Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Salamanque (suite)

L’essor urbain imposa de construire une cathédrale plus vaste. On eut le bon goût de conserver aussi l’ancienne, avec ses chapiteaux romans, la chapelle de San Martín et ses belles peintures gothiques, le colossal retable du maître-autel, chef-d’œuvre de l’Italien Nicolás Florentino (v. 1445), le cloître et ses trésors d’art. La Catedral Nueva écrase l’ensemble roman par ses proportions. Bien qu’ayant été construite au xvie s. (1513-1550), elle demeure encore fidèle aux traditions gothiques.

Le beau couvent dominicain de San Esteban, commencé en 1524, est infiniment plus représentatif des tendances artistiques de l’époque. Son architecte, Juan de Álava († 1537), formé sur les chantiers gothiques des cathédrales, sut en dépasser les pratiques surannées.

On ne manquera pas de visiter le cloître Renaissance du couvent de las Dueñas, plein de fantaisie, ainsi que l’immense collège des jésuites, la Clerecía ; son église, commencée en 1617 par Juan Gómez de Mora (1586-v. 1648), ambitionnait de rivaliser avec le Gesù de Rome.

Après l’université, l’ensemble monumental le plus célèbre de Salamanque est la Plaza Mayor, et ce à juste titre, car il n’est pas de plus belle place en Espagne. Les plans furent demandés en 1728 à Alberto Churriguera, que sa liberté dans la création artistique fit un jour classer parmi les « fous délirants ». Son œuvre est cependant d’une haute distinction, à la fois vivante et solennelle.

La parure de la cité est encore assurée par quelques belles demeures nobles : la curieuse Casa de las Conchas (début du xvie s.), toute tapissée de coquilles, et surtout le palais Monterrey (vers 1539), de Rodrigo Gil de Hontañón (1500-1577), dont le dépouillement voulu des parties basses met en valeur la décoration riche et ferme de l’étage supérieur.

M. D.

Salazar (António de Oliveira)

Homme d’État portugais (Vimieiro, près de Santa Comba Dão, 1889 - Lisbonne 1970).



Les origines

Salazar naît à Vimieiro, près de Santa Comba Dão, petite ville de la Beira Alta, dans un milieu familial fort modeste et profondément catholique. D’abord destiné à la prêtrise, il fréquente pendant quelques années le petit séminaire de Viseu. En octobre 1910, il s’inscrit à l’université de Coimbra ; sept ans plus tard, sa thèse soutenue, il est nommé professeur assistant et, en 1918, professeur titulaire.

Avec son condisciple Manuel Gonçalves Cerejeira, le futur cardinal patriarche de Lisbonne, il rejoint en 1912 le centre académique de démocratie chrétienne. Étudiants et professeurs qui se réunissent dans ce cercle prétendent dépasser le dualisme monarchie-république que pose l’évolution récente du pays. Pour eux, le cadre politique est secondaire ; ce qu’ils veulent, c’est promouvoir une société catholique fondée sur les enseignements des encycliques pontificales, et tout particulièrement l’encyclique Rerum novarum de Léon XIII.

Cinq ans plus tard, ils prendront nettement position sur le plan politique avec la fondation du Centre catholique portugais : le nouveau parti entend lutter contre la République, régime qu’il estime individualiste et athée. Si les idées politiques et sociales du futur dictateur se dessinent dès cette époque, il n’en est pas de même en matière économique.

Rejoignant les vues du libéral Ezequiel de Campos, Salazar reconnaît que le Portugal doit renoncer à sa politique frumentaire et à la mise en valeur du Sud uniquement en fonction de la production du blé national. Dans un mémoire de 1916, Questão cerealífera. O trigo, il affirme que l’agriculture du Sud doit s’orienter vers des productions mieux adaptées et plus rentables. Douze ans plus tard, parvenu au pouvoir, il adoptera une politique radicalement opposée. Par contre, ses idées en matière de politique monétaire sont déjà formulées dans sa thèse de sciences économiques, O ágio do ouro, sua natureza e causas (1916), dont la parution fait beaucoup de bruit.


L’ascension

Les élections de 1921 permettent à Salazar une brève incursion dans la vie politique : député du centre catholique, il ne siège, à vrai dire, que peu de temps à la Chambre. Il ne semble pas participer à l’élaboration du putsch antirépublicain de 1926.

Dans la partie à trois qui se joue entre Manuel de Oliveira Gomes da Costa (1863-1931), Joaquim Mendes Cabeçadas Junior (1883-1965) et bientôt António Oscar de Fragoso Carmona (1869-1951), Salazar semble n’être qu’un simple pion : son entrée au ministère aurait été négociée contre la participation d’un monarchiste. Ministre des Finances le 12 juin 1926, Salazar se retire le 17, en même temps que les autres ministres « civils » de Coimbra : Mendes dos Remedios et Manuel Rodrigues Júnior. C’est en quelque sorte la rupture avec le clan militaire qui détient le pouvoir. Salazar mène dans le journal catholique As Novidades une virulente campagne contre son successeur aux Finances, le monarchiste Sinel de Cordes. De fait, les deux années de dictature militaire sont fatales au pays : les finances sont ruinées, et la monnaie s’effondre.

En 1928, le gouvernement, débordé, doit faire appel à Salazar. Ministre des Finances, celui-ci exige un droit de regard sur les dépenses de ses collègues, jouant ainsi, sans en avoir le titre, le rôle d’un véritable Premier ministre. C’est, pendant quelque temps, une collaboration entre les militaires et lui ; mais, dès son premier discours officiel, Salazar définit ses intentions : « Je sais très bien ce que je veux et où je vais [...] quant au reste, que le pays étudie, qu’il donne des suggestions, qu’il objecte et qu’il discute ; mais quand arrivera pour moi le moment de donner des ordres, j’attends de lui qu’il m’obéisse. »


Le maître du pays

En devenant président du Conseil en 1932, Salazar reste seul au pouvoir, continuant cette période de « dictature provisoire » qu’il a définie en 1930 et à laquelle la Constitution de 1933 est censée mettre fin. Durant la Ire République, deux forces d’opposition s’étaient constituées dans le pays : l’Union des intérêts économiques et le parti intégriste de l’Église catholique. Ce serait la conjonction de ces deux forces qui aurait porté Salazar au pouvoir. Mais, ni doctrinaire, ni idéologue, Salazar n’est pas l’homme d’un parti ou d’un système. Ne déclare-t-il pas en 1937 : « Je voudrais être objectif et impartial, et peut-être pourrais-je l’être : je me refuse à plier les faits aux exigences des conceptions théoriques et, bien que vivant un certain nombre de principes fondamentaux, je ne suis pas un fondateur de système. »