Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zuiderzee (le) (suite)

Depuis le Wieringermeer, la connaissance du milieu et les moyens mis en œuvre ont beaucoup progressé, mais les techniques utilisées restent fondamentalement les mêmes. La première étape consiste à entourer l’espace à conquérir sur les eaux d’une digue constituée de sable, d’argile, de fascines et de blocs de rocher (que les Pays-Bas doivent importer de l’étranger) ; puis un système de pompes électriques assèche le polder, ce qui prend près d’une année, car la hauteur d’eau peut dépasser 5 m. On obtient alors une vasière qu’il faut drainer (canaux, drains souterrains en poterie, plantation de roseaux), niveler et transformer en terres de culture. Tout ce processus, y compris les premières années d’expérimentation agricole, est à la charge de l’État : le lotissement des terres n’intervient que lorsqu’elles sont en état d’être exploitées.


Les polders, espace agricole

Un des buts essentiels de l’opération était à l’origine le gain de terres cultivables dans un pays où la petite taille des exploitations, les fortes densités de population, l’énorme consommation d’espace par les villes, l’industrie et les voies de communication posaient le problème de la survie de l’agriculture et du monde rural. Cette colonisation devait concilier deux objectifs contradictoires : créer une agriculture moderne et rentable, mais aussi satisfaire à des besoins sociaux en fournissant des terres ou du travail au plus grand nombre possible de paysans et de salariés agricoles issus du vieux pays. Il n’était donc question ni de diviser les polders en quelques très vastes exploitations de type nord-américain, ni de les découper en une multitude de petites unités insuffisantes pour assurer la subsistance d’une famille. Il a fallu rechercher une taille minimale, variable selon les systèmes de culture proposés par les agronomes (polyculture à base céréalière, association culture-élevage, élevage, horticulture) ; mais la rapidité de la modernisation de l’agriculture a entraîné une augmentation des dimensions des exploitations au fur et à mesure que de nouveaux polders étaient mis en valeur : ainsi, la superficie moyenne de 25 ha des exploitations non horticoles du polder du Nord-Est (contre 40 ha dans le Flevoland-Oriental) paraît faible aujourd’hui pour faire vivre une famille et pour assurer un emploi à plusieurs ouvriers agricoles.

L’agriculture des polders repose cependant sur des bases très favorables. Les exploitations, d’un seul tenant, sont louées (et non vendues) par l’État selon des baux à long terme, ce qui prévient leur fragmentation par mutation ou héritage et évite aux agriculteurs une immobilisation importante de capitaux. La demande étant très supérieure à l’offre, les pouvoirs publics ont pu réaliser un choix parmi les postulants : des conditions d’âge, de compétence technique, d’assise financière assurent à l’exploitant un maximum de chances de réussite ; en outre, il bénéficie des conseils techniques, agronomiques et commerciaux d’organismes spécialisés.

Les labours occupent la plus grande partie de la surface cultivée, contrairement aux polders antérieurs au xixe s., dont le drainage peu profond favorisait plutôt les herbages. Cela explique la place tenue dans la production agricole par les céréales (le blé surtout) et les cultures qui leur sont associées comme la betterave à sucre, le colza, la pomme de terre, les plantes fourragères. Certaines fermes s’adonnent aussi à l’élevage (bovins et porcs) grâce aux cultures fourragères et à des prairies temporaires. La superficie horticole reste modeste malgré l’intérêt d’une utilisation très intensive d’un sol conquis à un coût aussi élevé : mais le marché de ces produits n’est pas indéfiniment extensible et l’on ne pouvait concurrencer trop sévèrement les régions fruitières et maraîchères du vieux pays. Enfin, quelques parcelles ont été boisées, notamment en bordure des lacs de ceinture, afin de rompre la monotonie du paysage et de créer des espaces de loisirs.


Les polders : habitat et milieu de vie

L’histoire de la poldérisation aux Pays-Bas* montre que l’intérêt des « entrepreneurs » pour l’habitat et le milieu de vie date seulement du xxe s. ; au siècle dernier encore, l’implantation des villages de la « mer de Haarlem » fut laissée à l’initiative des premiers colons. Avec le Wieringermeer débute la planification dans ce domaine ; outre les fermes construites sur les exploitations, on prévoit trois villages destinés à jouer le rôle de centres de services ; mais trop proches les uns des autres, construits de façon échelonnée pendant la période de mise en valeur, ils remplirent mal les fonctions qui leur avaient été dévolues. Deux conclusions se dégagèrent de cette première expérience : il faut implanter les centres le plus tôt possible lors du processus de colonisation (le tracé des canaux et des routes en dépend d’ailleurs étroitement), et concevoir avec beaucoup de soin leur nombre, leur taille et leur localisation. On doit chercher à mettre le « tertiaire » à faible distance du consommateur : on ne peut se contenter d’assurer à des colons « mentalement urbanisés » le confort domestique auquel ils peuvent prétendre ; il faut encore leur éviter l’isolement dans un milieu dépourvu de commerces et de services. Mais, par ailleurs, les centres doivent disposer d’une clientèle suffisante pour que la rentabilité des équipements soit assurée, ce qui est difficile dans le contexte d’une densité de population beaucoup plus faible que celle du vieux pays.

Après quelques hésitations, le schéma adopté pour le polder du Nord-Est (1948) ordonne dix villages autour d’une petite ville centrale, Emmeloord. En vingt-cinq ans, celle-ci s’est plus développée que prévu puisqu’elle atteint aujourd’hui 13 000 habitants et évite, pour la majeure partie des commerces et des services, le recours aux centres anciens plus éloignés. En revanche, les villages sont trop nombreux, trop petits pour la plupart et desservent une aire d’influence dont les habitants se sont raréfiés à la suite de la mécanisation croissante de l’agriculture. Compte tenu de cette situation et de la diffusion de l’automobile dans une population rurale à niveau de vie relativement élevé, on propose une organisation différente pour le Flevoland-Oriental : toujours une petite ville, Dronten, mais seulement quatre villages, dont le nombre est réduit à deux lors de l’aménagement du polder. En outre, dans l’ouest de celui-ci s’implante la future capitale régionale du pays neuf, Lelystad (du nom de l’ingénieur Cornelis Lely, qui fut à l’origine de la conquête du Zuiderzee), qui compte déjà une dizaine de milliers d’habitants. Pour les polders du sud et de l’ouest, l’existence même de villages est mise en cause : un changement d’optique quant à la destination des terres conquises explique les nouvelles orientations de la politique d’aménagement.