Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Thessalonique (suite)

La renaissance économique récente

Rattachée à la Grèce en 1913 et alors plus peuplée qu’Athènes, Thessalonique souffre depuis soixante ans du rétrécissement de son arrière-pays, dû au nouveau tracé des frontières balkaniques, puis aux changements de régime économique de ses voisins du Nord : sa population municipale a progressé lentement (158 000 hab. en 1913, 192 000 en 1940 et 217 000 en 1951), tandis que, concurrencées par les productions industrielles, ses fabrications traditionnelles (textile, cuir) périclitaient dans un cadre urbain modernisé à la suite du grand incendie de 1917.

La zone franche yougoslave (1923), quelques facilités accordées à la Bulgarie, l’amélioration des liaisons ferroviaires, routières et aériennes ne suffirent pas à restaurer l’influence internationale du port et de la ville, qui, tenus à l’écart des investissements qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, subirent les représailles infligées globalement à la Grèce du Nord après la guerre civile. Le marché urbain profita toutefois des progrès de l’économie agricole et du déclin des petits centres industriels de sa région : gonflée pendant la guerre civile par les populations regroupées ou réfugiées, l’agglomération dépassait 380 000 habitants en 1961, comprenant alors une banlieue aux taux de croissance supérieurs à celui de la ville. L’évaluation de la main-d’œuvre disponible en Macédoine et en Thrace grecques ainsi que la construction d’une route rapide reliant la ville à Athènes entraînèrent au début des années 60 la réhabilitation de Thessalonique, aujourd’hui la seule métropole régionale de Grèce. Thessalonique a reçu de nouveaux équipements industriels : une raffinerie de pétrole (qui alimente des unités de production d’ammoniac et d’éthylène desservant des usines d’engrais chimiques, de matières plastiques), une usine de pneumatiques, etc. L’installation d’une aciérie, commencée par ses laminoirs, répond à la demande locale de petites entreprises de métallurgie différenciée et de construction mécanique. Ces industries sont desservies par des fabriques de gaz liquéfiés, d’emballage, etc. Cependant, l’amélioration des liaisons régionales et les exigences du marché international concentrent progressivement dans la ville le commerce et les industries du tabac encore dispersés dans les zones de production. Les mêmes raisons et la volonté de se rapprocher d’un centre bien équipé y ont appelé diverses industries alimentaires puisant leurs matières premières dans le voisinage. L’essor du bâtiment et des activités connexes (cimenterie, céramique, menuiserie) ainsi que la prospérité du commerce de détail signalent l’importance de l’immigration et la hausse des niveaux de vie.

Usines et chantiers de ce foyer économique redevenu attractif fixent les ruraux, en surnombre, à la recherche de travail ; les émigrés en Europe occidentale y placent leurs économies et viennent s’y employer dans le commerce et l’artisanat. De nouvelles industries consommatrices de main-d’œuvre (appareils de télécommunications) sont attirées à leur tour dans ce creuset, où disparaissent les différences entre Grecs de Macédoine et descendants de réfugiés de la mer Noire ou de l’Asie Mineure. Mais la croissance échappe au contrôle de la bourgeoisie locale et même à celle d’Athènes, contraintes de céder le pas aux capitaux internationaux, américains, ouest-allemands, français (Esso, Siemens, L’Air liquide...).


Une grande ville renouvelée

La ville se développe le long de la mer suivant un axe N.-O.-S.-E. Les quartiers centraux conservent peu de traces des villes antérieures. Ceux du nord dépendent de la gare, du port et des routes de liaisons régionales : ils contiennent les marchés, des entrepôts et quelques usines anciennes. Ceux du sud sont des quartiers de résidence et d’affaires, et leur extension, suivant un plan en damier, est bloquée par les emprises de l’université et de la foire, au-delà desquelles les nouveaux quartiers méridionaux sont résidentiels, occupés par une population aisée. Les extensions nord sont dominées par la zone industrielle, vers laquelle s’étendent les entrepôts portuaires et ferroviaires. Les quartiers ouvriers, souvent intercalés entre les usines, se répartissent à la périphérie des quartiers centraux, à la base du Khortiátis et en direction de la plaine, où ils transforment les villages proches.

P.-Y. P.


L’histoire


La période ancienne

La fondation de la ville, vers 315, est attribuée au roi de Macédoine Cassandre (v. 354-297), qui aurait appelé la jeune cité du nom de son épouse, Thessaloniki, prétendue sœur d’Alexandre le Grand. Les Romains, vainqueurs de Persée, s’en emparent après la bataille de Pydna (168 av. J.-C.) et l’érigent en 146 av. J.-C. au rang de métropole de la province de Macédoine, créée en 148. La construction de la Via Egnatia entre 146 et 120 en fait la principale station de la route qui relie Rome à Byzance. À l’abri de ses remparts, dont le périmètre atteindra progressivement de 7 à 8 km, s’installe progressivement une forte colonie juive, qui, en l’an 50 de notre ère, réservera à l’apôtre Paul un très mauvais accueil.

Après une longue période de paix, la ville subit victorieusement l’assaut des Goths au milieu du iiie s. Le séjour de l’empereur Maximien y est marqué, selon la légende, par des persécutions : en 306, un certain Démétrios aurait payé de sa vie la prédication de l’évangile. Le culte de ce martyr douteux, promu par les hagiographes au rang de saint militaire et par la croyance populaire à celui de génie tutélaire, prend de bonne heure une extension considérable, et son rayonnement est prodigieux. En 390, une révolte de la population est sévèrement châtiée par l’empereur Théodose Ier*. Du milieu du vie s. à la fin du viie, la ville vit sous la menace constante des Avars et des Slaves. Après la perte de la Syrie et de l’Égypte (viie s.), elle devient la seconde ville de l’Empire. La tranquillité qu’elle connaît aux viiie et ixe s. lui procure une vigoureuse prospérité, mais celle-ci périclite d’un coup : en juillet 904, une escadre arabe force l’entrée du port, et la ville est mise à sac. Elle se relève rapidement, mais essuie au cours du xe s. les assauts des tsars bulgares Siméon et Samuel. De 1081 à 1085, les Normands occupent la Macédoine et la Thessalie ; en 1185, la ville tombe pour quelques mois en leur pouvoir.