaire du).

 Notes et Études documentaires, Arabie méridionale. La colonie et les protectorats britanniques d’Aden (la Documentation française, 1956).