Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valachie (suite)

Toutefois, la Valachie conserve son autonomie interne, son prince et le libre exercice de sa religion. Le voïvode continue d’être élu par l’archevêque métropolitain et les nobles ; le Sultan se réserve le droit de confirmation et exige un lourd tribut. Au cours du xvie s., les Turcs durcissent leur domination. Aussi le voïvode Michel le Brave (1593-1601) soulève-t-il le pays contre ses oppresseurs (1594). Allié du prince de Transylvanie*, Sigismond Báthory, et du voïvode de Moldavie, il prend la forteresse de Giurgiu (1595) et, après plusieurs années de lutte, parvient à chasser les Turcs de Valachie (1598).

Poursuivant ses succès, il conquiert la Transylvanie avec l’aide de l’empereur Rodolphe II de Habsbourg (1599) et, après l’annexion de la Moldavie, réalise pour la première fois l’union de tous les Roumains (1600). Cette période glorieuse est de courte durée ; grisé par son triomphe, Michel veut tenir tête à l’empereur, qui le fait assassiner (1601).

Après lui, les Turcs reviennent en force et imposent un nouveau tribut. Le voïvode Matei Basarab (1632-1634) lutte encore avec vigueur pour l’indépendance. En 1711, la protection de la Russie sur la Valachie contrebalance la puissance turque. Mais, pour avoir signé avec Pierre le Grand un traité anti-ottoman, le voïvode Constantin Brîncoveanu est exécuté à Constantinople (1714).

Les xvie et xviie s. sont des périodes brillantes en ce qui concerne le développement culturel et les réalisations artistiques en Valachie. À Bucarest*, choisie définitivement comme capitale en 1659, les voïvodes mènent une vie de cour fastueuse ; ils favorisent l’instruction, fondent des écoles, et la première imprimerie bucarestoise est créée en 1678. En ce domaine, c’est surtout l’action de Matei Basarab qui est remarquable. En même temps, de belles églises et de riches monastères sont édifiés. Le prince Constantin Brîncoveanu favorise également les arts et les sciences ; il fait venir les architectes italiens en Valachie et fonde de nombreuses imprimeries.


La Valachie sous le régime phanariote (1716-1821)

Après la mort du dernier voïvode de Valachie, les Turcs confient l’administration du pays à des hospodars nommés pour trois ans et pris dans des familles grecques de Constantinople, les Phanariotes. Malgré l’abolition du servage en 1756 par Constantin Mavrocordato (1711-1769), hospodar de Moldavie et de Valachie, le sort des Valaques reste misérable. Les hautes classes de la société sont contaminées par le luxe des Phanariotes ; elles s’hellénisent ou s’orientalisent au détriment de leurs sentiments nationaux.

Mais, dans la seconde moitié du xviiie s., une autre influence commence à se faire sentir en Valachie, celle de la Russie : par le traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774), Catherine II* se ménage une possibilité d’intervenir dans les affaires du pays. L’accord stipule, en effet, « que la Sublime Porte consent à ce que, suivant les circonstances, les ministres de la Cour impériale de Russie puissent parler en faveur des deux principautés » (Valachie et Moldavie). Puis, en 1792, à la paix d’Iaşi, et en 1802, la Russie obtient un certain droit de regard sur la nomination et la gestion des hospodars, qu’elle protège de l’arbitraire de Constantinople. Lorsque, au mépris de cette convention, l’hospodar Constantin Ypsilanti est révoque par les Turcs (1806), la Russie occupe la Valachie (1806-1812).

Mais, en ce début du xixe s., l’éveil d’une certaine conscience nationale amène le peuple roumain à lutter tant pour sa libération sociale que pour sa libération nationale. Afin de s’émanciper de la tutelle ottomane, le mouvement révolutionnaire de 1821, conduit par Tudor Vladimirescu (1780-1821), s’associe un moment à l’hétairie, constituée en 1814 par le prince grec Aléxandhros Ypsilándis (ou Ypsilanti) [v. Grèce]. Tudor Vladimirescu soulève l’Olténie, libère Bucarest (mars), mais se brouille avec les hétairistes, qui le font exécuter (mai 1821). Toutefois, la révolte de 1821 aboutit au remplacement des Phanariotes, exécutants fidèles des ordres de la Porte, par les princes autochtones (nomination de Grigore Dimitrie Ghica [1822-1828]).


Vers l’indépendance et l’unité

Alors qu’éclate en 1828 une nouvelle guerre russo-turque, la Valachie est occupée par les armées tsaristes. C’est pendant cette période d’administration militaire russe (1828-1834) que sont jetées les bases d’un gouvernement de type moderne : les « règlements organiques » (1831-32) font élire à vie l’hospodar par les grands boyards et instaurent des « assemblées publiques ».

Mais, influencés par le mouvement français de 1848, les Valaques, sous la conduite de révolutionnaires tels que N. Bălcescu, A. G. Golescu, G. Magheru, s’insurgent (juin 1848) et renversent le prince Gheorge Bibescu (1804-1873) ; mais cette révolte libérale et nationale suscite l’intervention militaire de la Porte et du gouvernement tsariste (sept.) : le traité turco-russe de Baltaliman (1er mai 1849) restaure le régime du statut organique.

Après l’échec de la révolution de 1848, qui n’a pu satisfaire les aspirations nationalistes du peuple roumain, Valaques et Moldaves profitent des circonstances internationales (guerre de Crimée, 1853-1856) pour essayer de réaliser leur plan d’union. Le congrès de Paris de 1856, qui réunit à l’issue de la guerre de Crimée les grandes puissances, prévoit la consultation de toute la population roumaine sur le problème de l’union. Les deux assemblées du peuple réunies à cet effet à Iaşi et à Bucarest (oct. 1857) se prononcent en faveur de la constitution d’un État national. Mais les puissances, tenant compte de l’opposition de la Turquie, de l’Autriche et de la Grande-Bretagne, refusent l’union des deux États (convention de Paris, août 1858) et, sous le nom de « Principautés unies de Moldavie et de Valachie », maintiennent la séparation des deux pays, toujours placés sous la suzeraineté de la Porte. Alors, passant outre, le peuple roumain réalise son unité en élisant (le 5 janvier 1859 en Moldavie et le 24 janvier en Valachie) le même prince régnant, Alexandre-Jean Cuza (1859-1866). La Turquie entérine cette décision en 1861. Le 4 janvier 1862, l’unité constitutionnelle est légalement proclamée. Bucarest devient la capitale de l’État moldavo-valaque dont l’histoire se confond désormais avec celle de la Roumanie.

C. de J.

➙ Moldavie / Ottomans / Roumanie / Russie / Transylvanie.

 R. W. Seton-Watson, A History of the Roumanians (Cambridge, 1934 ; trad. fr. Histoire des Roumains, P. U. F., 1937).