Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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température (suite)

Le mode de définition d’une échelle thermodynamique confère au kelvin le caractère d’universalité qui convient à une unité fondamentale ; il ne permet pas cependant une mesure directe des températures ; il en est de même du gaz parfait, puisqu’un tel gaz n’existe pas ; mais une correspondance précise a pu être établie, par l’étude des isothermes de l’hydrogène, entre l’échelle du gaz parfait et celle du thermomètre normal ; ce dernier, bien que peu maniable, a permis une bonne détermination de quelques températures repères dans l’échelle Kelvin ; ces repères sont utilisés pour la définition de l’échelle internationale pratique des températures.


Les basses températures

Le désir d’améliorer nos connaissances des propriétés des corps, l’espoir d’en découvrir de nouvelles justifient les recherches entreprises depuis près de deux siècles pour réaliser et maintenir des températures de plus en plus basses. Les procédés utilisés dans cette course vers les plus basses températures sont — dans l’ordre chronologique, lequel est donc aussi l’ordre d’efficacité croissante — les suivants :

• L’emploi des mélanges réfrigérants (v. solution). Celui-ci, combiné avec l’emploi de la pression, a permis à Faraday* (1823) de liquéfier bon nombre de gaz : chlore, gaz sulfureux, ammoniac... Quelques années plus tard, l’emploi de la neige carbonique, obtenue par exposition brutale à l’air libre du CO2 liquéfié, permettait d’atteindre, par mélange avec des liquides volatils (éther, acétone...), des températures de l’ordre de – 100 °C, et de liquéfier tous les gaz alors connus, sauf O2, N2, H2, CO, CH4, NO, que l’on nomma gaz permanents.

• L’emploi de la détente* d’un gaz comprimé. Dû à Cailletet, il est à l’origine d’un progrès très important vers les basses températures. C’est en effet par l’emploi de la détente que l’air put être observé à l’état de brouillard fugitif (Pictet, 1877), puis que l’oxygène et l’azote purent être obtenus à l’état liquide ; mais surtout, l’évaporation rapide, sous pression atmosphérique et, mieux encore, sous un vide de plus en plus poussé, des liquides ainsi obtenus permet de réaliser des températures encore plus basses que celles qui sont nécessaires pour leur liquéfaction. De là sont issues les machines frigorifiques à cycles en cascade qui, combinant l’abaissement par évaporation avec l’emploi d’échangeurs de températures (v. liquéfaction), permettent de réaliser des paliers de température successifs, jusqu’à celui d’évaporation de l’azote sous quelques centimètres de mercure, 63 K (– 210 °C), et même, en combinant avec les effets précédents celui de la détente, de réaliser à la suite des cycles précédents un cycle à hydrogène, qui permet d’atteindre 14 K, puis un cycle à hélium, corps dont l’évaporation sous vide poussé permet d’abaisser la température jusqu’à 0,71 K, qui représente la limite pratiquement accessible par cette méthode (0,21 K cependant, par évaporation de3He, plus volatil que le mélange naturel d’isotopes).

• La désaimantation adiabatique d’un cristal paramagnétique. Elle permet de poursuivre, au-delà de la limite précédente, l’abaissement des températures : l’aimantation induite d’une telle substance (alun de chrome, sulfate de gadolinium...) sous l’action d’un champ magnétique extérieur introduit à l’échelle atomique un facteur d’ordre qui, si la transformation est isotherme, diminue l’entropie du corps par le dégagement de chaleur qui accompagne l’aimantation. À l’inverse, si l’on supprime ou seulement diminue le champ magnétisant, la désaimantation est accompagnée d’absorption de chaleur, ce qui entraîne un refroidissement si la transformation est adiabatique, c’est-à-dire si le corps est isolé thermiquement. L’étude thermodynamique de cette transformation montre toutefois, pour un paramagnétique parfait, que l’abaissement de température est, toutes choses égales d’ailleurs, d’autant plus important que la température du cristal avant désaimantation était plus basse, cela en particulier à cause de l’effondrement des chaleurs spécifiques aux très basses températures. C’est ainsi qu’en partant de cristaux aimantés au contact d’un bain d’hélium en évaporation rapide, puis thermiquement isolés par le vide, la désaimantation a permis d’atteindre 0,86 mK (1973). Pour aller plus bas, on fait appel au paramagnétisme nucléaire.

Remarque. Il résulte du troisième principe de la thermodynamique que le zéro de l’échelle Kelvin est un point asymptotique, qui nous est inaccessible ; les progrès réalisés vers les basses températures doivent se comparer à l’aide de rapports, et non pas de différences, de températures Kelvin.


Mesure des basses températures

Jusqu’à 14 K environ, les températures sont définies par référence au thermomètre à hydrogène et mesurées avec précision dans l’échelle pratique à partir du thermomètre à résistance de platine. À des températures plus basses, on remplace l’hydrogène par l’hélium, et, au-dessous de 5,2 K, point critique de l’hélium, la mesure de T résulte de celle de la pression de vapeur saturante de4He, ou mieux de3He ; c’est un procédé pratiquement inutilisable au-dessous de 0,2 K en raison de la valeur trop faible de cette pression. La connaissance des températures inférieures à 0,2 K résulte de mesures magnétiques de susceptibilité ; une correction est cependant nécessaire pour passer de l’échelle magnétique à l’échelle Kelvin.


Applications des basses températures

L’intérêt de la réalisation des basses températures est considérable dans de nombreux domaines de la physique et de la technique.

• On a pu, par abaissement de la température, liquéfier tous les gaz et solidifier tous les liquides, déterminer pour chaque corps pur son diagramme de changements d’état et en particulier son point triple. Notons cependant que, déjà dans ce domaine, les deux isotopes de l’hélium font exception à la règle générale, car ils n’ont pas de point triple : les courbes de fusion et de vaporisation restent fort éloignées l’une de l’autre.