Valdés Leal (Juan de) (suite)
Son œuvre est inégale autant que diverse. Bien que le peintre reflète, même dans sa maturité, les influences de Zurbarán* et de Murillo, ses Immaculées et ses Assomptions, alourdies de fleurs, d’orfèvreries, de saints et d’angelots, ignorent la grâce sobre de ces maîtres. Ses dominantes sont la fougue, l’opulence et l’éclat, l’indifférence à la correction du dessin comme à la beauté formelle, un expressionnisme parfois violent ou macabre. Valdés se plaît aux mêlées furieuses (Défaite des Sarrasins, musée de Séville), aux visions tumultueuses (Élie enlevé dans le char de feu, au Carmen de Cordoue). Mais il est aussi coloriste raffiné, jouant d’une gamme légère où vibrent vermillons, verts clairs et violets sur des fonds sourds et moelleux. La Flagellation et les Tentations de saint Jérôme (pour San Jerónimo de Buenavista, au musée de Séville) sont de chatoyants ballets — à l’inverse des mêmes sujets traités par Zurbarán avec une sculpturale gravité. Le chromatisme de Valdés prend parfois une valeur tragique, comme dans ce Chemin du calvaire (musée de Séville), où les Saintes Femmes et saint Jean courent, éclatants, sous un ciel noir. Valdés, pourtant, peut aussi faire résonner une note méditative, anxieuse et mélancolique : ainsi avec sa Procession de sainte Claire (musée de Séville), défilé monochrome de nonnes blafardes et rigides, dont chacune est un admirable portrait, ou avec sa série de religieux hiéronymites (Séville et autres musées), figures monumentales tendues vers le ciel, emportées par un souffle ardent et triste.
Mais le tempérament de Valdés trouve son expression la plus forte dans les thèmes de la mort et de la vanité du monde. Non pas qu’il fasse figure de novateur avec les têtes coupées de martyrs qu’il place dans son retable du Carmen de Cordoue ou avec les natures mortes de « vanités » qu’il peint magistralement vers 1660. Mais les deux grands tableaux de la Caridad (« Hiéroglyphes des Fins dernières ») illustrent directement le poignant Discurso de la Verdad de Miguel de Mañara, le célèbre « converti » sévillan, fondateur de l’hospice. Le contraste entre In ictu oculi, triomphe du squelette dressé, piétinant les attributs du pouvoir tandis qu’il éteint le flambeau de la vie, et Finis gloria mundi, l’évêque et le chevalier gisant dans la pénombre, déjà mangés des vers, a frappé les contemporains avant les romantiques. Par-delà ces effets faciles, la sourde magnificence de la technique picturale, le sentiment obsédant de majesté funèbre élèvent ici, pour la première fois, le bodegon au grand style épique.
P. G.
C. Lopez Martinez, Juan de Valdés Leal, estudio (Séville, 1922). / E. Du Gué Trapier, Valdés Leal, Baroque Concept of Death and Suffering in This Paintings (New York, 1956).