Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Atlantique (océan) (suite)

Au point de vue topographique, c’est une chaîne montagneuse, élément essentiel du relief terrestre, et dont on a reconnu la continuité entre les pôles. Localement, elle est interrompue par d’étroites brisures en forme de décrochements, soulignées par de profondes dépressions, comme la fosse de la Romanche (7 758 m), encore balayées par des courants notables à 5 000 m. Ces brisures isolent des tronçons remarquables, comme les dorsales Mohn et de Reykjanes, de part et d’autre de l’Islande.

Dans la confusion de ces reliefs vigoureux et heurtés, on distingue :
a) une zone de crêtes, dont les sommets varient entre 1 500 et 3 000 m, les plus hautes portant des îles comme l’Islande ou les Açores. Sur une grande partie de son parcours, l’axe de la dorsale est creusé par une « vallée » médiane, parfois double ou triple, dont la forme n’est pas sans évoquer une fissure tectonique. Les aspects de cette dépression peuvent être très divers, puisque son plancher est dénivelé de quelques centaines de mètres à plus de 2 km sous le niveau des crêtes. Les versants sont souvent abrupts et rocheux. La largeur de la zone de crêtes varie entre 25 et 30 km ;
b) des contreforts, qui sont formés de petits chaînons adjacents, d’altitude décroissante vers les bordures, parfois étagés en deux ou trois gradins, souvent entaillés par de véritables bassins montagnards aux dimensions réduites. La régularité topographique de ces petites plaines semble provenir d’apports sédimentaires récents (pléistocènes) et pélagiques (absence de sédiments continentaux), dont l’épaisseur croît vers les plaines abyssales.

Au point de vue géologique, la dorsale est constituée de basaltes. Mais, alors que les îles et certains dômes sous-marins sont modelés dans des basaltes à olivine, la chaîne a été édifiée par l’accumulation d’un basalte spécifique dit « tholéitique », vacuolaire, mis en place par des effusions sous-marines, comme en témoignent les très curieuses formes en coussins, dues à un refroidissement brutal sous l’eau. En certains secteurs, l’empilement de laves est tel qu’il parvient à combler et à faire disparaître la vallée axiale, comme au sud de l’Islande. Ces épanchements seraient responsables du dessin alterné des anomalies magnétiques disposées parallèlement aux crêtes. Parfois incorporés à des sédiments d’épaisseur variable, ils constituent la « couche 2 ».

Mais la dorsale n’est pas qu’un épanchement, elle est également un phénomène tectonique. D’abord parce qu’elle correspond à une remontée des assises profondes de l’écorce terrestre : les basaltes reposent sur un substratum qui serait constitué d’une péridotite « serpentinisée » formant la « couche 3 » (ou océanique, la vitesse du son y étant égale à 6,7 ± 0,3 km/s). Elle est soutenue par un grand bombement du manteau supérieur (v = 8,1 ± 0,3 km/s). Dans la zone de crêtes, on a constaté la présence d’une assise intermédiaire (v = 7,1 à 7,6 km/s) remontant au travers du manteau et de la couche 3. Mais, de plus, les décrochements qui affectent la dorsale sont interprétés comme des failles vivantes appartenant à de grandes zones de fractures zébrant le fond de l’Atlantique. Toute la zone de crêtes est secouée de séismes aux foyers peu profonds, signes d’une instabilité propre aux régions terrestres en cours d’évolution.

Les spécialistes ne sont pas parvenus à un accord quant à l’origine de la chaîne sous-marine. Divers auteurs estiment que l’Atlantique est né de mouvements verticaux engendrés par une ascendance de convection amenant des injections de magmas profonds vers la surface, sous l’emplacement de l’axe de la dorsale, correspondant à un gigantesque bombement de la croûte terrestre. À l’autre extrémité du système de convection se produirait une descente de la croûte contre les arcs insulaires américains ou les blocs précontinentaux. Mais, pour d’autres chercheurs, la vallée axiale est la cicatrice d’une ouverture progressive du fond de l’Océan, chaque bâillement ayant donné lieu à de nouvelles émissions de laves repoussant les coulées antérieures vers les marges. L’élargissement progressif de la dorsale, matérialisé par les rubans des anomalies magnétiques, suppose donc une expansion de tout l’Atlantique et un écartèlement des continents, initialement soudés. La dérive ne semble pas avoir connu un mouvement continu : aux endroits séparant des régions de vitesses d’expansion différentes, la dorsale est déboîtée par des « failles de transformation », où l’on enregistre les secousses telluriques les plus violentes. Les reconstitutions de l’assemblage continental initial comme les étapes de la disjonction ne sont pas encore arrêtées. On admet que la vitesse d’expansion des fonds de l’Atlantique varie autour de quelques centimètres par an.

• Les bassins. De part et d’autre de la dorsale existe une double chaîne de dépressions, subdivisées en bassins par des seuils. On y distingue trois parties.

Près des continents, les portions les plus planes sont les plaines abyssales, parfois reliées entre elles par des passes (par exemple, la passe Theta, entre les plaines abyssales de Gascogne et d’Ibérie, et la passe de la Vema, entre les plaines Hatteras et Nares). Elles sont remblayées par des dépôts parfois grossiers, associés à des mollusques d’eau peu profonde, apportés par des courants de turbidité. Par leur épaisseur, ces « turbidites » masquent les inégalités antérieures du soubassement.

La périphérie des plaines abyssales est faite de reliefs montueux, sans orientation prédominante, où les sédiments épais paraissent avoir été déformés lors de l’expansion des dorsales. Parfois, ces reliefs sont hérissés de cônes, comme les montagnes Kelvin et Corner dans le bassin nord-américain. Seul le bassin argentin paraît avoir été épargné par ces déformations tectoniques.

Les seuils sont des hauts-fonds en forme de segments unissant les dorsales aux précontinents. Ils servent de limites naturelles aux bassins et appartiennent à plusieurs catégories.
a) Certains sont en réalité le prolongement des structures continentales, qui sont ornées d’apophyses ; c’est le cas du seuil de Terre-Neuve.
b) D’autres sont de nature volcanique, comme les seuils de São Roque et du Cap, et hérissés de pitons, dont les sommets atteignent parfois seulement quelques dizaines de mètres sous la surface de la mer, comme ceux qui sont situés au large du Portugal et du Maroc. Plusieurs édifices volcaniques sont construits sur le prolongement naturel des failles de transformation affectant la dorsale.
c) Enfin, d’autres seuils sont des barrières massives apparemment formées d’anciens lambeaux de continents isolés par des fractures : c’est le cas des seuils des Féroé, du cap Vert, du Rio Grande ou de Walvis. Le volcanisme y est depuis longtemps inactif, et la séismicité faible.