Nom d’une famille de peintres italiens dont deux sont notoires : Sebastiano (Belluno 1659 - Venise 1734) et Marco, neveu du précédent (Belluno 1676 - Venise 1729).
Venise*, au xviie s., n’avait compensé l’épuisement de sa veine picturale que par l’apport de maîtres étrangers. C’est de l’un d’eux, le bizarre Sebastiano Mazzoni (v. 1611-1678), de Florence, que Sebastiano Ricci reçut sa première formation, qu’il compléta ensuite à Bologne*. Ainsi commençait-il une carrière itinérante, comme devaient le faire tant de peintres d’histoire de l’école vénitienne. En 1686, Ranuccio II Farnese lui donna de l’ouvrage à Parme et à Plaisance. Puis Sebastiano gagna Rome, où le style décoratif de Pierre de Cortone* lui proposait de nouvelles leçons. Il revint à Venise par Florence, Bologne, Modène, Parme, où l’Aula Magna de l’université garde de lui dix scènes de l’histoire grecque et romaine, enfin par Milan, où il rencontra Alessandro Magnasco (1667-1749), venu de Gênes, non sans profit pour son art. On le trouve à Vienne vers 1701, à Bergame en 1704, puis de nouveau à Venise, dont il s’absenta cependant en 1706 pour un voyage à Florence, où il décora le palais Marucelli de belles fresques représentant les Travaux d’Hercule. À partir de ce moment, il devait puiser son inspiration chez les maîtres vénitiens du xvie s., surtout Véronèse*. C’est ce dont témoignent, à Venise, de brillants ouvrages comme la pala de San Giorgio Maggiore — une Madone trônant entre neuf saints (1708) — on les plafonds de San Marziale. C’est autour de 1712 que se place l’important séjour de Sebastiano à Londres, où il décora Burlington House (aujourd’hui Royal Academy) et la coupole de l’hôpital de Chelsea. Il s’arrêta en Hollande et, en 1716, à Paris, où l’Académie royale de peinture le reçut membre sur présentation d’un Triomphe de la Science (musée du Louvre). Il se fixa à Venise en 1717, sans cesser de travailler pour d’autres villes, comme Bergame, où sa Vierge du Secours est conservée à Sant’Alessandro della Croce, ou Vienne, dont l’église Saint-Charles-Borromée abrite une Assomption de sa main.
Après avoir assimilé adroitement le langage baroque, S. Ricci est retourné aux sources de la grande tradition vénitienne et a restauré le règne de la couleur. Mais il l’a fait en représentant de l’esthétique rococo, par le mouvement introduit dans ses compositions, par l’amenuisement de ses formes au dessin haché et capricieux, par sa touche libre et brillante, par le registre plus sonore de son coloris, par son inspiration plus aimable que grandiose. Après le sommeil du « seicento », il apparaît comme un précurseur, malgré sa personnalité assez floue. Son influence s’est exercée sur Giovanni Antonio Pellegrini (1675-1741), d’ailleurs plus original que lui, puis sur Giovan Battista Pittoni (1687-1767) ; il a ouvert la voie au génie de Giambattista Tiepolo*.
Marco Ricci est l’un des grands paysagistes de l’école vénitienne. Formé par son oncle, il l’accompagna dans ses déplacements et peignit souvent les fonds de paysage de ses tableaux. À l’influence de Salvator Rosa (1615-1673) et d’autres paysagistes de Naples ou de Rome s’ajoute dans son œuvre celle de Magnasco et des Hollandais. Son inspiration est d’un romantisme accusé. De sa touche vibrante, il aime peindre une nature tourmentée, où les éléments se déchaînent, comme on le voit par exemple avec le Paysage au naufrage (Museo Civico de Bassano) ou le Paysage à la cascade (Accademia de Venise). Il n’est cependant pas rare de trouver chez lui une vive sensibilité au spectacle réel de la nature ; elle s’exprime notamment dans les compositions à la gouache sur peau de chevreau que M. Ricci multiplia vers la fin de sa vie (collection royale de Windsor, Accademia de Venise).
B. de M.
J. von Derschau, Sebastiano Ricci (Heidelberg, 1922).