Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tectonique (suite)

La schistosité se forme toujours en même temps que les plis et possède des relations simples avec eux. Elle se dispose parallèlement à leur plan axial ou dessine un éventail symétrique de part et d’autre de ce plan axial, de sorte qu’elle fournit un critère de polarité suivant son inclinaison par rapport aux flancs du pli. Son pendage est plus fort que celui de la stratification dans les flancs normaux et plus faible dans les flancs inverses.


Les niveaux structuraux

Dans une chaîne de montagnes, les structures de compression sont différentes suivant la profondeur, car les conditions de pression et de température augmentent avec elle. Lorsque pression et température s’accroissent, les roches ont d’abord un comportement cassant, puis ductile et enfin atteignent leur point de fusion. Lorsque les roches sont cassantes, la déformation se traduit par des plans de rupture, des failles. Lorsque les roches atteignent une certaine ductilité, elles peuvent se déformer sans se casser, il se forme des plis. Dans un premier stade, lorsque la ductilité n’est pas très importante, les couches se plissent de façon simple en maintenant leur épaisseur constante ; la déformation n’étant importante que dans les charnières, il se forme des plis isopaques par flexion. Dans un stade plus évolué, les roches deviennent plus ductiles et se déforment facilement ; les plis deviennent anisopaques par aplatissement. Enfin, dans les parties plus profondes où les roches sont portées à une température proche de leur point de fusion ou supérieure, elles ont un comportement visqueux et s’écoulent à la façon de liquides (plis d’écoulement).

On peut alors définir des niveaux structuraux qui sont des domaines de l’écorce terrestre où les mécanismes dominants de la déformation restent les mêmes :
— le niveau structural supérieur est le domaine des failles ;
— le niveau structural moyen est le domaine des plissements isopaques ;
— le niveau structural inférieur est le domaine des plis anisopaques ou semblables. Dans la tranche supérieure, ces plis sont accompagnés d’une schistosité (plis d’aplatissement) ; dans la partie inférieure, la schistosité disparaît et fait place à l’écoulement (plis d’écoulement).

À l’échelle d’une chaîne de montagnes et après érosion, le niveau structural inférieur forme le cœur de l’édifice : il est entouré par le niveau structural moyen et par le niveau structural supérieur. Certaines chaînes, comme le Jura, n’ont pas de schistosité et ne présentent que les niveaux structuraux moyen et supérieur.


Les tectoniques superposées

Il est rare qu’une chaîne de montagnes se soit formée en une seule fois ; le plus souvent, les déformations de nature différente se sont succédé dans le temps, et les déformations les plus récentes reprennent et déforment les structures plus anciennes.

Par exemple, dans les chaînes géosynclinales, à une ou plusieurs phases de compression qui se sont traduites par des plissements et des nappes de charriage, succède une phase de grandes cassures à rejets verticaux qui débitent la chaîne en autant de segments, portant parfois le socle à des altitudes élevées où il est la proie de l’érosion et devient accessible à l’observation directe.


La tectogenèse

Dans la formation d’une chaîne de montagnes, on peut distinguer la tectogenèse, qui traite de la genèse des structures, et l’orogenèse, qui traite de la genèse des reliefs : généralement, tectogenèse et orogenèse se succèdent dans le temps.


Relation avec la morphologie

Dans les parties superficielles des chaînes, la tectonique est souvent liée à la morphologie. C’est le cas dans les chaînes comme le Jura ou la Provence, émergées depuis le Crétacé et où les principales déformations d’âge tertiaire se sont faites à l’air libre. De là est née la morphotectonique.

En Provence, par exemple, les chevauchements de la fin de l’Éocène se sont localisés à l’emplacement de charnières anticlinales érodées après les plissements de la fin du Crétacé. Dans le Jura, les chevauchements ont pu se faire sur des surfaces d’érosion, et des failles ont pu se déformer, donnant naissance à des failles-plis.


Les théories tectogéniques

Le mécanisme des déformations a suscité de nombreuses théories, dont celle des cratères de soulèvement dus à la montée des matériaux éruptifs ou à l’expansion de gaz internes. Dans la théorie de la contraction, l’écorce se serait déformée pour compenser la contraction des parties internes du globe provoquée par un refroidissement de la Terre. On a envisagé ensuite le déplacement de blocs continentaux (sorte de grands radeaux de sial essentiellement granitiques) sur leur soubassement de sima (roches ultrabasiques), sous l’action de grands courants de convection interne.

Actuellement, la théorie de l’expansion océanique et la théorie des plaques remettent à l’honneur la théorie de la dérive des continents de Wegener. Six grandes plaques rigides et indéformables s’écartent les unes des autres dans les zones océaniques et pivotent sur elles-mêmes, entraînant l’existence de zones de compression et de zones de distension.


Classification des chaînes de montagnes

En tenant compte de leur structure, de leur position et de leur histoire géologique, on peut classer les chaînes de montagnes en trois catégories.

• Les chaînes intracontinentales (Pyrénées). Elles montrent un raccourcissement modéré et le plutonisme est généralement absent ; on y trouve rarement de grands chevauchements, et la structure en éventail est fréquente ; une mention particulière doit être faite pour les chaînes, comme le Jura et les Alpes de Provence, qui résultent d’un décollement généralisé de la couverture sur le socle et pour lesquelles on parle de chaînes de couverture.

• Les chaînes liminaires ou périocéaniques (Andes). Elles sont caractérisées par une zone de subduction jalonnée par une cicatrice longitudinale marquant l’enfoncement de la lithosphère dans le manteau et son association avec un métamorphisme de haute pression.

• Les chaînes biliminaires ou géosynclinales (Alpes ; chaînes périméditerranéennes). Elles résultent de l’affrontement de deux blocs continentaux (ou plaques) d’abord séparés par un océan disparu et sont caractérisées par des grandes nappes de charriage et un métamorphisme intense.

Une masse considérable de documents a été accumulée sur les chaînes de montagnes ; les mécanismes commencent à être connus en particulier pour les périodes les plus récentes de leur formation. Des problèmes demeurent surtout dans l’analyse des chaînes les plus anciennes, dont les structures ont été reprises par des déformations plus récentes.

P. C.

➙ Alpes / Chaîne de montagnes / Géosynclinal / Orogenèse.