Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sommeil (suite)

Chez l’enfant

Les troubles du sommeil sont très fréquents et présents chez quarante enfants sur cent en moyenne dans une consultation de neuropsychiatrie infantile en milieu urbain. Il n’est pas douteux que les conditions de la vie moderne, la mauvaise qualité de l’habitat, l’excitation artificielle audiovisuelle entretenue par la radio et la télévision entrent pour une grande part dans ces troubles. Mais il est certain aussi que le sommeil perturbé constitue souvent le signe d’un conflit parents-enfants ou d’une angoisse profonde qui est liée à un traumatisme affectif.

Chez le nourrisson et le petit enfant, on observe fréquemment une inadaptation du cycle du sommeil au rythme de l’alimentation imposé par la mère : une grande souplesse doit présider à l’horaire des repas et, tout particulièrement, du dernier repas si l’enfant dort mal. Sans aller jusqu’au repas de nuit, on peut recourir à des horaires plus libres, inégalement espacés dans les biberons, et à une réduction du nombre de ces derniers : mais, parfois, une ration alimentaire insuffisante donne lieu à un mauvais sommeil. Il s’agit d’un nourrisson criard, agité, dont la courbe de poids progresse lentement ; il suffit d’augmenter les quantités de lait ou de farine, surtout au dernier repas. La mauvaise tolérance digestive du lait utilisé entraîne aussi des fermentations, des douleurs abdominales, des troubles du transit intestinal, etc. : un changement de lait peut amener une nette amélioration du sommeil. La mauvaise hygiène du sommeil aussi (température trop élevée, habillage excessif de l’enfant pour la nuit, humidité insuffisante de l’air) explique les nuits agitées avec des réveils fréquents. Enfin, les enfants semi-abandonnés dans la journée par des parents qui travaillent, inactifs, confiés à une nourrice qui ne s’en occupe guère ou gardés par une mère surmenée limitée à des tâches ménagères n’ont souvent pas assez d’activités motrices pour leur tempérament excitable, anxieux. Leur sommeil nocturne trop léger et court retentit fâcheusement sur l’équilibre nerveux des parents, qui deviennent anxieux et agressifs. Une aide maternelle pour la mère de famille nombreuse, un changement de nourrice ou une séparation transitoire pour la mère qui travaille seront les solutions les meilleures. Il faut consacrer à ces enfants des promenades et des jeux au grand air.

Chez le grand enfant, les troubles du sommeil tiennent souvent à deux ordres de facteurs : un terrain nerveux avec instabilité ou hyperexcitabilité neuropsychique ; une ambiance affective anormale, génératrice de conflits, d’angoisse et d’insécurité. Il peut s’agir de difficultés d’endormissement, que l’on rencontre chez des enfants émotifs et phobiques qui ont peur du noir ou qui ont des phénomènes hypnagogiques très marqués (images effrayantes qui défilent dans l’esprit juste avant l’entrée dans le sommeil) : les spectacles télévisés, les lectures de contes fantastiques, les films terrifiants, les disputes parentales du soir favorisent ces difficultés d’endormissement.

Il peut s’agir aussi de cauchemars très intenses avec hurlements de l’enfant, qui appelle ses parents à l’aide. Lorsqu’ils sont très fréquents, ils traduisent toujours un climat d’insécurité familial ou scolaire. La terreur nocturne se voit chez les enfants plus jeunes. Le somnambulisme réalise une manifestation très originale du sommeil pathologique et s’observe surtout chez l’enfant et l’adolescent. Il se définit comme une activité organisée survenant au cours du sommeil, qui ne laisse aucun souvenir au dormeur. C’est par le récit des proches, la découverte d’anomalies dans sa chambre ou dans sa maison que le somnambule reconnaît son activité automatique. Celle-ci est le plus souvent cohérente et assez bien adaptée, mais parfois les déambulations et les gestes du dormeur ne paraissent avoir aucun but précis.

L’électro-encéphalogramme ne montre qu’exceptionnellement des signes d’épilepsie, et la majorité des somnambules ne sont pas épileptiques. Le caractère familial de ce trouble curieux est bien établi. Il y a des familles de somnambules. Le pronostic est favorable, car ces manifestations disparaissent généralement chez l’adulte jeune.

Les épilepsies morphéiques, c’est-à-dire celles dont les crises surviennent électivement la nuit au cours du sommeil, donnent lieu à une agitation psychomotrice qui peut être interprétée par la famille comme un « mauvais rêve » ou de la « nervosité ».

En résumé, hormis les cas particuliers que nous venons de signaler (épilepsie, somnambulisme), les troubles du sommeil sont à la fois en rapport avec un terrain neuropsychique particulier et avec des perturbations affectives. Les plus tenaces et les plus graves peuvent traduire une névrose ou une psychose infantiles : mais les autres, qui accompagnent un état dépressif ou succèdent au surmenage scolaire ou sportif, à une mauvaise hygiène de vie, à un milieu familial ou scolaire défavorable, sont beaucoup plus accessibles au traitement. L’action thérapeutique devra porter sur l’attitude des parents, des frères et sœurs, un changement de cadre, des activités physiques modérées et régulières. La psychothérapie, même brève, est indispensable dans les troubles névrotiques caractérisés. Les médicaments sont une aide précieuse, mais il faut éviter autant que possible les somnifères vrais. Il vaut mieux donner à l’enfant des sédatifs, des tranquillisants ou des neuroleptiques à doses faibles : la lévomépromazine, la prométhazine, l’alimémazine, la thioridazine, le méprobamate, le diazépam, le chlordiazépoxyde, la propériciazine, les préparations calciques et bromurées, etc.


Les hypersomnies

Les besoins excessifs de sommeil et les sommeils anormalement prolongés sont dus à un surmenage, à une dépression névrotique, à une névrose hystérique, à une maladie générale ou à une atteinte des centres nerveux. Ainsi, l’encéphalite virale de von Economo, dite « encéphalite léthargique », la maladie du sommeil, maladie parasitaire grave due au développement dans l’organisme d’un Protozoaire flagellé, le Trypanosome, qui est transmis à l’homme par la Glossine, ou Mouche Tsé-Tsé, diverses lésions telles que abcès du cerveau, tumeurs cérébrales, lésions cicatricielles consécutives à un traumatisme crânien (ramollissement du tronc cérébral supérieur) peuvent provoquer l’excès de sommeil, ou hypersomnie.

En revanche, le syndrome de Gélineau se manifeste sans lésion organique connue : les malades sont la proie, très brusquement, d’un sommeil invincible, la narcolepsie, qui évolue par accès. Parfois, celle-ci s’associe à une baisse du tonus musculaire, éventuellement responsable d’une chute (cataplexie) déclenchée par une émotion ou une surprise.

G. R.

➙ Rêve.