Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

Le développement économique et social

L’artisanat comme l’agriculture connaissent une remontée spectaculaire au cours des trente années qui suivent la paix. Le retour forcé des fugitifs augmente la population des villes. Au milieu du xviie s., on compte en Russie, en Ukraine et en Sibérie 226 villes, dont Moscou avec 200 000 habitants. Les premières manufactures apparaissent : à Moscou, la « Cour des canons » emploie vers 1630 plus de 100 ouvriers ; en 1632, le marchand hollandais Vinius construit trois fonderies-ferronneries près de Toula ; d’autres établissements métallurgiques s’installent près de Moscou et de Voronej ; en 1630, le Suédois E. Koet fonde une verrerie, et, à Moscou même, le gouvernement crée une manufacture de textile. À la fin du xviie s., le nombre total de manufactures n’atteint pas, cependant, trente établissements.


L’extension territoriale

À la fin du xviie s., la région la plus peuplée et la plus économiquement évoluée est le Centre, qui comprend Moscou, Iaroslavl, Nijni-Novgorod et Kalouga. Dans le Nord, Vologda, Veliki Oustioug et Arkhangelsk vivent de l’industrie salicole et de la pêche. La Russie s’agrandit en 1654 de l’Ukraine* et de la rive gauche du Dniepr, puis en 1667 de Smolensk et de sa région, dont les centres commerciaux sont Smolensk, Novgorod et Pskov, et où l’on cultive le lin et le chanvre. Dans le Sud, les villes de Belgorod, de Koursk, de Voronej, de Tambov et de Simbirsk, entre autres, sont peuplées par les fugitifs et les serfs donnés aux seigneurs par l’État. Dans la région de la Volga s’intensifient la colonisation et la christianisation. Plus à l’est, le long du Iaïk (Oural), les tribus Kalmouks et Nogay nomadisent aux confins des terres russes. Au nord du Caucase, la Kabarda ainsi que les territoires des Cosaques du Don appartiennent aux Russes. En 1651, les relations russo-géorgiennes se consolident.

Le xviie s. voit encore l’avance des Russes en Sibérie*, de l’Ob à l’Ienisseï, jusqu’à la Lena. Ils y construisent des fortifications qui servent de centres administratifs : Krasnoïarsk, Nertchinsk et Iakoutsk. Leur progression vers le nord les amène jusqu’à l’océan Arctique. En 1689, le traité de Nertchinsk, conclu avec l’empire des Qing (Ts’ing), enlève aux Russes de vastes territoires autour de l’Amour et leur barre la route vers la mer du Japon. L’exploitation de la Sibérie se développe : les paysans qui se sont installés dans la partie occidentale introduisent de nouvelles méthodes qui favorisent l’agriculture, le blé en particulier ; le sous-sol est exploité pour le fer et pour l’or.

À la fin du xviie s., la Russie est devenue un des territoires les plus grands du monde et le plus diversifié par sa géographie et sa population. Ces particularités entraînent la spécialisation des centres commerciaux et un échange intense entre les régions. C’est à cette époque que se forment les grandes fortunes issues du commerce, comme celles du boyard Morozov, de Miloslavski, des princes Tcherkasski et Bomodanouski. Le centre de commerce principal reste Moscou ; les autres villes qui pratiquent des échanges avec l’Occident sont Pskov, Novgorod, Tikhvine et Smolensk. Le principal port marchand, Arkhangelsk, dessert 75 p. 100 du trafic extérieur de la Russie.

La faiblesse économique du pays fait de celui-ci un marché de matières premières d’élection pour les pays d’Europe. La forte pénétration de commerçants étrangers dans le marché russe menace l’économie nationale. Au xviie s. apparaît ainsi une classe bourgeoise commerciale, mais l’agriculture, où les rapports féodaux dominent toujours, stagne.


Les premiers Romanov*

Le faible Michel (Mikhaïl Fedorovitch) Romanov (1613-1645) laisse régner à sa place ses parents, les Saltykov et les Tcherkasski, mais surtout son père, le patriarche Philarète.

Alexis (1645-1676) abandonne les affaires d’État au boyard Morozov, puis au patriarche Nikon. Le pouvoir du tsar est tempéré par la haute aristocratie et la Douma des boyards. La Douma « privée » du tsar verra son rôle grandir à la fin du siècle. Le Zemski Sobor siège régulièrement dans les dix premières années du tsar Michel, puis l’autocratie ascendante a de moins en moins recours à lui. Les dernières réunions ont lieu en 1648, en 1650, en 1651 et en 1653. C’est le signe de l’évolution de la monarchie représentative vers la monarchie absolue.


Les réformes religieuses et le « raskol »

De 1653 à 1656, le patriarche Nikon (Nikita Minine, 1605-1681) entreprend de sévères réformes. Ses motivations sont peut-être d’ordre politique ; il veut la réunion à l’Église russe des Églises orthodoxes d’Ukraine et des Balkans, dont les rites sont plus proches de l’Église grecque. On corrige les livres liturgiques russes d’après les originaux grecs, le signe de la croix se fait avec trois doigts au lieu de deux et l’on modifie les structures des offices. Les opposants, conduits par les archiprêtres Avvakoum et Daniel, entraînent derrière eux les masses des « vieux croyants », qui ne comprennent pas les raisons de ces réformes : ils sont exilés et frappés d’anathème.

Nikon rêve d’une Église forte et indépendante de l’État ; il décide que le tsar tiendra son pouvoir du patriarche, se fait appeler « grand souverain » et règne en maître à Moscou pendant l’absence du tsar en 1654. Ses dernières exigences ne répondant plus à l’absolutisme du pouvoir tsariste, la rupture se produit en 1658. Le concile de 1666-67 approuve la réforme religieuse, mais ne prend pas position en ce qui concerne l’Église et l’État. Le schisme (ou raskol) aura pour conséquence l’affaiblissement de l’Église russe.


Évolution du système politique

L’État autocratique s’appuie sur un important appareil administratif : les prikazes sont au nombre de cinquante. Les principaux restent ceux des pomestie, des ambassades, du Grand Trésor. De nouveaux territoires à administrer entraînent la création de nouveaux prikazes : ceux de streltsy, des affaires secrètes, de Sibérie par exemple. Les districts sont gouvernés par des voïvodes choisis parmi la noblesse et munis des pleins pouvoirs militaires, judiciaires et financiers.