Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Séville (suite)

C’est aux xvie et xviie s. que la ville connut son apogée, quand elle disposait du monopole du commerce avec le Nouveau Monde et que les bateaux venaient débarquer les métaux précieux des Amériques au pied de la Torre del Oro (tour de l’Or). Une épidémie de peste en 1649 et de graves inondations la ruinèrent au moment où les navires, augmentant de taille, rencontraient de plus en plus de difficultés pour remonter le Guadalquivir : Séville perdit au profit de Cadix le commerce des Indes et connut jusqu’au xxe s. une longue éclipse. La reprise s’amorça avec les travaux d’hydraulique sur le Guadalquivir, tant pour l’irrigation que pour l’aménagement et l’accès du port. Mais c’est surtout depuis la guerre civile que Séville connaît un essor rapide : l’implantation d’industries sous l’égide de l’État (usine stratégique de constructions aéronautiques Hispano-Aviación, usine textile H. Y. T. A. S. A. en liaison avec l’extension de la culture du coton sur les terres irriguées, ateliers de construction navale, usine de tracteurs) a attiré un grand nombre de ruraux en quête de travail. La population, qui s’était élevée de 148 000 habitants en 1900 à 228 000 en 1930, est passée à 442 000 habitants en 1960 et a encore augmenté de plus de 100 000 habitants dans les dix années suivantes.

Il en résulte une rapide extension de la ville. La vieille ville s’était établie sur la rive gauche du Guadalquivir, dans le lobe convexe d’un méandre. Une ceinture de boulevards la limite à l’est, sur l’emplacement des murailles médiévales, dont on peut encore voir les restes en bordure du quartier de la Macarena, au nord-est, ainsi que près de l’Alcázar, au sud. Entre la cathédrale et les jardins de l’Alcázar, les rues tortueuses et les petites places du pittoresque quartier de Santa Cruz conservent le souvenir de la ville médiévale, tandis que, plus au nord, de part et d’autre de la rue très commerçante de las Sierpes et de la belle Alameda de Hércules, d’innombrables monuments rappellent l’âge d’or de Séville. Au xixe s., la ville s’était adjoint au sud le magnifique parc de María Luisa, qui abrita en 1929 l’Exposition ibéro-américaine. De longue date, elle avait débordé sur l’autre rive, où se trouve le faubourg de Triana, célèbre par sa fabrique de faïence. C’est de ce côté que les quartiers résidentiels aisés se développent de nos jours : après le quartier de Los Remedios, au plan géométrique, l’expansion gagne San Juan de Aznalfarache et tend à s’étaler au pied du rebord du plateau de l’Aljarafe. Les quartiers populaires se développent au contraire vers l’est, au-delà de la voie ferrée, de part et d’autre des routes de Cordoue et de Cadix ainsi que le long de celle d’Alcalá de Guadaira, qui sert d’axe à un polygone industriel destiné à améliorer la situation de l’emploi.

Séville doit, en effet, faire face à une grave crise de croissance. L’afflux des ruraux ne se ralentit pas, alors que les grandes entreprises industrielles connaissent des difficultés : Hispano-Aviación, malgré une conversion partielle, a dû licencier une partie de son personnel ; H. Y. T. A. S. A. résiste difficilement à la concurrence depuis que la libéralisation des échanges a provoqué le déclin de la culture du coton ; l’usine de tracteurs a dû fermer ses portes. Au total, l’industrie n’emploie que 21 p. 100 de la population active, et la construction que 10 p. 100 environ. Avec 46 p. 100, le secteur tertiaire (commerce, administration, tourisme) est anormalement gonflé. Ce sont là des traits de ville de pays sous-développé.

Séville, en effet, se trouve à la tête d’une région purement rurale, à l’écart des grands courants de circulation de la Péninsule. De plus, l’accès de son port reste difficile. Un projet grandiose d’aménagement d’un canal de Séville à Bonanza par le recoupement des méandres et l’approfondissement à 9 m du chenal devrait améliorer la navigation en même temps qu’il contribuerait à résoudre le problème de l’écoulement des eaux en période de crue. Séville est constamment menacée d’inondation par le Guadalquivir et ses affluents de rive gauche. Tout un système de digues de protection a déjà été construit ; le cours des rivières affluentes a été détourné ; le tracé du Guadalquivir a été reporté vers l’ouest par la Corta de Tablada, qui a fait du tronçon du fleuve qui passait au pied de la Torre del Oro un bras mort, où le tirant d’eau est maintenu à 9 m grâce à une écluse située à l’aval du port. Mais tous ces travaux très coûteux n’avancent que lentement, et l’on peut se demander s’ils suffiront à assurer le redémarrage d’industries en perte de vitesse. L’avenir de Séville reste préoccupant.

R. L.


L’histoire

Séville est l’antique Hispalis qui tombe successivement aux mains des Phéniciens, des Grecs, des Carthaginois et des Romains. Au ve s., les Vandales, qui laissent leur nom à la province d’Andalousie, s’en emparent à leur tour. En 461, Séville est la capitale d’un royaume wisigoth ; au milieu du vie s., Justinien y restaure pour quelque temps la puissance impériale.

De 601 à 636, le siège épiscopal de Séville a pour titulaire l’un des plus illustres docteurs de cette époque, Isidore, qui s’emploie à condenser dans un grand ouvrage, les Etymologiae, la somme des connaissances de son temps, legs du monde antique mis au service des croyances chrétiennes.

Conquise en 712 par les Berbères de Ṭāriq, Séville tombe bientôt sous la dépendance de Cordoue, mais conserve, dans le cadre du califat omeyyade, son importance politique. En 844, cependant, les Normands n’hésitent pas à remonter le Guadalquivir et à menacer la ville. Après la chute du califat au xie s., Séville devient la capitale du royaume indépendant des ‘Abbādides*. Avec le règne des Almohades*, qui débute à Séville en 1147, la cité se couvre de superbes édifices, dont certains subsisteront (Alcázar, Giralda, Torre del Oro).

C’est à Séville que le calife Muḥammad al-Nāṣir rassemble ses armées pour résister aux soldats chrétiens de Pierre II d’Aragon et d’Alphonse VIII de Castille. Il est battu à la sanglante bataille de las Navas de Tolosa le 16 juillet 1212. Au milieu du xiiie s., Ferdinand III de Castille entreprend la reconquête de l’Andalousie et, le 23 novembre 1248, il entre à Séville.

La ville devient une cité puissante, et son importance commerciale ne fait que grandir. À la fin du xiiie s., elle est la capitale du roi de Castille, Alphonse X* le Sage.