Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

Peinture

Comme dans tous les pays de religion orthodoxe, la sculpture religieuse est prohibée, car elle risquerait de faire glisser les fidèles vers l’idolâtrie ; la peinture, moins dangereuse, semble-t-il, la remplace. Souvent restaurées et présentant un caractère d’imagerie populaire, les peintures murales des églises, leur chatoyance de « tapis » oriental mise à part, ont une valeur plastique réduite ; mais leur témoignage iconographique reste entier. Le décor intérieur s’ordonne en fonction des diverses parties de l’édifice, souvent selon le schéma suivant : au sanctuaire, le Christ pantocrator, la Vierge et l’eucharistie ; dans la nef, la vie de Jésus, en relation avec les douze grandes fêtes de l’Église orthodoxe ; dans la chambre des tombeaux et au narthex, les thèmes eschatologiques (Jugement dernier, Échelle des vertus), l’arbre de Jessé, les légendes des saints ; à l’entrée, l’empereur Constantin et sainte Hélène de chaque côté de la croix. À l’extérieur, les églises de Bucovine présentent l’Église triomphante au chevet, l’arbre de Jessé et l’hymne acathiste sur les côtés, le Jugement dernier ou l’Échelle de saint Jean Climaque en façade.

En dehors de quelques décors intérieurs en Valachie (Curtea de Argeş), ces cycles de peintures se situent surtout en Moldavie (et singulièrement en Bucovine). Leur grande époque est le xvie s. : église de Voroneţ, église Saint-Jean-Baptiste du monastère d’Arboré, églises des monastères d’Humor, de Moldoviţa et de Suceviţa, le dernier de ces monuments offrant un ensemble intérieur et extérieur particulièrement riche.

La plus ancienne icône indiscutablement roumaine (dans le trésor de Putna) ne date que de 1566. Beaucoup moins important que la peinture murale, l’art de l’icône dépend, comme celle-ci, des modèles grecs, tout en accueillant progressivement certains traits russes (scènes marginales encadrant le sujet principal) ou occidentaux (thème de la Vierge couronnée par la Trinité). L’Ancien Testament ne fournit qu’un petit nombre de sujets, et les images de saints l’emportent sur les scènes de l’Évangile : saint Jean-Baptiste, l’évêque thaumaturge saint Nicolas, le saint guerrier Demetrius. Art paysan, la peinture d’icônes sur verre fleurit en Transylvanie au xviiie s. (musée d’Art de Cluj). Enfin, l’enluminure de manuscrits concerne surtout des évangéliaires et vaut par la vivacité du coloris.


Arts décoratifs

Également populaire est l’art du mobilier de bois sculpté des églises : iconostases, qui, à partir du xve s., tendent à isoler complètement le sanctuaire de la nef, pupitres servant à exposer l’image du saint dont on célèbre la fête, lutrins des chantres, trônes du seigneur et de l’évêque ; certaines croix portatives ont un décor de scènes évangéliques très finement sculptées.

L’orfèvrerie, surtout d’argent ou d’argent doré, est fabriquée par d’importants ateliers à partir de la seconde moitié du xive s. Elle est aussi importée d’Occident. En Transylvanie travaillent des maîtres saxons attachés à l’esthétique sculpturale du gothique et de la Renaissance (haut-relief, ciselure). En Valachie et en Moldavie, le relief est suggéré, à la manière byzantine, par une technique du méplat (au repoussé) qui indique les grandes lignes avec vigueur, va droit à l’essentiel. Caractéristiques sont les tabernacles en forme d’églises à coupoles, les revêtements d’icônes et surtout les plats d’évangéliaires à décor figuratif.

La broderie joue un rôle de premier plan dans l’art sacré roumain. Au xve et au xvie s., les nappes d’autel, les voiles de calices, les vêtements liturgiques, taillés dans des brocarts, des velours et des soies importés de Constantinople ou d’Italie, sont revêtus de véritables « peintures à l’aiguille » d’une haute qualité.

Il en est de même pour les epitaphios, voiles que l’on étend sur le simulacre de tombeau du Christ et, par extension, parements de tombeaux représentant (à la place des gisants sculptés interdits par l’Église grecque) les effigies des princes défunts.

L’art populaire, plus exactement celui des paysans, à leur propre usage, a produit beaucoup ; les objets conservés sont, pour la plupart, du siècle dernier, mais tous se rattachent à la tradition, les formes ayant peu varié. Les paysans sculptaient les portails de leurs fermes, des trompes de berger, des croix de bois pour leurs cimetières ; la poterie était abondante. Les vêtements brodés, jaquettes, chemises ou tabliers, offrent une variété de motifs et une richesse de couleurs étonnantes ; et les tapis, aux dessins stylisés, aux assemblages chromatiques originaux, ont fait la gloire de l’Olténie et de la Bessarabie.


L’époque moderne et contemporaine

L’art roumain « savant », sclérosé, se réveille vers le milieu du xixe s. à la faveur de l’indépendance nationale et de l’attirance qu’exercent les nations occidentales, la France spécialement.

Succédant aux manifestations du néo-classicisme, l’architecture d’un Ion Mincu (1852-1912) fait évoluer l’éclectisme vers une redécouverte des sources nationales. En l’absence de toute tradition, c’est à des académistes français que sont commandées les statues commémoratives des grands hommes de la nouvelle nation. Les peintres de l’époque doivent à des séjours à Paris une partie de leur formation : Theodor Aman (1831-1891), peintre d’histoire surtout, auquel est due la fondation de l’École des beaux-arts de Bucarest ; Nicolaie Grigorescu (1838-1907), passé de la peinture d’icônes à la fréquentation de Barbizon* et qui a illustré la vie paysanne roumaine sur un mode de vivacité heureuse ; Ion Andreescu (1850-1882), disciple du précédent et qui le dépasse parfois par une vision plus grave, plus intérieure ; Ştefan Luchian (1868-1916), averti du mouvement impressionniste et des tendances synthétiques qui lui succèdent, véritable initiateur du mouvement antiacadémique.