Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zaïre (suite)

Utilisant avec habileté les rivalités entre les Portugais, les Français et les Anglais, Léopold II réussit à faire admettre l’existence d’un État indépendant du Congo à Berlin ; il dut seulement accepter un statut particulier qui établissait la liberté de commerce et de navigation dans le bassin « conventionnel » du Congo et affirmait le devoir du souverain de lutter contre la traite et l’esclavage. Le nouvel État proclama sa neutralité, comme l’Acte de Berlin l’y autorisait.

Reconnu, le Congo indépendant n’était pourtant pas entièrement délimité. En 1884-85, Léopold II, qui avait accordé à la France un droit de préemption au cas où il renoncerait à son expérience, avait accepté la souveraineté française sur le Kwilu-Niari au nord, celle du Portugal sur la rive gauche de l’embouchure du Zaïre et le Cabinda. Au cours des années suivantes, il s’efforça d’élargir ses frontières vers l’intérieur. Tandis qu’il éliminait du Katanga Msiri, roi du Garengaze (Katanga), en 1891, il dut composer au sud-ouest (Angola) avec le Portugal en 1891 et au nord-est avec la France en 1894 ; celle-ci obtint l’évacuation des postes belges installés au nord de l’Oubangui-M’Bomou. Vers le Nil, Léopold II chercha l’appui des principautés arabo-swahili (Tippoo-Tip) et zandé, et reçut un bail de la Grande-Bretagne sur le territoire de Lado.

Aux alentours de 1900, les frontières de l’actuel Zaïre étaient atteintes, mais l’accord définitif avec la Grande-Bretagne ne se fit qu’en 1906 du côté du Ruanda. L’occupation du Congo avait nécessité de puissantes expéditions, dont deux tournèrent mal : en 1895, avec la révolte des Tetelas de Luluabourg ; en 1897, avec la mutinerie des auxiliaires de la mission François Dhanis, en marche vers le Nil. Cependant, en 1900, des postes étaient installés sur tout le territoire et confiés à des garnisons de troupes indigènes de la force publique créée en 1885.

L’administration du Congo léopoldien fut assurée par un organisme central installé à Bruxelles, où dominèrent d’abord Edmond Van Eetvelde (Affaires étrangères et Justice) et Strauch (Intérieur), et sur place par un gouverneur général ; le premier, Camille Janssen, en désaccord avec la politique économique du roi, démissionna en 1890.

À cette date, l’exploitation du pays s’accentuait. Le chemin de fer de Matadi au Stanley Pool, envisagé dès 1884 par le Comité d’études, fut construit entre 1890 et 1898 par une société dominée par Albert Thys (1849-1915) ; il permit d’atteindre le bassin navigable du Congo. Après avoir tenté de réaliser un monopole personnel de l’exploitation de l’ivoire et du caoutchouc, Léopold II dut accepter de partager avec les sociétés en octobre 1892. Tandis qu’il s’attribuait un « domaine privé », prélevé sur les terres dites « vacantes » dans le Centre et le Nord, il laissait à des compagnies concessionnaires d’immenses espaces, où elles assurèrent en même temps l’administration et l’exploitation : la Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo, la Compagnie du Kasaï, l’Abir, la Société anversoise, la Forminière et surtout le Comité spécial du Katanga, où entrèrent des représentants de l’État.

De graves difficultés financières marquèrent pourtant les débuts du Congo indépendant, où Léopold II engloutit sa fortune personnelle. Le roi, par des procédés tortueux, réussit à obtenir du Parlement belge réticent l’émission de deux emprunts, en 1890 et en 1895 ; en 1890, il proposa la reprise du Congo par la Belgique dans un délai de dix ans. Mais, à partir de 1895, le Congo rapporta et Léopold II écarta l’idée d’une reprise.

Celle-ci fut imposée de l’extérieur à la suite de la révélation des scandales de l’exploitation des indigènes par les agents de l’État astreints à percevoir un impôt en caoutchouc et par ceux des compagnies concessionnaires.

À partir de 1895, les témoignages se multiplièrent, en particulier ceux de missionnaires comme George Grenfell (1849-1906) et, en 1900, l’Aborigene Right Society provoqua une interpellation aux Communes. Mais le mouvement ne prit vraiment une ampleur internationale qu’avec la Congo Reform Association, créée par le publiciste Edmund D. Morel (1873-1924), et les révélations du consul anglais Roger Casement (1864-1907), après un voyage au Congo en 1903. Léopold II se résolut à envoyer une commission d’enquête, mais résista jusqu’en 1907 ; sous la menace d’une dépossession, l’opinion belge, persuadée d’une manœuvre britannique et américaine, finit par admettre une reprise du Congo, qui fut votée par la Chambre le 20 août 1908.


Le Congo belge

De la reprise à la décolonisation, le Congo connut le plus « immobile » des régimes coloniaux sous le contrôle de la trinité formée par l’administration, l’Église et les sociétés.

Dès 1920, le Congo belge possédait le corps de fonctionnaires le plus important de l’Afrique tropicale ; à la veille de l’indépendance, plus de 10 000 Belges servaient dans l’Administration, la magistrature et l’armée. La charte coloniale de 1908 couronnait la bureaucratie administrative par un Conseil colonial (six membres élus par le Parlement, huit nommés par le roi), qui donnait obligatoirement son avis sur les projets qui lui étaient soumis par le ministre des Colonies ; mais en réalité ce Conseil n’avait qu’un rôle consultatif, et la décision appartenait aux services du ministère et du gouvernement général selon une procédure extrêmement longue et compliquée. L’administration indirecte devait en théorie régir les rapports avec les populations ; elle se traduisit souvent par la création de chefferies artificielles et elle n’empêcha pas une intervention directe des administrateurs dans les affaires locales.

Les missions catholiques constituaient la seconde puissance du Congo belge ; elles furent favorisées par le concordat de 1906, qui leur permit de recevoir des subventions pour leurs écoles, des traitements et une aide indirecte par des concessions de terres. Certains ordres comme les Trappistes ou les Franciscains n’en abusèrent pas ; par contre, les pères de Scheut transformèrent leurs stations en véritables exploitations agricoles. En 1958, il y avait plus de 6 000 missionnaires européens au Congo et 500 prêtres africains.