Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valence (suite)

L’économie

L’irrigation remonte probablement à la colonisation romaine, mais elle a connu un important développement sous la domination arabe (norias) et n’a cessé d’être étendue jusqu’à nos jours par la construction de barrages de plus en plus importants et le creusement de puits équipés de motopompes. Aujourd’hui, les terres irriguées couvrent 270 000 ha, soit le quart des terres cultivées. Elles sont divisées en une multitude de petites parcelles appartenant à de petits propriétaires : 80 p. 100 des propriétés ont en effet moins de 1 ha, et seulement 3 p. 100 couvrent plus de 5 ha. Dans la huerta de Valence, le droit à l’eau est attaché à la possession de la terre : les propriétaires desservis par un même canal (acequia) constituent un syndicat de « regantes », qui élit des représentants pour veiller à une équitable distribution de l’eau. Tout conflit est réglé sans appel par un tribunal des Eaux, qui siège une fois par semaine devant la cathédrale de Valence. Dans la huerta d’Alicante, où l’irrigation a été développée plus tard et par des sociétés privées, l’eau est vendue chaque jour aux enchères publiques.

L’irrigation permet des cultures spécialisées d’un haut rendement, parmi lesquelles des plantes exotiques comme la canne à sucre, le riz et le mûrier ont été introduites par les musulmans. Tournée dès le xve s. vers les marchés extérieurs, la culture s’est spécialisée très tôt : jusqu’au xviiie s., la huerta de Valence vendait du sucre à toute l’Europe ; la concurrence américaine fit abandonner cette spéculation au profit de l’élevage du ver à soie, qui déclina à son tour au xixe s., les mûriers étant atteints de maladies. Ceux-ci ont été remplacés par les orangeraies et les cultures maraîchères. Les orangeraies couvrent aujourd’hui 84 000 ha. Les principales régions productrices sont la Plana de Castellón et la huerta de Sagunto au nord, la huerta de Gandía et les terrasses du Júcar au sud. Cependant, cette culture, dont l’Espagne avait le monopole en Europe avant la guerre, est de plus en plus concurrencée par l’Italie, l’Algérie et Israël. La huerta de Valence s’est spécialisée dans les cultures maraîchères : choux, choux-fleurs, artichauts et pommes de terre en hiver, tomates, haricots verts, oignons, piments, laitues et melons en été composent une mosaïque colorée. Plus récemment, de nouvelles cultures ont été introduites, notamment le coton, le tabac et la luzerne, mais elles n’occupent qu’une place modeste. Enfin, sur les terres les plus basses de la huerta de Valence, autour de la Albufera, la maîtrise de l’eau a permis le développement de la culture du riz, qui couvre 28 000 ha et atteint des rendements très élevés (65 q/ha) ; la récente concurrence des Marismas dans la basse vallée du Guadalquivir tend, depuis quelques années, à faire substituer au riz le maïs sur les terres les moins humides.

Les terres de « secano » sont consacrées aux cultures typiquement méditerranéennes : les céréales (blé et orge) couvrent 42 p. 100 de la surface, les cultures arbustives occupant le reste. La vigne, l’olivier et secondairement l’amandier se répartissent sur les glacis et les basses plaines non irriguées du sud, les piémonts qui frangent les huertas littorales, les versants montagneux aménagés en terrassettes par des murs en pierres sèches et enfin les hauts plateaux de Requena. Aux alentours de Valence et de Castellón, le caroubier occupe une place notable, qu’explique l’importance, dans les huertas, de l’élevage à l’étable de porcs (150 000 têtes) et de bovins (53 000 têtes). Moutons et chèvres parcourent les rares pâturages de montagne.

Cette agriculture intensive, exigeant beaucoup de travail, explique les fortes densités de population des huertas levantines, qui comptent jusqu’à 600 habitants au kilomètre carré, chiffre comparable à celui de l’Asie de la mousson. Cela explique aussi l’importance de l’émigration, la vie industrielle demeurant insuffisamment développée.

Il existe pourtant toute une gamme de petites industries dispersées, liées aux activités rurales. Ce sont en premier lieu les industries alimentaires (conserveries, jus de fruit, fabriques de « turrón » [sorte de nougat]) ; ce sont ensuite les industries destinées à fournir les emballages des produits agricoles exportés (papier et bois, d’où sont dérivées les industries du meuble et du jouet) ; ce sont aussi les ateliers de fabrication de matériel agricole. À ce type de petites entreprises, on peut rattacher les fabriques de céramiques, notamment à Manises, dans les faubourgs de Valence.

Mais il existe aussi quelques entreprises plus concentrées. Les unes sont les héritières d’industries traditionnelles, comme les usines textiles (coton et laine) d’Alcoy ou les fabriques de chaussures d’Elche et de Vall de Uxó. Les plus importantes sont les industries métallurgiques installées sur le littoral : sidérurgie de Sagunto, travaillant, avec le charbon cantabrique débarqué dans le port, le minerai de fer d’Ojos Negros (province de Teruel) et dont la production de 260 000 t annuelles devrait être prochainement augmentée par l’implantation d’une usine intégrée ; constructions navales, matériel ferroviaire, machineries de bateaux... à Valence ; fonderie et fabrication de profilés d’aluminium à Alicante. Les industries chimiques, enfin, complètent la gamme des grosses entreprises à Valence, à Alicante et, depuis peu, à Castellón (acide sulfurique, superphosphates, pétrochimie).

L’industrialisation n’a touché que très inégalement les villes. Si Alcoy (61 000 hab.) est un petit centre industriel actif, Castellón (92 000 hab.) et Elche (123 000 hab.) restent avant tout de gros marchés agricoles dotés de quelques industries. Alicante (182 000 hab.) a des activités plus diversifiées grâce à son port, qui a favorisé l’industrialisation, mais surtout grâce au tourisme, qui a connu un grand essor le long de la pittoresque côte de la Marina, au nord de la ville, où s’échelonnent les stations balnéaires (Benidorm, Altea, Calpe).