Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tunis (suite)

Dans ce quadrillage de rues bien dégagées, de part et d’autre de l’avenue Ḥabīb Bourguiba, se localisent la plupart des grandes activités tertiaires qui font de Tunis une métropole attractive : ambassade de France (auprès de la porte de France), grands services nationaux, maisons de commerce et offices nationalisés, sièges sociaux des grandes entreprises, banques, marchés de gros, maisons de presse et d’édition, cinémas, cafés, boutiques modernes du commerce de détail, maison de l’artisanat tunisien. Les ministères se trouvent surtout à l’ouest de la médina ainsi que la nouvelle université, le seul établissement de ce niveau en Tunisie. Près des deux tiers de la population de Tunis sont ainsi occupés dans le secteur tertiaire.

À la veille de l’indépendance, la ville même de Tunis comptait environ 140 000 Européens, principalement des Français et des Italiens, auxquels s’ajoutait une très importante colonie juive. Presque tous ont quitté le pays entre 1955 et 1965, puisqu’en 1966 Tunis comptait moins de 40 000 étrangers, nouveaux coopérants ou derniers représentants de l’ancienne population européenne. Presque tous les étrangers vivent toujours dans le centre de la ville moderne, où le vide laissé par les départs a été rapidement comblé par des Tunisiens, particulièrement par les catégories les plus favorisées de la société, bourgeoisie traditionnelle et nouvelle classe de jeunes administrateurs et techniciens.


Les faubourgs de la banlieue ou les déséquilibres de l’incontrôlé

La colonisation n’avait pu maîtriser sa propre croissance, et, au cours de ses vingt dernières années, l’agglomération de Tunis avait enregistré le doublement de sa population sous l’afflux des immigrants du monde rural et le poids de l’accroissement naturel. L’indépendance n’a pas vraiment enrayé ce mouvement, qui double la vieille médina et la ville européenne d’une troisième ville, purement musulmane, dont le poids va croissant.

Cependant, de nouvelles activités se sont développées. Le port de Tunis et son avant-port de La Goulette assurent un trafic de 2,5 Mt ; en fait, celui-ci progresse peu. L’aéroport d’el-Aouïna enregistre un nombre croissant de passages, parallèlement à l’essor du tourisme qui se manifeste dans la banlieue même de Tunis, le long de la côte de Carthage, de La Marsa et de Sidi-Bou-Saïd ; sur ce littoral de lumière, au fond du golfe de Tunis, se côtoient les villas des riches Tunisois et les grands hôtels internationaux. Au sud de l’agglomération au contraire, autour de Mégrine, c’est l’industrie qui étend ses usines et ses quartiers gris : fonderies, ateliers divers, entreprises du bâtiment, verrerie, usine de superphosphates, industries alimentaires, cimenterie.

L’agglomération, tout en contrastes, s’est formée à partir des vieux faubourgs de Bab Saadoun et de Bab Djazira et s’est étendue en quartiers de villas ou d’immeubles modernes et, plus fréquemment, de « gourbivilles » comme ceux de Melassine, du djebel Lahmar, de Sidi-bel-Hassen ; elle englobe maintenant les villages les plus proches. Dans ces zones de résidence pauvre aux portes de la cité habitent les plus démunis des Tunisois, les immigrés du « bled », les « sous-prolétaires ». Tunis a ainsi absorbé, pas toujours dans de bonnes conditions, la plus grande partie de l’émigration rurale de Tunisie. En 1966, 15 p. 100 de la population active de l’agglomération se trouvaient en état de chômage ou de semi-chômage. Cette situation n’a pas été profondément modifiée au cours des dernières années.

A. F.


L’histoire

La situation de Tunis, au carrefour de grandes voies de communication, explique son importance dans l’Antiquité. Les émigrants tyriens installés à Carthage* annexent, entre 480 et 450 avant J.-C., toutes les terres et cités environnantes, dont la ville de Tunis, qu’ils fortifient.

Le général romain Regulus s’en empare lorsqu’il vient assiéger Carthage (v. 256 av. J.-C.). Tunis sert ensuite de base aux mercenaires carthaginois révoltés contre Hamilcar Barca. Au cours de la deuxième guerre punique* (218-201), Scipion s’empare de la ville sans combat et y dirige les opérations militaires qui se termineront par la défaite d’Hannibal. Tunis comme Carthage est détruite au cours de la troisième guerre punique* (149-146).

Rebâtie peu après, Tunis ne retrouve quelque importance qu’au début de notre ère, lorsque l’empereur Auguste décide de reconstruire Carthage ; elle devient alors le siège d’un évêché de l’Église d’Afrique.

La conquête arabe, du viie s., est bénéfique à Tunis. La ville s’étend et devient rapidement une florissante cité ; aussi, en 894, Ibrāhīm II quitte-t-il Kairouan et installe-t-il à Tunis le siège de son gouvernement. Si elle perd bientôt son rang de capitale (905), Tunis n’en continue pas moins à prospérer sous la dynastie des Fāṭimides* (909-1171).

Sous les Ḥafṣides* (xiiie-xvie s.), dont elle est la capitale, Tunis compte parmi les plus riches cités du monde arabe. Peuplée de 100 000 habitants, elle peut rivaliser avec Le Caire, et son rayonnement intellectuel est considérable. C’est à Tunis que le célèbre philosophe et historien ibn Khaldūn* (1332-1406) fait ses études. La ville est à cette époque le principal centre de commerce entre l’Europe et l’Afrique du Nord. Les croisés français viennent assiéger Tunis en juillet 1270, mais la mort de Saint Louis, le 25 août, les oblige à lever le siège.

Au début du xvie s., la décadence de la dynastie ḥafṣide permet aux pirates turcs, sous le commandement de Khayr al-Din Barberousse, de prendre Tunis (1534). Mais la ville subit bientôt le joug des Espagnols. En 1535, en effet, Charles Quint pénétre dans Tunis, et ses troupes s’y maintiennent jusqu’en 1569, date à laquelle la ville est prise par le beylerbey d’Alger. Reconquise momentanément par les Espagnols (1573), Tunis retombe aux mains des Ottomans en 1574. Elle devient la capitale de la Régence de Tunisie ; elle est gouvernée par un dey assisté du conseil de Régence, ou divan.