Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Auguste (suite)

Son œuvre religieuse est marquée par l’affirmation de son traditionalisme. Celui-ci transparaît dans son attachement au rétablissement des collèges les plus vénérables : Auguste rend vie aux fétiaux et aux saliens ; il soutient de ses subventions les frères arvales. Il fait reprendre les plus vieux rites interrompus depuis plusieurs années, comme la course des luperques autour du Palatin, comme la fermeture du temple de Janus, marque de la paix revenue, comme les féries latines en l’honneur du Jupiter des monts Albains. Cette attitude se traduit aussi par la construction de temples dans Rome ; Auguste a pu se vanter d’avoir restauré quatre-vingts temples dans la ville ; c’était, pour lui, la preuve matérielle éclatante de la place prééminente qu’il donnait aux dieux. Ce côté « traditionaliste » a sa contrepartie dans une tendance antiorientale prononcée ; elle est due, en très grande partie, à la lutte contre Antoine, qui, nouveau Dionysos, avait voulu symboliser le triomphe de l’Orient. Dès 28, les chapelles privées des divinités égyptiennes Isis et Sérapis sont supprimées ; le culte de Cybèle est ensuite transformé en culte romain par la suppression des rites orientaux. Enfin, Auguste montra toujours une certaine méfiance à l’égard du dieu des Juifs.

En suivant cette politique, il peut sembler qu’Auguste veuille restreindre Rome au cercle de ses anciennes divinités. Mais il fait un choix parmi les dieux ; son choix est personnel, mais souvent dicté par des nécessités politiques. C’est pourquoi il est possible de parler de divinités proprement « augustéennes ».

L’empereur met en valeur, pour des raisons avant tout dynastiques, les cultes de Mars et de Vénus, invoqués sous les noms de Venus Genitrix (la Mère) et de Mars Ultor (le Vengeur). Ils proclament tous deux l’immortalité de César puisqu’ils passent pour être les ancêtres de la famille des Iulii, et donc d’Auguste lui-même. Près du vieux Forum républicain s’élevèrent bientôt les temples de ces deux divinités « familiales ». Le temple de Mars, vengeur de la mort de César (Octave l’a promis au dieu en 42, à la veille de la bataille de Philippes), devient rapidement le mémorial des gloires militaires de Rome ; on y dépose les ornements triomphaux, et le sénat peut s’y réunir pour décider de la guerre.

Mais, à cette époque, un dieu prend la première place ; c’est le protecteur personnel d’Auguste, Apollon. Ce choix reste peu clair ; il s’explique peut-être parce qu’Apollon était le dieu protecteur de sa famille (Octave ne passait-il pas pour être né de la visite qu’Apollon, sous la forme d’un serpent, fit à sa mère ?) ; et, sans doute, surtout parce que, du haut du promontoire d’Actium, Apollon avait présidé à la victoire décisive d’Auguste sur Antoine. Le princeps lui fit construire le plus grand temple de Rome, sur le Palatin, près de sa demeure. Les cérémonies en l’honneur d’Apollon furent le point culminant des jeux séculaires de 17 av. J.-C ; il a redonné pour une nouvelle période de cent dix ans toutes les forces de la jeunesse à Rome ; il est devenu le garant de l’harmonie de l’univers, de la paix et des temps heureux qui attendaient les Romains. Cet « apollinisme » s’accompagna d’une perte de prestige de la triade capitoline ; le temple de Jupiter, Junon et Minerve perdit le privilège de conserver les Livres sibyllins, qui furent transférés dans le temple d’Apollon.

Cependant, l’action d’Auguste ne trouva pas là son terme. Tout son règne fut marqué par des essais de valorisation sacrée de sa personne. Certains aspects de son action religieuse accentuèrent l’aura que le titre d’Augustus lui avait déjà donnée. C’est ainsi que, devenu grand pontife, il n’alla pas, comme il était naturel, habiter la Regia, sur le Forum. Mais il rendit publique une partie de sa demeure, qui se trouvait sur le Palatin, à côté du temple d’Apollon ; il y fit construire un autel de Vesta. C’est désormais dans son domaine que se trouvait le centre de la religion officielle romaine.

Comme tout homme, Auguste possédait un genius, cette puissance indiscernable qui assurait à chaque être son rayonnement vital. Très vite, les Romains prirent l’habitude de l’invoquer et de prêter serment sur lui. Ce genius fut aussi associé au culte des lares de carrefour qui étaient vénérés par la plèbe. C’était, mystiquement, donner plus de force au génie de l’empereur, et augmenter sa puissance déjà surhumaine.

Cette sacralisation était évidemment accentuée par sa filiation avec son père divinisé, le Divin Jules, à qui un temple avait été élevé sur le Forum dès 29. Cependant, il ne faudrait pas croire qu’Auguste était, de ce fait, considéré comme un dieu ; on ne lui rendait pas un culte vraiment personnel ; d’ailleurs le prince ne permit des temples à son nom que si ces édifices étaient dédiés à « Rome et Auguste », c’est-à-dire à la déesse Rome et à son représentant sur terre Auguste, qui n’était qu’un homme. Dans ce domaine, il se présenta toujours comme respectueux de la tradition, et son attitude fut parfaitement comprise en Italie et en Occident. Il n’en fut pas de même en Orient, où l’habitude était de diviniser un homme de son vivant, et où s’élevèrent très vite des temples en l’honneur du dieu Auguste.

Ce sont là les premières formes du culte impérial. Auguste sut les contenir, de son vivant, dans des limites presque purement romaines. Elles sont, en tout cas, l’expression des croyances personnelles du princeps, de sa politique de prudence religieuse et de sa réponse au renouveau général du sentiment religieux.


Auguste organise l’Empire dans la paix

Le désir d’ordre que nous voyons dans toute la politique d’Auguste se traduit par une administration régulière et qui veut être satisfaisante pour tous. L’empereur prend seul les décisions, mais il sait s’entourer des hommes les plus compétents dans leur domaine ; c’est ainsi que se forme peu à peu un véritable conseil impérial, mais sans existence légale, ni composition fixe.