Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

En plus de l’influence de l’altitude, la présence de formes de relief multipliées dans les grands massifs montagneux entraîne des oppositions entre versants selon qu’ils sont bien ou mal ensoleillés ; aussi, dans toutes les montagnes du monde, particulièrement dans celles dont les chaînons sont disposés dans le sens est-ouest, constate-t-on des décalages dans l’étagement de la végétation, voire des disparitions d’étages.

Ce n’est qu’en première approximation que l’on peut penser que l’étagement reproduit, en biogéographie, la zonalité. En effet, les différences sont grandes et, même dans une montagne élevée de la zone tropicale, on ne trouve pas la série des formations végétales qui se succèdent en latitude jusqu’à la neige et à la glace polaires. La succession est plus simple et deux grandes différences existent : il n’y a pas l’équivalent des déserts tropicaux ; par contre, entre l’étage des forêts et les formations d’altitude rappelant la toundra, existe toujours un étage buissonnant.

On constate toutefois que, dans chaque zone climatique, dans la plupart des cas, des forêts recouvrent les piémonts et les bas des versants. Ne font exception à cette règle que les montagnes des hautes latitudes, où une toundra appauvrie cerne la base des montagnes, et les montagnes des régions très arides, où la végétation ouverte des plaines passe à une formation plus riche, plus serrée, plus haute mais non à une belle forêt.

Dans ces forêts montagnardes, la base représente, peu modifiée, la forêt de la plaine, mais la stratification peut être plus simple — deux étages au lieu de trois dans les montagnes tropicales — et la richesse floristique est moindre. Au-dessus s’étend l’étage « montagnard » proprement dit, correspondant au secteur le plus arrosé et le plus nébuleux : c’est l’étage de la hêtraie-sapinière des Alpes, c’est la forêt de nuages suivie de la ceinture de Bambous dans les montagnes tropicales.

Au-delà des forêts, dans toutes les zones sauf dans la zone froide, un étage buissonnant ou herbacé apparaît : c’est l’étage des Éricacées des montagnes tropicales, c’est l’étage alpin avec ses prairies d’altitude des zones tropicales et tempérées.


Le dynamisme de la végétation

L’étude des formations végétales peut se cantonner à une description de leur état actuel. On peut aussi l’envisager à un plan dynamique et englober dans cette étude les évolutions possibles, particulièrement sous l’action de l’homme.

On considère une formation végétale en équilibre lorsqu’elle ne juxtapose pas des états très différents qui peuvent être considérés comme des stades d’aggradation, des étapes successives vers le climax de la formation, qui est précisément cet équilibre. Mais très souvent, la végétation, perturbée par l’action de l’homme, se transforme pour revenir à un état antérieur : elle passe alors par des stades successifs qui constituent ce qu’à la suite d’Henri Gaussen on a appelé « série de végétation ».

Dans les conditions naturelles, sans intervention humaine, les cas où l’on peut voir se transformer la végétation sous nos yeux, en quelques années, sont, dans l’espace, très limités ; ils se bornent aux destructions du tapis végétal préexistant par des événements presque toujours à caractère brutal tels que les incendies, les avalanches, les inondations. En fait, le problème du dynamisme de la végétation est posé par les destructions et les perturbations créées par l’homme, qui non seulement peuvent être profondes, mais surtout s’exercent sur des territoires immenses, sur près des deux tiers des terres émergées. C’est la raison pour laquelle on appelle quelquefois « stades de végétation anthropiques » les divers relais de végétation qui conduisent vers ce qui pourrait être un nouveau climax. Mais cette action humaine, profonde et répétée, créant non seulement des pâtures mais aussi des champs, a entraîné généralement la destruction totale de la végétation spontanée préexistante, donc la disparition des semenciers sur de vastes territoires. Par les labours, les érosions des terres souvent consécutives, les modifications chimiques des substrats à la suite d’apports d’engrais, l’homme a également transformé le sol lui-même. Enfin, deux catégories de plantes se sont développées : les végétaux cultivés, y compris les variétés (cultivars) nouvelles créées par les sélections agronomiques, mais aussi toutes les plantes adventices, dont le comportement écologique a pu d’ailleurs se modifier, ce qui peut expliquer des extensions soudaines.

Aussi bien climax et plésioclimax (climax proche) semblent peut-être dans certains cas des stades de fin d’évolution impossibles à atteindre, dans la mesure où ils correspondent à une reconstitution de l’état initial, d’autant que les conditions climatiques, pendant les deux millénaires où s’est exercée l’action humaine, ont pu se modifier quelque peu. En conséquence, si l’on peut toujours conserver ce terme de climax pour la végétation antérieure, préexistante aux actions humaines, il apparaît préférable, à l’instar des Allemands, de parler de « végétations potentielles » pour qualifier les équilibres ultérieurs.

Ces étapes dynamiques de végétation sont particulièrement nettes et spectaculaires dans les régions du globe où existe un climax forestier. Alors, on constate que chaque série de végétation aboutissant à la forêt comporte des stades où prédominent les végétaux herbacés, particulièrement les stades initiaux. Ces stades à herbacées, qui existent sous tous les climats du monde, peuvent occuper deux types de position dynamique : ces groupements, transitoires, sont dits « progressifs » quand ils résultent de la colonisation d’un sol nu. Ils sont qualifiés de « régressifs » quand ils sont consécutifs à la destruction d’une formation plus haute, plus riche. Dans certains cas toutefois, si les actions humaines cessent, on constate que les arbres forestiers s’installent directement dans le tapis herbacé. Le cas général comporte cependant plusieurs stades, de plus en plus élevés entre la prairie, la pelouse, la steppe des premiers temps et la forêt ultime.

À l’aide de trois exemples, on peut mettre en évidence trois grands types de séries progressives vers la forêt.