Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

schizophrénie (suite)

Schizophrénie infantile

On a désigné ainsi un groupe de psychoses très diverses survenant entre le stade du nourrisson et celui de la puberté, ce qui exclut les schizophrénies de l’adolescent, rattachées à celles de l’adulte. Classiquement, la schizophrénie de l’enfant de la naissance à douze ans (environ) se définit comme une affection psychotique, non démentielle à l’origine, d’évolution spontanée chronique et progressive, caractérisée par une perte du contact avec la réalité, une perturbation massive des relations avec l’entourage, des manifestations spéciales de régression affective et intellectuelle, un comportement discordant. Si intenses que soient les troubles de la schizophrénie infantile, aucune lésion cérébrale organique évidente, aucun signe neurologique objectif ne les justifient, du moins dans l’état actuel de nos connaissances. De nombreux travaux ont mis en lumière le rôle des facteurs psychologiques dans leur genèse (en insistant sur les possibilités psychothérapiques qui en découlent), mais cela n’élimine en rien celui des facteurs organiques. Ces derniers tiennent sans doute à un équipement héréditaire ou génétique anormal du système nerveux, à des dysfonctionnements biochimiques encore inconnus.

On utilise plus volontiers actuellement le terme plus vaste de psychose infantile, dont on distingue deux types essentiels selon l’âge d’apparition des symptômes. Durant les cinq ou six premières années de la vie, il s’agit de désordres massifs avec absence plus ou moins complète de communication par le langage. Ces enfants, pourtant, ne sont ni débiles ni déments. Leur intelligence peut être vive et leurs gestes adroits. De six ans à la puberté dominent les idées délirantes et les discordances de l’affectivité et de la conduite. L’évolution, autrefois considérée comme sombre, vers un état démentiel, s’avère en fait très variable selon les cas, du moins sous traitement. Certaines formes aboutissent à une schizophrénie typique à l’adolescence. D’autres s’améliorent à l’âge adulte. Certaines se stabilisent à un niveau qui rappelle la débilité mentale simple. Quelques-uns de ces enfants peuvent s’adapter dans des domaines scolaires, puis professionnels très étroits.

G. R.

➙ Démence / Folie / Psychose.

 P. Minkowski, la Schizophrénie. Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes (Desclée De Brouwer, 1954). / J. Burstin, Désagrégation, régression et reconstruction dans la schizophrénie (Privat, Toulouse, 1963). / J. R. Smythies, Schizophrenia, Chemistry, Metabolism and Treatment (Springfield, Illinois, 1963). / L. Wolfson, le Schizo et les langues (Gallimard, 1970). / G. Heuyer, la Schizophrénie (P. U. F., 1974). / J. Broustra, les Schizophrènes (Delarge, 1975).

Schleiermacher (Friedrich Daniel Ernst)

Théologien protestant (Breslau 1768 - Berlin 1834).


Successivement formé aux disciplines de la philologie, de la philosophie et de la théologie, Schleiermacher a connu une éblouissante carrière de prédicateur et de professeur de théologie. Fortement marqué dans son enfance par la spiritualité du piétisme, il s’ouvre à la philosophie des lumières, relie celle-ci à toute l’histoire de la pensée et fréquente assidûment les salons berlinois où se rencontrent les jeunes romantiques. Sa curiosité inlassable, ses conversations avec l’élite intellectuelle de son temps lui inspirent le désir de réconcilier religion et culture. En 1799, il publie les Discours sur la religion aux esprits cultivés détracteurs de celle-ci : titre hautement significatif d’une visée apologétique nouvelle ; il s’agit de montrer aux beaux esprits comme aux esprits forts qu’on ne saurait être véritablement cultivé en négligeant une dimension fondamentale de l’humanité : la vie religieuse.

Après quelques tensions avec le pouvoir royal, qui se méfie de son indépendance idéologique, Schleiermacher, couvert d’honneurs et entouré d’un respect croissant, publie ses œuvres majeures : en 1811, la Brève Exposition de l’étude de la théologie ; en 1821-22, la Foi chrétienne, d’après les principes de l’Église évangélique.

Poursuivant la démarche analytique, il opère, en fait, une véritable révolution copernicienne en théologie : « La religion est intuition de l’Univers » ; par elle, l’homme est mis en relation avec l’infiniment bon qui l’attire et l’enthousiasme, le dépouillant de ses étroitesses particularistes et égoïstes, lui permettant d’accéder à la pleine dimension de son humanité.

Le fait chrétien décisif, celui à partir de quoi on peut fonder une discipline réflexive, la théologie, c’est la piété, caractérisée par le « sentiment d’absolue dépendance ». Là où cela est reconnu, mieux : éprouvé, plus encore : vécu, là est posée la base d’une communion véritable tout entière animée d’un souffle d’immortalité.

Sans doute n’est-ce pas l’homme qui provoque en soi-même la naissance d’un sentiment sui generis. Seul peut en être l’origine Celui qui est le centre et le fondement de la vie universelle, Celui qui a été perçu de façon particulièrement intense dans l’exceptionnelle conscience du Christ. Ainsi, de proche en proche, suivant un itinéraire inductif — c’est-à-dire : partant de la subjectivité humaine, à l’opposé de la théologie classique, dont le point d’ancrage est la doctrine de Dieu —, Schleiermacher retrouve tous les grands thèmes de la dogmatique traditionnelle. Mais piétiste, homme de l’Aufklärung et du romantisme, c’est leur portée, leur impact existentiaux qui l’intéressent. Il retrouve méthodologiquement l’itinéraire spirituel d’un Luther et, père de tout un courant très moderne, il annonce aussi bien les critiques radicales d’un Feuerbach* que les intuitions exégétiques d’un Bultmann*.

Il est, à côté de Hegel*, qui fut son vis-à-vis à Berlin, un des deux géants qui dominent toute la recherche intellectuelle du xixe s., à la racine des grands courants libéral protestant et moderniste catholique. Même les nécessaires réactions théologiques et ecclésiastiques, suscitées par l’interpellation de Schleiermacher, resteront profondément marquées par elle : jusqu’à la fin de sa vie, un Karl Barth* sera constamment fasciné par l’audace et la puissance d’un homme qui, à l’orée de l’époque contemporaine, a renouvelé profondément la forme et le fond de la théologie chrétienne.

Parmi les ouvertures fécondes apportées par son œuvre, il faut au moins mentionner trois domaines.